Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 19 août 2022 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Amcor Flexibles Saint-Maur à le licencier pour motif économique.
Par jugement n° 2209976 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire qui reproduit la requête, enregistrés les 6 et 22 février 2024, M. A... B..., représenté par Me Wallart, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2209976 du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du 19 août 2022 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Amcor Flexibles Saint-Maur à le licencier pour motif économique.
Il soutient que :
- il apporte la preuve de l'existence d'une situation de co-emploi ou, à défaut, de ce que la société Amcor France est son véritable employeur dès lors qu'elle est intervenue de manière constante dans les décisions concernant la gestion financière et sociale de la cessation d'activité de la société Amcor Flexibles Saint-Maur dont elle assurait la direction opérationnelle et la gestion administrative ;
- la demande d'autorisation de licenciement est irrégulière puisqu'elle a été adressée à l'inspecteur du travail uniquement par la société Amcor Flexibles Saint-Maur alors qu'elle n'avait pas qualité pour agir dès lors qu'il se trouvait dans une situation de co-emploi par la société Amcor France, laquelle aurait dû également formuler cette demande ;
- aucun motif économique ne justifie son licenciement au niveau de l'ensemble des sociétés du groupe.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2024, la société Amcor Flexibles Saint-Maur, représentée par la SCP Flichy Grangé Avocats, demande à la cour de rejeter la requête de M. B....
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
La requête a été transmise à la ministre du travail, de la santé et des solidarités qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- les observations de Me Wallart, avocat de M. B...,
- et les observations de Me Ventejon, avocat de la société Amcor Flexibles Saint-Maur.
Considérant ce qui suit :
1. La société Amcor Flexibles Saint-Maur appartient au groupe Amcor qui développe, produit et commercialise des emballages pour des produits de différents secteurs. Elle a un unique établissement situé à Saint-Maur-des-Fossés qui est spécialisé dans la fabrication de sachets et d'emballages pour produits pharmaceutiques. Par courrier du 23 novembre 2021, elle a notifié à l'administration un projet de cessation d'activité pouvant entraîner le licenciement d'au plus 65 salariés. Par décision du 8 février 2022, le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités a validé l'accord collectif majoritaire sur le projet de licenciement économique collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi dans le cadre du projet de cessation d'activité de la société Amcor Flexibles Saint-Maur. Par courrier du 14 juin 2022 reçu le 24 juin suivant, la société Amcor Flexibles Saint-Maur a demandé l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de M. B..., salarié protégé titulaire du mandat de délégué syndical, de représentant syndical au comité social et économique et de membre suppléant de la délégation du personnel du comité social et économique. Par décision du 19 août 2022, l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement. Par jugement du 5 décembre 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié.
3. A ce titre, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il n'appartient pas à l'autorité administrative de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il lui incombe en revanche de contrôler que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, en tenant compte, à cet effet, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la circonstance qu'une autre entreprise du groupe ait poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive. En revanche, le licenciement ne saurait être autorisé s'il apparaît que le contrat de travail du salarié doit être regardé comme transféré à un nouvel employeur. Il en va de même s'il est établi qu'une autre entreprise est, en réalité, le véritable employeur du salarié.
4. Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de véritable employeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
5. Il résulte de ce qui précède que le moyen, soulevé par un salarié protégé contestant l'autorisation de le licencier accordée par l'administration pour motif économique résultant de la cessation d'activité de son employeur, et tiré de ce qu'une autre entreprise était, en réalité, son véritable employeur, est susceptible, le cas échéant, d'entraîner l'annulation de l'autorisation accordée. En revanche, le salarié ne peut utilement invoquer la simple circonstance qu'une autre société devait être regardée comme son co-employeur. Ainsi, si M. B... entend soutenir qu'il existerait une situation de " co-emploi " entre la société Amcor Flexibles Saint Maur et la société Amcor France ou le groupe dont elle relève, faisant obstacle à ce que l'inspecteur du travail autorise le licenciement des salariés protégés de la société Amcor Flexibles Saint Maur en raison de sa cessation d'activité, ce moyen est inopérant.
6. M. B... soutient que l'associée unique et présidente de la société Amcor Flexibles Saint-Maur, la SAS Amcor France, s'est immiscée dans la gestion économique et sociale de sa filiale et que le groupe Amcor choisissait de diriger ou non les clients et les commandes vers le site de production de la société Amcor Flexibles Saint-Maur, d'investir ou non sur le site, lui a imposé de travailler sur un produit inadapté à l'outil dont disposait le site, a décidé de ne procéder à aucune diversification de son activité, n'a dispensé aucune formation aux salariés au cours des cinq dernières années sauf la formation obligatoire de sauveteur secouriste du travail et s'est immiscée dans la gestion sociale des effectifs de l'établissement de Saint-Maur-des-Fossés. Il ajoute que la société Amcor Flexibles Saint-Maur ne disposait d'aucune autonomie commerciale dès lors que la partie commerciale était assurée par deux personnes, uniquement hébergées et rattachées administrativement au site de Saint-Maur-des-Fossés, mais qui recevaient leurs instructions de la société mère, la société Amcor France, sans produire aucune pièce à l'appui de cette affirmation. Il précise que le groupe Amcor disposait d'un pouvoir de direction dans le recrutement et la mise à disposition sur le site de Saint-Maur-des-Fossés des salariés de la partie ressources humaines et que la société Amcor France était seule décisionnaire. Toutefois, M. B... ne produit à l'appui de ses allégations que ses propres déclarations et celles des autres membres du comité social et économique de l'entreprise lesquelles sont insuffisantes pour établir que ces éléments organisationnels et la nécessaire coordination des activités économiques au sein d'un groupe ne résultent pas seulement de l'appartenance de la société Amcor Flexibles Saint-Maur au groupe Amcor et des rapports de domination d'une société holding sur sa filiale mais caractériseraient l'existence d'une immixtion permanente de la société Amcor France dans la gestion sociale et économique de la SAS Amcor Flexibles Saint Maur. Il ressort en revanche des pièces du dossier que les dirigeants de cette dernière société ne peuvent être regardés comme dépourvus de tout pouvoir de gestion, notamment des ressources humaines de l'entreprise, ainsi qu'en témoignent non seulement l'existence d'une équipe de direction dédiée, avec un directeur d'usine, une assistante RH, un responsable " supply chain et industrialisation ", un responsable finance, un responsable maintenance et projets, un responsable des opérations et un responsable qualité hygiène sécurité environnement, mais également la circonstance, non sérieusement contestée, que l'ensemble du processus de recrutement était déterminé et validé par les équipes de la SAS Amcor Flexibles Saint Maur, que les conditions d'embauche étaient définies par ces équipes, les contrats de travail et leurs avenants étaient signés par les ressources humaines de l'entreprise ou par le directeur de l'usine, les procédures disciplinaires et les procédures de licenciement conduites par les ressources humaines de l'entreprise ou par le directeur de l'usine, la présidence du CSE exercée par le directeur de l'usine, les congés payés validés par les supérieurs hiérarchiques et par la direction de l'usine. Ainsi, même si la société mère de la société Amcor Flexibles Saint Maur détient la totalité de son capital, est son président et a pris des décisions qui ont affecté son avenir, ces circonstances ne permettent pas de caractériser l'existence d'une immixtion permanente de la société Amcor France dans la gestion économique et sociale de la société Amcor Flexibles Saint Maur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière. Il suit de là que la société Amcor Flexibles Saint Maur était, contrairement à ce qu'il soutient, le véritable employeur de M. B.... Par suite, les moyens tirés de ce que la société Amcor France serait le véritable employeur de M. B... et de ce que la demande d'autorisation de licenciement serait irrégulière faute d'avoir été présentée par l'employeur réel ne peuvent qu'être écartés.
7. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la fermeture de l'établissement de la société Amcor Flexibles Saint-Maur à Saint-Maur-des-Fossés s'est traduite par l'arrêt total de l'activité de production de l'entreprise à compter du 1er juin 2022 et par le licenciement de tous les salariés de l'entreprise. Si M. B... soutient que la cessation de l'activité de l'entreprise résulterait d'un choix stratégique du groupe et non de difficultés économiques avérées au motif que le secteur d'activité " healthcare " en France aurait une excellente rentabilité, cette circonstance est inopérante dès lors qu'il est établi que la cessation de l'activité est totale et définitive. M. B... ne saurait non plus utilement invoquer la circonstance que d'autres entreprises du groupe ont poursuivi une activité de même nature, notamment la filiale française située à Selestat, situation qui ne fait pas obstacle à ce que la cessation d'activité de la société Amcor Flexibles Saint-Maur soit regardée comme totale et définitive. Dans ces conditions, l'inspecteur du travail a pu légalement retenir que la cessation totale et définitive d'activité de l'entreprise justifiait de faire droit à la demande d'autorisation de licenciement de M. B.... Par suite, la circonstance invoquée par M. B..., selon laquelle les difficultés économiques de l'entreprise, appréciées au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient la société Amcor Flexibles Saint-Maur, ne seraient pas établies est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 août 2022 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Amcor Flexibles Saint-Maur à le licencier pour motif économique. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de cette décision ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société Amcor Flexibles Saint-Maur et à la ministre du travail et de l'emploi.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.
La rapporteure,
A. Collet
La présidente,
A. Menasseyre
Le greffier
P. Tisserand
La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00583