Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Aéroports de Paris (ADP) a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Brézillon et JCMRS à lui verser une indemnité d'un montant de 696 445 euros hors taxes (HT) à majorer de la TVA applicable avec actualisation selon l'indice du coût de la construction BT01.
Par un jugement n° 2006247 du 22 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions d'appel en garantie de la société JCMRS à l'encontre de la société Brézillon et de la société Brézillon à l'encontre de la société JCMRS comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, condamné la société Brézillon à payer à la société ADP une indemnité d'un montant de 112 644 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de la garantie décennale des constructeurs, mis à la charge de la société Brézillon les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 20 494,98 euros, et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 avril 2023 et le 29 septembre 2023, la société Aéroports de Paris, représentée par Me Marquet, demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du 22 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a pour partie rejeté ses demandes ;
2°) de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Brézillon et JCMRS à lui verser une indemnité d'un montant total de 696 445 euros HT, à majorer de la TVA applicable, avec actualisation selon l'indice du coût de la construction BT01 ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise et de condamner solidairement les sociétés Brézillon et JCMRS à lui verser une provision de 112 644 euros, majorée de la TVA applicable, avec actualisation selon l'indice BT01 ;
4°) de rejeter les demandes présentées par les sociétés JCMRS et Brézillon ;
5°) de mettre à la charge solidaire ou in solidum des sociétés JCMRS et Brézillon la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à juste titre que le tribunal a retenu la compétence de la juridiction administrative pour connaître de sa demande et a jugé que la société Brézillon était tenue de réparer ses préjudices ;
- c'est en revanche à tort qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la société JCMRS ;
- c'est également à tort qu'il a pour partie rejeté sa demande d'indemnisation ;
- la matérialité des désordres n'est pas contestable ;
- la responsabilité de la société Brézillon, titulaire du marché de travaux, est engagée à son encontre en sa qualité de constructeur au titre de la garantie décennale ;
- aucune faute exonératoire de responsabilité ne peut lui être imputée ;
- elle est par ailleurs fondée à demander la condamnation solidaire de la société JCMRS, entreprise sous-traitante, dont la responsabilité quasi-délictuelle et la responsabilité décennale sont également engagées en raison de graves manquements aux règles de l'art dans l'exécution des travaux d'étanchéité des avaloirs qu'elle a exécutés ;
- elle est fondée à demander l'indemnisation des postes suivants :
* au titre des travaux de reprise des avaloirs/de l'étanchéité : 126 000 euros HT,
* au titre des travaux de reprise des bétons et aciers du plancher : 285 000 euros HT,
* au titre des travaux d'embellissement : 30 000 euros HT,
* au titre de la mise en place d'une cuisine provisoire : 255 445 euros HT ;
- si ces sommes ne devaient pas lui être allouées en totalité, une nouvelle expertise devrait être ordonnée, et la somme de 112 644 euros majorée de la TVA, versée à titre de provision ;
- elle est enfin fondée à demander l'indexation du coût des travaux sur l'indice BT01 du coût de la construction ;
- l'appel en garantie dirigé à son encontre par la société la société JCMRS est irrecevable dès lors qu'elle a été assignée aux mêmes fins devant le juge judiciaire ; en tout état de cause, son action est prescrite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2023, la société JCMRS, représentée par Me Brosset, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société ADP ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- à titre principal, d'annuler le jugement du 22 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil et de rejeter les demandes de la société ADP ;
- à titre subsidiaire, de rejeter les demandes formées par la société ADP au-delà de la somme de 85 044 euros TTC et de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Brézillon et ADP à la garantir de toutes condamnations mises à sa charge en principal, accessoires et intérêts ;
3°) de condamner solidairement la société ADP ainsi que tout succombant à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu sa compétence pour connaître d'une action en responsabilité quasi-délictuelle dirigée par le maître d'ouvrage contre le sous-traitant d'un marché de travaux publics ainsi que de l'appel en garantie formé sur le fondement d'un contrat conclu entre une entreprise et un sous-traitant de droit privé ;
- c'est également à tort qu'il a retenu sa compétence pour connaître des demandes formées par une société aéroportuaire, personne morale de droit privé qui n'est pas le mandataire de l'Etat, à l'encontre des sociétés Brézillon et JCMRS, loueurs d'ouvrage avec qui elle a conclu des contrats pour la réalisation de travaux dans les aérodromes qu'elle exploite ;
- au fond et à titre subsidiaire, un partage de responsabilité doit être opéré entre elle-même et la société Brézillon qui a manqué à son devoir de contrôle et de surveillance et doit supporter 50 % de la responsabilité, ainsi qu'avec la société ADP, laquelle, en sa qualité de maître d'ouvrage exerçant la maitrise d'œuvre, a commis une faute dans le suivi du chantier et doit également supporter 50 % de la responsabilité ;
- à défaut, elle est fondée à obtenir la garantie de toutes condamnations mises à sa charge sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil par la société Brézillon, et sur le fondement de l'article 1240 du code civil par la société ADP ;
- les conditions d'engagement de sa responsabilité quasi-délictuelle à la demande de la société ADP, ne sont pas réunies, dès lors que la responsabilité de la société Brézillon peut être utilement recherchée ;
- conformément aux conclusions de l'expert, les sommes de 58 870 euros HT, 7 000 euros HT et 5 000 euros HT au titre des travaux de reprise des avaloirs, des embellissements et de la reprise des bétons et aciers du plancher, doivent être retenues ; aucune somme ne doit en revanche être allouée au titre de la mise en place d'une cuisine provisoire ;
- une condamnation in solidum ne saurait être prononcée à son encontre dès lors que la demande présentée par la société ADP n'est pas formée sur le même fondement de responsabilité que celle présentée à l'encontre de la société Brézillon ;
- la demande d'indexation doit également être rejetée, le coût des travaux de réfection étant évalué à la date où leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer soit le 27 octobre 2017, date du dépôt du rapport d'expertise, faute pour la société ADP de justifier s'être trouvée dans l'impossibilité technique ou financière de faire effectuer les travaux à cette période ;
- il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2023, la société Brézillon, représentée par Me Papazian, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société ADP ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- de réformer le jugement du 22 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil en ce qu'il a fixé le montant total du préjudice à une somme excédant 85 044 euros TTC, en ce qu'il a écarté la responsabilité de la société ADP et en ce qu'il a rejeté la demande de cette dernière tendant à la condamnation de la société JCMRS ;
- de rejeter la demande de la société ADP en ce qu'elle excède la somme de 85 044 euros TTC, sous déduction de la part de responsabilité qui lui est imputable, et de condamner la société JCMRS à la garantir des condamnations mises à sa charge ;
3°) de mettre à la charge in solidum des sociétés ADP et JCMRS la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner la société JCMRS aux dépens.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le juge administratif est compétent pour connaître des demandes de la société ADP directement dirigées contre la société JCMRS ;
- l'expert ayant exclu toute responsabilité de sa part, elle est fondée à demander la condamnation de la société JCMRS, son sous-traitant, à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre ;
- l'expert ayant retenu qu'une faute avait été commise par la société ADP en sa qualité de maître d'œuvre, la faute exonératoire de celle-ci doit par ailleurs être prise en compte dans la survenance des désordres ;
- conformément aux conclusions de l'expert, les sommes de 58 870 euros HT, 7 000 euros HT et 5 000 euros HT au titre des travaux de reprise des avaloirs, des embellissements et de la reprise des bétons et aciers du plancher, doivent être retenues ; aucune somme ne doit en revanche être allouée au titre de la mise en place d'une cuisine provisoire ;
- la demande de nouvelle expertise devra être rejetée.
Par ordonnance du 2 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mars 2024 à 12 heures.
Vu :
- l'ordonnance n°1003626-1506719 du 7 décembre 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 20 494,98 euros ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil,
- le code de l'aviation civile,
- le code des marchés publics,
- la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005,
- le cahier des clauses administratives générales travaux de 1976,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jayer,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Rivaille, pour la société ADP.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement signé le 10 février 2005 dans le cadre d'une opération d'extension et de réhabilitation d'un bâtiment de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle comprenant, à l'étage, les locaux du restaurant du personnel du comité d'établissement et, au rez-de-chaussée, ceux du comité d'établissement et des locaux techniques, l'établissement public Aéroports de Paris (ADP) ultérieurement devenu société anonyme, a en qualité de maître d'ouvrage, confié l'exécution des travaux relevant du lot n° 1 " VRD - gros-œuvre - couverture - façades - serrurerie - carrelage - faïence " à la société Brézillon, pour un montant de 2 046 469,13 euros HT, soit 2 447 577,08 euros TTC. Cette société a fait appel à un sous-traitant, la société JCM Moquette devenue JCMRS, pour réaliser les travaux du lot " revêtements de sols - faïences ". Les travaux ont fait l'objet d'une réception sans réserve le 11 juillet 2007, avec effet au 1er octobre 2006. Postérieurement à cette réception, le 2 avril 2009, la société ADP a signalé à la société Brézillon l'apparition de désordres dans la zone rénovée, consistant en des infiltrations d'eau et en des fuites, notamment au droit des avaloirs de la cuisine du premier étage ainsi qu'au plafond de certaines salles du rez-de-chaussée, entraînant des détériorations d'équipements, des décollements de faïence et de carrelages, des remontées d'eau et des écoulements.
2. L'expert désigné à la demande de la société ADP par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil du 13 juillet 2010, a déposé son rapport le 27 octobre 2017.
3. Par jugement du 22 février 2023, le tribunal administratif Montreuil a condamné la société Brézillon à payer à la société ADP une indemnité totale de 112 644 euros TTC au titre de la garantie décennale des constructeurs, a mis définitivement à la charge de celle-ci les frais d'expertise, et a rejeté le surplus des conclusions des parties. La société ADP, la société Brézillon et la société JCMRS font appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
4. En premier lieu, d'une part, à la date de la signature de l'acte d'engagement, le 10 février 2005, la société ADP avait le statut d'établissement public chargé d'une mission de service public, gérant des installations ayant le caractère d'ouvrages publics en vertu des dispositions alors en vigueur des articles L. 251-1 et L. 251-2 du code de l'aviation civile. La circonstance que cet établissement soit devenu une société anonyme postérieurement à cette signature en application de la loi du 20 avril 2005 n'a pu avoir pour effet de modifier la nature juridique du contrat, ce d'autant que l'article 4 de la loi dispose expressément que l'ensemble des contrats et conventions de toute nature en cours de l'établissement public Aéroports de Paris sont attribués à la société Aéroports de Paris, et que cette attribution est sans aucune incidence sur ceux-ci, et n'entraîne pas leur modification.
5. D'autre part, il résulte de l'instruction que le contrat renvoie notamment au CCAG travaux de 1976, sans dérogation à l'article 46 de ce cahier qui prévoit la possibilité de résiliation unilatérale sans faute du cocontractant, pour motif d'intérêt général. Il contient ainsi une clause qui, notamment, par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs. Dans ces conditions, le contrat passé par l'établissement public Aéroports de Paris, personne publique, pour la réalisation de travaux publics, qui comportait une clause exorbitante de droit commun, était à la date de sa signature, un contrat administratif.
6. Dès lors, contrairement à ce que soutient la société JCMRS, le litige contractuel engagé par la société ADP à l'encontre de la société Brézillon ressortit à la compétence de la juridiction administrative.
7. En second lieu, le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties sont unies par un contrat de droit privé.
8. Il en résulte, contrairement à ce que soutient la société JCMRS, qu'en l'absence de contrat conclu entre la société ADP et la société JCMRS, laquelle a participé à l'exécution des travaux en raison du contrat de droit privé qu'elle a conclu avec la société Brézillon retenue pour l'exécution des travaux, l'action en responsabilité quasi-délictuelle dirigée par le maître d'ouvrage contre le sous-traitant du marché public de travaux, notamment en raison d'une violation des règles de l'art, relève de la compétence de la juridiction administrative.
9. En revanche, la compétence de la juridiction administrative ne s'étend pas à l'action en garantie du titulaire du marché contre son sous-traitant avec lequel il est lié par un contrat de droit privé.
10. Il en résulte, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, que la juridiction administrative n'est pas compétente pour examiner les appels en garantie formés, l'une à l'encontre de l'autre, par les sociétés Brézillon et JCMRS.
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne la responsabilité décennale de la société Brézillon :
11. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
12. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que postérieurement à la réception, des fuites et infiltrations d'eau ont été relevées, au rez-de-chaussée (RDC), à travers le plancher haut de la sous-station chauffage-climatisation-plomberie, de la sous-station sanitaires, de la sous-station primaire, de la salle de musique, des vestiaires hommes et femmes, et du sauna. Les désordres ont également affecté les carrelages à l'étage supérieur. Selon les conclusions non contestées de l'expert à l'issue d'investigations pour rechercher l'origine du sinistre, notamment cinq sondages destructifs et une mise en charge d'eau, ces infiltrations proviennent du lavage quotidien à grande eau de la cuisine de l'étage, et ont été causées par une mauvaise étanchéité ainsi que par l'exécution défectueuse des siphons de sols (avaloirs), notamment des 38 unités d'évacuation du sol de la cuisine. Elles sont la cause de traces de fuites et d'infiltrations dans les salles du bas, notamment au plafond, et du décollement de carrelages et de la faïence murale, à l'étage. Selon l'expert, le défaut d'étanchéité des avaloirs est à l'origine exclusive des infiltrations constatées et est exclusivement imputable à la société JCMRS qui n'a pas exécuté correctement et suivant les règles élémentaires de l'art, l'étanchéité périphérique des 38 unités d'évacuation de sols de la cuisine du restaurant du personnel.
13. Comme le soutient la société ADP, ces désordres apparus postérieurement à la réception, sont de nature à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage. Leur caractère décennal n'est d'ailleurs pas contesté. Ils sont imputables à la société Brézillon, titulaire du lot n°1, qui ne conteste pas sa responsabilité, en application des principes régissant la garantie décennale des constructeurs.
14. Si les sociétés Brézillon et JCMRS soutiennent que les désordres trouvent également leur origine dans un manquement de la société ADP à l'obligation de surveillance du chantier qui pesait sur elle en tant que maître d'œuvre, il ne résulte pas de l'instruction que cette société aurait été tenue, dans le cadre de la maîtrise d'œuvre, de procéder à des vérifications de l'étanchéité périphérique des siphons de la cuisine, par réalisation de sondages ou par échantillonnage.
En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle de la société JCMRS :
15. La société ADP n'est pas fondée à demander l'engagement de la responsabilité quasi-délictuelle de la société JCMRS, sous-traitant n'ayant pas la qualité de constructeur et dont la responsabilité décennale ne peut être engagée, dès lors qu'elle a pu utilement rechercher la responsabilité de son cocontractant, la société Brézillon, ainsi que cela résulte des points 11 à 13 .
Sur les préjudices :
Quant à la reprise de l'étanchéité :
16. Il résulte notamment du rapport d'expertise que les travaux permettant de mettre fin aux problèmes d'infiltration et d'étanchéité peuvent être limités à la dépose et à la repose, suivant les règles de l'art, de 38 unités d'évacuations des sols carrelés de la cuisine, pour un coût de 58 870 euros HT selon devis de la société JCMRS du 3 juillet 2017. La société ADP soutient que les travaux nécessaires doivent être évalués à la somme de 126 000 euros correspondant au devis de l'entreprise TMB, tiers au litige, du 26 juin 2017, également soumis à l'expert. Ce dernier l'a toutefois écarté au motif qu'il ne précisait pas si les avaloirs existants étaient conservés et réutilisés. Si la société ADP fait valoir que les avaloirs, siphons et caniveaux existants vont nécessairement être endommagés lors de leur dépose, et vont devoir être remplacés, a fortiori plus de quinze années après leur mise en place, elle ne l'établit pas. Les premiers juges ont ainsi procédé à une juste évaluation de ce poste de préjudice en allouant à la société ADP la somme de 58 870 euros au titre des travaux de reprise de l'étanchéité.
Quant à la reprise des bétons et aciers du plancher :
17. Il résulte de l'instruction qu'en cours d'expertise et indépendamment de celle-ci, la société ADP a unilatéralement mandaté le cabinet OGER aux fins d'analyses. A l'issue de ses opérations, celui-ci a constaté un phénomène de corrosion de l'acier des armatures du plancher haut en rez-de-chaussée, réduit dans certaines zones de 18 à 8 mm, dans des proportions " anormalement " faibles, tout en relevant que seules certaines zones comportaient des chlorures dans une quantité susceptible de créer une corrosion. Après avoir tenu compte de ce rapport en dépit de son absence de caractère contradictoire, tout en estimant que des travaux de passivation de l'acier des armatures du béton visible après les sondages destructifs étaient nécessaires, l'expert a évalué le coût des travaux nécessaires à 5 000 euros HT. Ce n'est qu'après l'expertise que la société ADP a mandaté la société LERM, dont le rapport est daté du 21 avril 2019, pour effectuer un diagnostic des structures. Si celle-ci y constate que le front de carbonatation du béton atteint 99% des armatures et que, dans certaines zones, le béton est éclaté, laisse apparaître des aciers fortement corrodés, et préconise en conséquence la réfection de la sous-face de la dalle sur 400m², ce même rapport révèle également que le facteur " prédominant " de la corrosion des armatures du béton est la carbonatation du béton d'enrobage, elle-même consécutive à la pénétration du CO2 atmosphérique dans le matériau. Or, il ne résulte pas de l'instruction que ce phénomène de carbonatation, qui concerne également les zones non affectées par les infiltrations, soit la conséquence directe et certaine du défaut d'étanchéité des avaloirs de la cuisine. Un tel lien de causalité étant uniquement établi s'agissant de la pollution aux chlorures au droit d'une zone très dégradée avec acier apparent, le coût des travaux donnant lieu à indemnisation de ce chef ne saurait excéder ceux relatifs à cette zone. Les premiers juges ont ainsi procédé à une juste évaluation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 5 000 euros.
Quant aux embellissements :
18. Il résulte de l'instruction que les dégâts causés par les infiltrations d'eau ont rendu nécessaires des travaux d'embellissement des surfaces abimées, et des travaux de peinture, dans la salle de la section musique, les vestiaires hommes et femmes et le sauna, pour une surface totale de 110 m². Si, pour évaluer le préjudice consécutif, l'expert a écarté le devis produit par la société ADP, d'un montant de 30 000 euros HT, faute pour celui-ci de préciser la surface de peinture à réaliser ainsi que le prix unitaire au m², il résulte de l'instruction qu'il vise les pièces concernées, alors que l'estimation des travaux à 7 000 euros HT faite par l'expert, ne précise pas sur quelle base il a estimé le coût retenu à 60 euros le m². Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges se sont fondés sur le devis dont se prévaut l'appelante.
Quant à l'installation d'une cuisine provisoire :
19. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que les travaux de reprise de l'étanchéité nécessitent la fermeture de la cuisine du personnel. Afin d'en faciliter la réalisation, l'expert a estimé qu'ils pouvaient être effectués hors période de fréquentation, c'est-à-dire en fin de semaine, à partir du vendredi à 15 h. Si la société ADP conteste cette préconisation et demande l'indemnisation de l'installation d'une cuisine provisoire, à hauteur de 255 445,30 euros HT, elle n'établit pas que la solution préconisée par l'expert ne serait pas réalisable, dès lors que ce dernier a notamment estimé que les travaux pouvaient être effectués dans la limite de six à huit week-ends. Il s'ensuit que la société ADP n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient à tort rejeté sa demande sur ce point.
Sur la demande de la société ADP tendant à l'indexation sur l'indice BT 01 du coût de la construction :
20. Le coût des travaux de réfection doit être évalué à la date où leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer. Il n'en va autrement que si ces travaux sont retardés pour une cause indépendante de la volonté de la victime.
21. En l'espèce, cette date est, au plus tard, celle à laquelle l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a déposé son rapport, soit le 27 octobre 2017. Ce rapport définissait avec une précision suffisante la nature et l'étendue des travaux nécessaires. La société ADP n'établit ni même n'allègue qu'elle aurait été dans l'impossibilité de les financer dès cette date. Par suite, sa demande tendant à ce que le montant de la réparation soit indexé sur l'indice du coût de la construction doit être rejetée.
22. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que la société ADP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a pour partie rejeté sa demande, et que les sociétés Brézillon et JCMRS ne sont pas fondées à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif a prononcé la condamnation rappelée ci-dessus à l'encontre de la société Brézillon.
Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la société JCMRS contre la société ADP :
23. Il résulte de ce qui est jugé aux points 10 et 15 du présent arrêt que les conclusions analysées ci-dessus de la société JCMRS à l'encontre de la société ADP sont dépourvues d'objet.
Sur les conclusions de la société ADP tendant à la condamnation des sociétés Brézillon et JCMRS au versement d'une provision de 112 644 euros :
24. Il n'appartient en tout état de cause pas à la Cour, dans le cadre du présent litige, de connaitre de conclusions tendant à l'allocation d'une provision.
Sur les dépens :
25. Compte tenu de ce qui a été dit au point 22, les conclusions de la société Brézillon tendant à ce que les frais d'expertise soient mis à la charge de la société JCMRS ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
26. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société ADP est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des sociétés Brézillon et JCMRS sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aéroports de Paris, à la société Brézillon et à la société JCMRS.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Niollet, président-assesseur,
M. Pagès, premier conseiller,
Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 décembre 2024.
La rapporteure,
M-D. JAYERLe président,
J-C. NIOLLET
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01715