Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2024 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.
Par un jugement n° 2401324 du 2 février 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 17 janvier 2024 en tant qu'il refuse à M. A... l'octroi d'un délai de départ volontaire et porte interdiction de circulation sur le territoire français et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2024, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A....
Il soutient que :
- le comportement de M. A... constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société au sens de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'en atteste le jugement du tribunal administratif de Paris du 6 mai 2019 ;
- un tel comportement justifie d'une situation d'urgence au sens de l'article L. 251-3 du même code ;
- il existe par ailleurs un risque que l'intéressé se soustraie à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, justifiant la décision lui refusant un délai de départ volontaire ;
- au regard de sa situation familiale et économique, l'intéressé ne démontre pas disposer des ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assurance sociale ;
- la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trente-six mois est légale dans son principe et sa durée.
La requête du préfet de police a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 5 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 septembre suivant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lellig a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de police relève appel du jugement du 2 février 2024 en tant que le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 17 janvier 2024 refusant à M. A..., ressortissant polonais, un délai de départ volontaire et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
2. Aux termes de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers dont la situation est régie par le présent livre disposent, pour satisfaire à l'obligation qui leur a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de départ volontaire d'un mois à compter de la notification de la décision. / L'autorité administrative ne peut réduire le délai prévu au premier alinéa qu'en cas d'urgence (...) ".
3. Pour refuser d'octroyer à M. A... un délai de départ volontaire, le préfet de police a considéré que son comportement constituait une menace à l'ordre public. Toutefois, bien qu'ayant fait l'objet de plusieurs signalements en avril 2019, novembre 2020 et août 2023, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a jamais fait l'objet d'une condamnation pénale et le préfet ne verse aucune pièce au dossier de nature à établir la matérialité des faits qui lui sont reprochés, ni même l'existence d'éventuelles poursuites judiciaires exercées à son encontre. S'agissant des faits de menace de mort et port non autorisé d'une arme blanche commis le 15 janvier 2024, M. A... a été placé sous contrôle judiciaire en vue de sa convocation devant le tribunal correctionnel de Paris le 30 mai 2024. Il ressort toutefois du procès-verbal d'audition que l'intéressé nie être l'auteur des faits qui lui sont reprochés et que le préfet n'apporte, pas plus en appel qu'en première instance, aucun autre élément permettant d'établir la matérialité des faits sur lesquels il s'est fondé pour prendre la décision en litige. Dans ces conditions, en considérant que le comportement de M. A... constituait, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation, sans qu'il puisse utilement se prévaloir d'un jugement du tribunal administratif de Paris du 6 mai 2019 retenant une telle qualification.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français :
4. Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / 1° Ils ne justifient plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 ; / 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; / 3° Leur séjour est constitutif d'un abus de droit (...) ". Aux termes de l'article L. 251-4 du même code : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans ".
5. Ainsi qu'il a été exposé au point 3, le préfet de police ne pouvait légalement fonder sa décision portant obligation de quitter le territoire français sur le 2° des dispositions précitées de l'article L. 251-1. Par suite, il ne pouvait pas davantage légalement assortir cette mesure d'une interdiction de circulation sur le territoire français.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 17 janvier 2024 refusant à M. A... un délai de départ volontaire et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Dubois, premier conseiller,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 13 décembre 2024.
La rapporteure,
W. LELLIG Le président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA01029 2