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18/12/2024 | FRANCE | N°24PA01919

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 18 décembre 2024, 24PA01919


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.



Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Le rapport

de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.



Considérant ce qui suit :



1. Mme A... épouse ...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse B..., ressortissante indienne née le 21 juillet 1986 à Majri (Inde), est entrée régulièrement en France le 9 juin 2018, munie d'un visa de court séjour selon ses déclarations. Le 9 mai 2022, elle a sollicité son admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 5 mai 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement. Mme A... épouse B... relève appel du jugement du 28 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé.

3. Il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme A... épouse B... justifiait d'une présence habituelle et continue sur le territoire français depuis juin 2018, auprès de son époux, entré en France en 2008, qui y a résidé de façon régulière depuis lors en étant muni de titres de séjour, en dernier lieu, d'une carte de résident de dix ans, valable jusqu'au 28 novembre 2028. Il est établi que ce dernier a créé une société -GS Electricité- dont il est le gérant. Mme A... épouse B... y est employée en qualité de secrétaire par contrat de travail à durée indéterminée, à temps partiel à compter du 21 septembre 2020 et à temps complet depuis le 1er septembre 2021 moyennant un salaire brut de 1 585 euros. Le couple est locataire de son logement situé dans le 18ème arrondissement de Paris. Leur fille aînée est scolarisée, en classe de seconde classique pour l'année 2023/2024, et a obtenu des résultats qualifiés d'" exceptionnels " sur ses bulletins après avoir débuté sa scolarité en unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UPE2A). Leur seconde fille est scolarisée, en classe de sixième, et est qualifiée d' " élève sérieuse et impliquée ". Enfin, en première instance, de nombreux témoignages d'amis du couple ont été produits faisant état de l'insertion de la famille, en France. Compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de son séjour en France, et des liens personnels et familiaux dont elle peut se prévaloir en France, Mme A... épouse B... est fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est, par suite, fondée pour ce motif à demander l'annulation de la décision refusant son admission au séjour ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays à destination duquel elle pourrait être éloignée, qui en procèdent.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... épouse B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et à demander l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué retenu ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement que l'administration délivre à Mme A... épouse B... une carte de séjour temporaire valable un an portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer ce titre dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... épouse B... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2306826 du 28 mars 2024 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 5 mai 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme A... épouse B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... épouse B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 décembre 2024.

La rapporteure,

M-D. JAYERLe président,

J-C. NIOLLET

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA01919


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01919
Date de la décision : 18/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. NIOLLET
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : NESSAH

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-18;24pa01919 ?
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