La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2024 | FRANCE | N°23PA01591

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 18 décembre 2024, 23PA01591


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- le code civil ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes ou de services ;

- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l

'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- les ob...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes ou de services ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- les observations de Me Larmet, pour EPPDCSI,

- et les observations de Me Vicquenault, pour la société Onet Services.

Considérant ce qui suit :

1. Par accord-cadre à prix global et forfaitaire et, pour partie, à bons de commande sans montant maximum, notifié le 15 mars 2017, l'Etablissement public du Palais de la Découverte et de la Cité des Sciences et de l'Industrie (EPPDCSI) a attribué à la société Onet Services l'exécution de prestations de nettoyage du bâtiment principal de la Cité des Sciences et de l'Industrie, de son contenu, de la vitrerie et des façades accessibles, pour la période allant du 1er avril 2017 au 31 mai 2021. A la suite d'un dégât des eaux survenu le 4 mars 2021, l'EPDDCSI a décidé de fermer les locaux concernés et en a interdit totalement l'accès aux personnels internes et externes. Les 6, 7 et 11 mars 2021, il a informé la société Onet Services de la suspension de ses prestations et de l'interdiction préventive de l'accès au site, avec effet immédiat. La reprise de l'activité est intervenue le 26 avril suivant. Les 31 mars, 30 avril et 31 mai 2021, la société Onet Services a adressé à l'EPDDCSI six factures pour des prestations forfaitaires de nettoyage au titre desdits mois, d'un montant total de 418 198,53 euros toutes taxes comprises (TTC). Le 30 juillet 2021, en l'absence de règlement, elle a adressé à son cocontractant une mise en demeure de payer cette somme sous 15 jours. Le 1er septembre 2021, elle a adressé à l'EPDDCSI un mémoire en réclamation portant sur le règlement des factures. Saisi par la société Onet Services à la suite du rejet de ce mémoire le 2 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a, par jugement du 23 février 2023, fixé le solde du marché restant à régler à la somme de 217 362,72 euros hors taxes (HT) augmentée des intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 1er septembre 2021, avec capitalisation, et a mis à la charge de ce dernier le paiement de l'indemnité forfaitaire contractuelle pour chacune des factures non réglées pour un montant total de 240 euros. L'EPPDCSI en relève appel.

Sur la régularité du jugement du tribunal administratif :

2. Si la société Onet Services a, dans son mémoire présenté devant le tribunal administratif le 5 septembre 2022, soutenu que ni l'article 7 du cahier des clauses administratives particulières du marché (CCAP), ni aucune autre stipulation du marché, ne prévoit que la suspension de l'exécution des prestations impliquerait la suspension de l'exécution financière du marché, elle n'a pas contesté que l'article 9 du même cahier pouvait être mis en œuvre, non seulement pour faire varier le périmètre ou la période d'exécution des prestations, mais encore pour suspendre ou interrompre complètement l'exécution du marché. Or, le moyen selon lequel cet article n'autorisait pas une telle suspension, n'avait pas le caractère d'un moyen d'ordre public. En se fondant sur ce moyen, le tribunal a, ainsi que l'EPDDCSI le soutient, entaché son jugement d'irrégularité.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Onet Services devant le tribunal administratif de Paris.

Sur la demande présentée par la société Onet Services devant le tribunal administratif :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du CCAP du marché intitulé " Modalités d'exécution " : " (...) L'EPPDCSI pourra procéder en cours d'exécution du marché à des ajustements portant sur des augmentations, ou des diminutions de surface ou sur la nature d'espaces selon les conditions de l'article 9 ci-après. Toutefois, ces ajustements ne sauraient dépasser plus de 10 % de la surface totale d'origine ". Aux termes de son article 9 intitulé " Variation des surfaces " : " Conformément à l'article 3 ci-dessus, l'EPPDCSI se réserve expressément le droit d'ajuster les surfaces de nettoyage dans les conditions suivantes : L'établissement notifiera sa décision au titulaire un mois à l'avance par lettre recommandée avec accusé de réception. Le titulaire devra se conformer aux demandes du responsable de l'EPPDCSI cité à l'article 2. 1 ci-dessus. Ces sujétions peuvent être notamment : - des modifications de locaux, - des changements dans la nature des sols, des structures, des réseaux et des équipements. - des interruptions temporaires ou définitives des prestations en fonction de l'occupation des locaux. Toutefois, l'Etablissement Public se réserve expressément le droit de suspendre ou d'interrompre les prestations pour raisons de sécurité. Cette décision sera notifiée au Titulaire par télécopie et lettre recommandée avec accusé de réception ".

5. Il résulte des stipulations combinées de ces articles qu'une interruption temporaire ou définitive des prestations prévues par le contrat ne peut être que la conséquence de " sujétions " limitativement énumérées, notamment des raisons tenant à la sécurité. De plus, ces stipulations n'autorisent pas l'établissement public à imposer au titulaire du marché des interruptions ou des suspensions de ses prestations excédant des " ajustements ", dans la limite de 10 % de la surface totale prévue par le marché. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les surfaces concernées par l'interruption décidée à la suite du dégât des eaux ayant affecté le musée de la Cité des sciences et de l'industrie, auraient représenté moins de 10 % de la surface faisant l'objet des prestations, l'EPDDCSI ne pouvait se fonder sur les stipulations de l'article 9 du CCAP pour interrompre ou suspendre complètement l'exécution du marché. L'EPDDCSI ne s'était d'ailleurs pas prévalu, avant la saisine du tribunal, des stipulations des articles 3 et 9 du CCAP.

6. En deuxième lieu, si l'EPDDCSI se prévaut également de l'article 7 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) intitulé " Modification des prestations " qui stipule : " L'EPPDCSI se réserve le droit de modifier les prestations dans le périmètre du bâtiment prévues dans le contrat-cadre. / L'EPPDCSI notifiera sa décision au Titulaire, au moins un mois à l'avance par lettre recommandée avec accusé de réception. / Les sujétions peuvent être notamment (...) - Des interruptions temporaires ou définitives des prestations en fonction de l'occupation des locaux (...) ", il ne résulte pas de l'instruction que, conformément à ces stipulations, il aurait notifié sa décision de modifier les prestations objet du marché, au moins un mois à l'avance, selon les formes contractuellement requises. Les courriels dont il se prévaut ne mentionnent d'ailleurs pas l'article 7 précité.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " Les prix des prestations faisant l'objet d'un marché public sont soit des prix unitaires appliqués aux quantités réellement livrées ou exécutées, soit des prix forfaitaires appliqués à tout ou partie du marché public, quelles que soient les quantités livrées ou exécutées ".

8. Il résulte de l'instruction que la rémunération du marché avait en l'espèce fait l'objet, pour sa part forfaitaire, d'un prix global et annuel, avec une facturation mensuelle par douzièmes. En vertu des dispositions précitées, l'ordre donné, sans référence au contrat, par l'EPDDCSI à la société Onet Services de suspendre pour partie les prestations des mois de mars et avril 2021, qui équivalait à une diminution de la quantité des prestations exécutées au cours de l'année 2021, était ainsi sans incidence sur le prix du marché et le droit de la société au paiement d'un douzième du prix convenu pour ces deux mois. En tout état de cause, il résulte de l'instruction, qu'eu égard à la nature de la prestation et à celle du sinistre à l'origine de la fermeture, le prestataire a nécessairement dû, à la reprise de son intervention le 26 avril 2021, effectuer des travaux supplémentaires pour compenser un défaut partiel d'entretien durant un peu plus de sept semaines. L'EPDDCSI n'est donc pas fondé à se prévaloir de la règle du service fait pour justifier la suspension du versement du prix forfaitaire du marché.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la société Onet Services, que l'EPDDCSI doit être condamné à lui payer la somme correspondant à la totalité des factures émises pour les mois de mars, avril et mai 2021, soit 217 362,72 euros HT, déduction faite des acomptes versés et des réfactions appliquées, outre celle de 240 euros au titre des indemnités forfaitaires de recouvrement.

Sur les intérêts moratoires :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 11.8.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de services : " En cas de contestation sur le montant des sommes dues, le pouvoir adjudicateur règle les sommes qu'il a admises. Après résolution du désaccord, il procède, le cas échéant, au paiement d'un complément, majoré, s'il y a lieu, des intérêts moratoires, courant à compter de la date de la demande présentée par le titulaire ". En application de l'article 7.3 du CCAP : " le défaut de paiement (...) fait courir de plein droit des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire et l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement d'un montant de 40 euros. Le taux des intérêts moratoires est celui de l'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points ".

11. L'EPDDCSI versera à la société Onet Services les intérêts moratoires au taux contractuel sur la somme de 217 362,72 euros HT à compter du 1er septembre 2021, date de réception de son mémoire en réclamation, ainsi que l'indemnité forfaitaire de 40 euros prévue par les stipulations citées ci-dessus pour chacune des factures non réglées.

12. En second lieu, aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêt échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ". Il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation pour les intérêts échus à compter du 1er septembre 2022.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Onet Services, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par l'EPDDCSI et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'EPDDCSI une somme de 1 500 euros à verser à la société Onet Services au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2127833 du tribunal administratif de Paris du 23 février 2023 est annulé.

Article 2 : L'EPDDCSI est condamné à payer à la société Onet Services la somme de 217 362,72 euros hors taxes (HT), augmentée des intérêts calculés selon les modalités indiquées au point 11. Les intérêts échus à la date du 1er septembre 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'EPDDCSI est condamné à payer à la société Onet Services des indemnités forfaitaires de recouvrement d'un montant total de 240 euros.

Article 4 : L'EPDDCSI versera à la société Onet Services une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Onet services et à l'Etablissement public du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 décembre 2024.

La rapporteure,

M-D. JAYERLe président,

J-C. NIOLLET

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne à la ministre de la culture et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01591


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01591
Date de la décision : 18/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. NIOLLET
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-18;23pa01591 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award