Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge, la remise ou le dégrèvement des droits, impôts supplémentaires, intérêts, pénalités et sanctions qui lui sont réclamés et toutes sommes en découlant telles que majorations, frais ou intérêts de retard, à la suite de la proposition de rectification n° 927/VP/DICP du 29 mai 2019 au titre du rôle émis le 2 août 2019, portant les numéros 4175, 4177, 4178, 4179, 4223, 4227, 4229, 4230, 4233, 4234, 4235 et 4237, pour l'exploitation de ses garderies d'enfants sur le territoire des communes de Taiarapu-Est, Punaauia, Papeete et Pirae, et au titre de la taxe sur la valeur ajoutée des années 2016 et 2017.
Par un jugement n°2200155 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er février 2023, 10 mars 2023, 27 avril 2023 et 1er février 2024, Mme C..., représentée par Me Usang, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 6 décembre 2022 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière en ce qu'il n'est pas justifié de l'assermentation de l'agent de contrôle de la direction des impôts et des contributions publiques (DICP) ;
- le délai de 15 jours imposé par l'article LP. 412-1 I du code des impôts de la Polynésie française n'a pas été respecté, l'avis de vérification ayant été notifié à une adresse erronée ;
- le recours à la taxation d'office n'est pas justifié ;
- elle aurait dû pouvoir bénéficier de la discussion préalable portant sur le caractère probant ou non de la comptabilité ;
- à supposer un défaut de présentation de comptabilité, ce qui manque en fait, une méthode de reconstitution du chiffre d'affaires aurait dû être présentée.
Par des mémoires en défense enregistrés les 28 mars et 31 mai 2023, la Polynésie française, représentée par Me Jourdainne, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- et les observations de Me Usang, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les transactions (IT), de contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées (CSTNS), de contribution des patentes, de taxe d'apprentissage et de la taxe sur la valeur ajoutée mises à sa charge à l'issue de la vérification de comptabilité de son activité de garderie d'enfants dont elle a fait l'objet pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 411-1 du code des impôts : " Les agents assermentés de la direction des impôts et des contributions publiques ont le pouvoir d'assurer le contrôle de l'ensemble des impôts et taxes dus par les contribuables. / A cette fin, ils peuvent demander aux contribuables tous renseignements, justifications et éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites et aux actes déposés. (...) ".
3. Il résulte des dispositions qui précèdent que les agents assermentés sont compétents pour réaliser les vérifications de comptabilité. Tel est le cas de M. B..., inspecteur vérificateur à la DICP, assermenté depuis le 24 septembre 1997, qui a régulièrement signé l'avis de vérification du 27 février 2019, le procès-verbal de défaut de comptabilité du 25 avril 2019 ainsi que la proposition de rectification du 29 mai suivant. Contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que M. B... a prêté serment en tant que contrôleur du service des contributions avant la création en 2011 de la direction des impôts et des contributions publiques ( DICP) n'est pas de nature à remettre en cause sa qualité d'agent assermenté. Contrairement à ce qui est également soutenu, la circonstance que les articles 34 et 35 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française aient énuméré des catégories d'infraction, dans des domaines échappant à la loi fiscale, pouvant être constatés par des agents assermentés ne fait pas obstacle à ce que l'article 411-1 du code des impôts, pris en tout état de cause avant l'entrée en vigueur de la loi organique, attribue à des agents assermentés le pouvoir d'assurer le contrôle de l'ensemble des impôts et taxes dus par les contribuables.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article LP. 412-1 du code précité : " I - Les agents de la direction des impôts et des contributions publiques vérifient sur place la comptabilité des contribuables et les autres documents dont la tenue est obligatoire en vertu du présent code. Cette vérification fait l'objet, au moins quinze jours à l'avance, de l'envoi d'un avis de vérification mentionnant la période sur laquelle porte la vérification. / En outre, l'avis de vérification informe le contribuable de la possibilité qu'il a de se faire assister par un conseil de son choix. / Il l'informe également qu'il peut consulter la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sur le site internet de la direction des impôts et des contributions publiques ou en demander la remise. Les dispositions contenues dans cette charte sont opposables à l'administration. (...) ".
5. D'une part, l'avis de vérification a été adressé par courrier daté du 27 février 2019 en envoi recommandé avec accusé de réception à l'adresse " BP 51352 98716 Pirae ", soit à l'adresse dont l'administration fiscale avait connaissance à cette date, suite à la déclaration de changement d'adresse reçue le 2 mai 2016 par les services de la DICP. Si Mme C... fait valoir qu'une nouvelle déclaration a été établie le 26 novembre 2018, le document produit au dossier, qui porte effectivement cette date, ne contient aucune mention permettant de regarder ce document comme ayant été porté à la connaissance de cette administration avant la date d'envoi de l'avis de vérification. Si Mme C... fait valoir que le document en cause a été porté à la connaissance du centre de formalités des entreprises, auquel il appartenait de le transmettre à l'administration fiscale, ce document, bien que daté et signé par Mme C..., ne permet en tout état de cause pas de justifier de la réalité et de la date d'une telle démarche auprès du centre de formalités des entreprises en absence d'une indication quelconque n'émanant pas de l'intéressée elle-même et indiquant la date à laquelle il a été reçu par ce dernier, ou la date à laquelle il lui a été envoyé. L'avis de vérification ne saurait par suite être regardé comme ayant été envoyé à une adresse erronée.
6. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis de réception et du cachet postal figurant sur l'enveloppe produite par la Polynésie française, que le pli contenant l'avis de vérification a été présenté le 7 mars 2019 à l'adresse indiquée au point précédent, qu'il n'a pas été réclamé et qu'il a été retourné à la Polynésie française le 25 mars. Le pli doit en conséquence être regardé comme ayant été régulièrement notifié le 7 mars 2019. Les opérations de vérification ayant débuté le 25 mars 2019, soit plus de quinze jours après la date de notification de l'avis de vérification, le moyen tiré de ce que le délai prévu par les dispositions précitées de l'article LP 412-1 du code des impôts n'a pas été respecté ne peut qu'être écarté. La circonstance qu'en raison de ce que la contribuable n'était pas en possession de l'avis de vérification initialement notifié, la charte des droits et obligations du contribuable ne lui a effectivement été remise en main propre que le 20 mars 2019 est dépourvu de toute portée, le pli contenant ces documents devant être regardé comme ayant été régulièrement notifié le 7 mars 2019 au contribuable.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article LP. 423-1 du code précité : " (...) / 2 - Sont également taxés d'office, les contribuables qui n'ont pas présenté la comptabilité ou dont la comptabilité n'a pas été reconnue régulière et probante ". L'article LP. 365-1 du code des impôts de la Polynésie française dispose que " Les redevables des impôts, droits et taxes prévus par le présent code doivent présenter, à toute réquisition des agents assermentés de la direction des impôts et des contributions publiques, les documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans les déclarations souscrites auprès de la direction des impôts et des contributions publiques. ". En vertu de l'article 410-6 de la délibération n° 2011-13 APF du 5 mai 2011 relative au plan comptable général applicable en Polynésie française : " Toute entité tient un livre journal, un grand livre et un livre d'inventaire. / (...) Des documents informatiques écrits peuvent tenir lieu de livre journal et de livre d'inventaire s'ils sont identifiés, numérotés et datés dès leur établissement par des moyens offrant toute garantie en matière de preuve ".
8. Il résulte de l'instruction que, en dépit de plusieurs demandes de l'agent vérificateur formulées dès le début des opérations de vérification, ni le livre d'inventaire, ni le grand livre, ni le livre journal de l'entreprise de Mme C..., ni aucune facture n'ont été présentés aux services de l'administration fiscale. La comptabilité ne pouvant en tout état de cause être regardée comme régulière et probante, c'est à bon droit que l'administration, qui ne saurait dans ces conditions être regardée comme n'ayant pas précisé en quoi la comptabilité présentée était irrégulière ou non probante, a mis en œuvre la procédure de taxation d'office en application des dispositions précitées de l'article LP. 423-1 du code des impôts. Les circonstances qu'un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité n'ait été dressé que le 25 avril 2019, soit un mois après le début de la vérification, et que des pièces comptables aient été produites et exploitées par l'administration fiscale ne sont pas de nature à remettre en cause la régularité de la mise en œuvre de la procédure de taxation d'office. Contrairement à ce qui est soutenu, les circonstances qui précèdent ne sauraient être regardées comme ayant privé la requérante de la garantie liée à l'existence d'un débat oral et contradictoire, la vérification de comptabilité ayant eu au siège de l'activité de l'intéressée et le vérificateur s'étant entretenu à six reprises avec cette dernière.
9. Enfin, contrairement à ce qui est également soutenu, l'administration fiscale a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires à partir des encaissements constatés sur les relevés de compte bancaire produits par la requérante. Le moyen tiré de ce qu'à supposer qu'un défaut de présentation de comptabilité puisse être retenu, une méthode de reconstitution du chiffre d'affaires aurait dû être présentée ne peut dès lors et en tout état de cause qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Polynésie Française.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2024.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
S. VIDAL
La greffière,
C. ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne au ministre chargé des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00451 2