Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Montreuil, d'annuler l'arrêté du 25 avril 2024 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2406395 du 27 juin 2024 la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis d'enregistrer la demande d'asile de Mme A... et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement, et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 26 juillet 2024 sous le n° 24PA03358, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2406395 du 27 juin 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a fait droit au moyen tiré de ce que le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en œuvre la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 26 juillet 2024 sous le n° 24PA03359, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 27 juin 2024 du tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, sur le fondement de l'article R. 811-15 ou de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement attaqué.
III. Par une requête enregistrée le 26 juillet 2024 sous le n° 24PA03470, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2406395 du 27 juin 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a fait droit au moyen tiré de ce que le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en œuvre la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
Les requêtes ont été communiquées à Mme A..., qui n'a pas produit de mémoires en défense.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bories a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 25 avril 2024, le préfet de police a décidé du transfert aux autorités italiennes de Mme A..., ressortissante sri-lankaise née le 28 février 1998, aux fins d'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 27 juin 2024, dont le préfet de police et le préfet de la Seine-Saint-Denis relèvent appel, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté du préfet de police et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis d'enregistrer la demande d'asile de Mme A... et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours.
2. Les requêtes nos 24PA03358, 24PA03359 et 24PA03470 sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
3. Pour annuler l'arrêté portant transfert de Mme A... aux autorités italiennes, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a relevé que Mme A..., qui ne possède aucun proche en Italie, a en France son concubin, titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugié, avec lequel elle s'est mise en couple au Sri Lanka, il y a plusieurs années, et que dans les circonstances particulières de l'espèce, en ne mettant pas en œuvre la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et en refusant ainsi d'instruire en France la demande d'asile de Mme A..., le préfet de police avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...)°La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / (...)". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ". Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Le point 14 du préambule du règlement (UE) n° 604/2013 mentionne que, conformément à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le respect de la vie familiale devrait être une considération primordiale pour les États membres lors de l'application du règlement.
6. Si Mme A... soutient être en couple depuis 2016 avec un compatriote, présent en France depuis 2019 et titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugié délivrée en 2021, il ressort toutefois des pièces du dossier que lors de son entretien individuel en vue du dépôt de sa demande d'asile, le 3 janvier 2024, Mme A... a déclaré être célibataire, tout comme l'a déclaré son compagnon, le 24 septembre 2019, à l'occasion de sa propre demande d'asile. La requérante présente à l'appui de ses allégations une attestation de proche, qui témoigne de rendez-vous secrets du couple au Sri Lanka, des relevés de transfert d'argent effectués entre 2022 et 2023, et six photographies du couple prises au Sri Lanka en 2019 puis en France en 2023 et 2024. Dans ces conditions, l'intensité, l'ancienneté et la stabilité des liens que Mme A... entretiendrait avec son concubin ne sont pas démontrées. Ainsi, Mme A..., sans enfant à charge et récemment arrivée en France, ne justifie pas d'une situation particulière qui aurait dû conduire l'autorité administrative à faire application de la clause dérogatoire précitée. Dès lors, en ordonnant son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, le préfet de police n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17, paragraphe 1, du règlement du 26 juin 2013.
7. Dans ces conditions, le préfet de police et le préfet de la Seine-Saint Denis sont fondés à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 25 avril 2024 au motif qu'en ne mettant pas en œuvre la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et en refusant ainsi d'instruire en France la demande d'asile de Mme A..., le préfet de police avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... en première instance.
Sur les autres moyens soulevés par Mme A... :
9. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les textes dont il est fait application et expose les éléments sur lesquels le préfet de police s'est fondé pour estimer que l'examen de la demande d'asile de Mme A... relevait de la responsabilité d'un autre État. Dès lors, cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision attaquée et permet ainsi à la requérante d'en contester utilement le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
11. Sauf élément particulier en sens contraire, un agent du bureau chargé de la demande d'asile doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national. Il ressort des pièces du dossier, notamment du résumé d'entretien individuel établi le 3 janvier 2024, sur lequel est apposé un cachet portant la mention " Préfecture de Police, Délégation à l'Immigration, Bureau de l'accueil de la demande d'asile, 92, boulevard Ney - 75018 Paris " que Mme A... a bénéficié de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 dans les locaux de la préfecture de police de Paris. Il ressort également des mentions de ce résumé que l'entretien a été conduit par un agent du bureau de l'accueil de la demande d'asile. La circonstance que son identité et sa qualité ne soient pas mentionnés ne peut être utilement invoquée par la requérante, dès lors que l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 n'exige pas de telles formalités. Par ailleurs, alors que l'entretien a été conduit par le biais d'un interprète en langue tamoul, et qu'elle a signé ce compte-rendu en certifiant que " les renseignements du résumé [la] concernant [étaient] exacts ", Mme A... ne peut pas utilement soutenir que la mention " célibataire " alors qu'elle serait en couple démontre que l'agent n'était pas une personne qualifiée en vertu du droit national. Dès lors, les éléments versés au dossier par le préfet de police sont suffisants pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du droit national. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n°603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête / (...) / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". Enfin, aux termes de l'article 15 du même règlement : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " Dublinet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".
13. Le préfet de police a produit, en première instance, l'accusé de réception " DubliNet " généré par le point d'accès national de l'Etat requis, établissant qu'il a saisi les autorités italiennes, le 22 février 2024, soit dans le délai de deux mois à compter de la date du résultat positif (" hit ") Eurodac, le 28 décembre 2023, d'une requête aux fins de prise en charge de Mme A.... Le préfet de police a également produit le constat de l'accord implicite des autorités italiennes à cette demande, au terme du délai de deux mois prévus par les dispositions du 7 de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013, établi au moyen de la même application, accompagné de la copie du courrier électronique daté du 23 avril 2024 accusant réception de ce constat. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un retard dans le processus de détermination de l'Etat responsable doit être écarté.
14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatif à la notification d'une décision de transfert : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. ". Aux termes de l'article 2 de ce même règlement : " " membres de la famille ", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : (...) - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers (...) ".
15. Cependant, comme il est dit au point 6, aucun élément ne permet d'établir que Mme A... est engagée dans une relation stable, qui existait déjà dans le pays d'origine, avec un compatriote titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugié. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 2 et 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
16. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable ".
17. Le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que l'Italie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte.
18. Si Mme A... se réfère, notamment, à un rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) de 2021, à plusieurs articles de presse de 2023 et à une circulaire en date du 5 décembre 2022 du ministre de l'intérieur italien demandant la suspension temporaire des transferts vers l'Italie pour des raisons techniques, ces seuls éléments ne sauraient suffire à caractériser l'existence, dans ce pays, de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. En particulier, la note du 5 décembre 2022 du ministre de l'intérieur italien se borne à demander à ses homologues " une suspension temporaire " des transferts de demandeurs d'asile en Italie pour des motifs purement techniques liés à la saturation des centres d'accueil. De surcroît, alors qu'il n'est pas même allégué que la Commission européenne aurait mis en œuvre les stipulations de l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à l'égard de l'Italie quant à l'existence éventuelle de défaillances systémiques en matière d'asile, il ressort des pièces du dossier que les autorités italiennes ont accepté au mois d'avril 2024 la prise en charge de la demande d'asile de Mme A..., dont le transfert a été ordonné par l'arrêté contesté du 25 avril 2024, soit plus d'un an après la note du ministre de l'intérieur italien. En outre, Mme A..., qui ne fournit aucune précision suffisante, ni aucun élément probant sur les conditions de son séjour en Italie, ne livre aucun développement étayé, personnalisé et crédible de nature à considérer que sa propre demande d'asile ne serait pas examinée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle se trouverait dans une situation de vulnérabilité telle qu'elle justifierait que sa demande d'asile soit examinée en France. Ainsi, en ordonnant son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, le préfet de police n'a ni méconnu les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013, ni méconnu les stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17, paragraphe 1, du même règlement.
19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police et le préfet de la Seine-Saint-Denis sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du préfet de police du 25 avril 2024 décidant le transfert de Mme A... aux autorités italiennes, et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Sur la requête n° 24PA03359 :
20. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 24PA03358 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement n° 2406395 du 27 juin 2024, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24PA03359 par laquelle le préfet demande à la cour le sursis à exécution de ce jugement.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24PA03359 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2406395 du 27 juin 2024 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 17 décembre 2024.
La rapporteure,
C. BORIESLa présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 24PA03358, 24PA03359, 24PA03470 2