Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... et Mme B... E... A... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.
Par un jugement n° 1911459 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 février 2023, M. D... et Mme B..., représentés par Me Dorascenzi, avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 22 décembre 2022 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité ; à défaut de restitution de l'intégralité des documents remis au service dans le cadre des opérations de contrôle, ils n'ont pas été en mesure de présenter utilement leurs observations en réponse à la proposition de rectification qui leur a été notifiée ;
- s'agissant du bien immobilier situé à Villemaréchal, la proposition de rectification ne répond pas aux exigences de motivation prévues par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales telles que reprises dans la documentation administrative référencée 13-L-1413 au paragraphe 84 ;
- la réponse à leurs observations, présentée par l'administration le 5 octobre 2017, est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Carrère,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et Mme A... ont fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle couvrant les années 2013 à 2015 à l'issue duquel des redressements portant sur le quotient familial et leurs revenus fonciers au titre des années 2014 et 2015 leur ont été notifiés par une proposition de rectification du 27 juin 2017 établie selon la procédure contradictoire. A la suite de leurs observations et de l'intervention de l'interlocuteur départemental, l'administration fiscale a admis la déduction de certaines dépenses et charges, diminuant par suite les redressements en matière de revenus fonciers. Un dégrèvement partiel en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales a également été prononcé consécutivement à leur réclamation contentieuse introduite le 19 juillet 2018. Par la présente requête, M. D... et Mme A... relèvent régulièrement appel du jugement du 22 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions demeurant à leur charge.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. / Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". Aux termes de l'article L. 16 du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ".
3. Le service, après avoir obtenu les relevés bancaires des intéressés dans le cadre de son droit de communication auprès des organismes financiers au sein desquels ils détenaient des comptes bancaires, a constaté des discordances entre le montant des crédits y figurant et les revenus déclarés des intéressés. Par un courrier du 23 février 2017, l'administration leur a demandé sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, de justifier l'objet, la nature et l'origine de ces crédits bancaires correspondant à des remises de chèques, des virements ou des versements d'espèces non identifiés, à hauteur de la somme de 370 544,72 euros en 2014 et de celle de 312 047,82 euros pour 2015. M. D... et Mme A... soutiennent que les pièces justificatives, qui ont été notifiées par voie d'huissier, ne leur ont pas été restituées dans leur intégralité, cette restitution partielle les ayant privés de présenter utilement leurs observations en réponse à la proposition de rectification. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la proposition de rectification du 27 juin 2017 porte sur le quotient familial déclaré et les revenus fonciers des intéressés au titre des années 2014 et 2015, aucun rehaussement n'ayant été prononcé sur la base de crédits bancaires dont l'origine n'aurait pas été justifiée. Il résulte de la signification de pièces remises au service le 23 mars 2017 que les intéressés ont transmis à l'administration six liasses de documents comptables comprenant des pièces originales, comportant des feuillets numérotés de 1 à 1464 et cinq sous-cotes contenant respectivement un, deux, treize, vingt-et-un et dix-sept feuillets. Le bordereau de restitution des pièces établi le 27 juin 2017, au jour de la notification de la proposition de rectification, comporte une annotation du mandataire désigné à cette fin par M. D... mentionnant onze pièces manquantes dans les liasses nos 2 à 6, ainsi qu'une note de l'administration précisant qu'aucun document n'a été retiré des liasses produites. D'une part, les documents établis les 23 mars 2017 et 27 juin 2017 ne permettent pas d'identifier précisément la nature exacte des justificatifs transmis à l'administration. M. D... et Mme A... ne précisent pas davantage l'origine et le contenu des pièces prétendument manquantes qui auraient été utiles à la défense de leurs droits et n'allèguent pas que ces pièces auraient été produites en version originale sans qu'ils n'en aient conservé une trace ou ne soient susceptibles d'en obtenir un double. D'autre part, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par les intéressés, que le service leur a adressé le 29 novembre 2016 une autre demande de justificatifs se rapportant à leurs revenus fonciers et que les documents produits le 16 décembre 2016 en réponse à cette demande comportant plus de 1 400 pièces, ont été restitués intégralement le 16 février 2017 s'agissant des années 2014 et 2015. Par suite, il n'est pas établi que les documents transmis le 23 mars 2017 et restitués le 27 juin suivant présenteraient un lien avec les rectifications en matière de revenus fonciers et que ces pièces justificatives auraient été utiles aux intéressés pour formuler leurs observations et contester utilement les rectifications mises à leur charge à ce titre. En outre, il résulte de l'instruction que leurs observations présentées le 11 septembre 2017 ont conduit l'administration à admettre la déduction de certaines dépenses et rectifier les redressements au titre de leurs revenus fonciers. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que M. D... et Mme A... auraient été privés d'une garantie et le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
5. D'une part, la proposition de rectification du 27 juin 2017 concernant notamment un chef de redressement relatif aux revenus fonciers de M. D... et Mme A..., comporte, outre la désignation de l'impôt concerné, les périodes en cause et les bases d'imposition correspondantes. Elle mentionne les dispositions des articles 28 à 31 du code général des impôts dont le contenu et les conditions d'application sont rappelés. Elle précise à ce titre les notions de travaux de réparation, d'entretien, d'amélioration et de construction, reconstruction ou agrandissement et mentionne les motifs justifiant les rectifications. S'agissant du bien situé à Villemaréchal dont la motivation est contestée par M. D... et Mme A..., elle indique que les frais d'administration déclarés en 2014 et 2015 se rapportent à des honoraires et que les justificatifs produits ne permettent pas d'établir un lien avec les biens donnés en location. Elle précise également qu'au regard de l'acte d'acquisition de ce bien, les travaux entrepris sont assimilables à des travaux de construction et n'entrent donc pas dans les dépenses de réparation, d'entretien et d'amélioration qui ont été déclarés en 2014 à hauteur de 334 702 euros, susceptibles de venir en déduction des revenus fonciers dès lors qu'ils augmentent la valeur du bien. S'agissant de l'année 2015, l'administration relève enfin la déduction à tort de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Dans ces conditions, les éléments figurant dans la proposition de rectification étaient suffisamment précis et explicites pour permettre à M. D... et Mme A... de formuler utilement leurs observations, ce qu'ils ont d'ailleurs fait. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification doit être écarté.
6. D'autre part, les contribuables ne peuvent utilement se prévaloir de la documentation administrative référencée 13-L-1314 du 1er juillet 2002 qui a trait à la procédure d'imposition et, par suite, est exclue du champ d'application de la garantie prévue à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, à supposer qu'ils aient entendu se prévaloir de ces dispositions.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu, (...) lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai ".
8. M. D... et Mme A... soutiennent que la réponse à leurs observations en date du 5 octobre 2017 est insuffisamment motivée, faute de détailler les conséquences financières des redressements et les modalités de détermination des résultats présentés en page 14. Toutefois, l'administration précise par des tableaux récapitulatifs établis pour chacun des biens immobiliers appartenant aux intéressés, ligne par ligne et pour chacune des deux années concernées par les redressements, le détail des sommes se rapportant à leurs revenus fonciers en apportant une réponse précise aux critiques présentées dans leurs observations. Elle présente un récapitulatif des revenus fonciers imposables qui auraient dû être déclarés, des déficits imputables ou non sur ces revenus, de ceux imputables sur le revenu global et des déficits antérieurs non encore imputés et en précise les montants respectifs. Compte tenu de cette présentation précisément chiffrée se rattachant aux rehaussements en matière de revenus fonciers, la circonstance que les conséquences financières des redressements, précisées en pages 15 à 18 de la réponse à leurs observations, ne précisent pas leur ventilation entre les revenus fonciers et les autres revenus des contribuables, ventilation à laquelle l'administration n'est au demeurant pas tenue, ne permet pas de retenir que cette réponse serait insuffisamment motivée dès lors que les intéressés étaient en mesure d'identifier les sommes se rapportant à leurs revenus fonciers et de les distinguer de leurs autres revenus. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la réponse faite par l'administration à leurs observations doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge. Par voie de conséquence, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tenant aux frais liés à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme B... E... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 13 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
S. CARRERE
Le président-assesseur,
O. LEMAIRE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00755