Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 mars 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités italiennes.
Par un jugement n° 2404108 du 31 mai 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil, après avoir admis Mme A..., à titre provisoire, à l'aide juridictionnelle, a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à
Mme A... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 100 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée, sous le n° 24PA02791, le 27 juin 2024, le préfet de de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil et de rejeter la demande de Mme A... présentée devant ce dernier.
Il soutient que :
- c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a retenu, pour annuler l'arrêté décidant le transfert de Mme A..., le moyen tiré de la méconnaissance des articles 21 de la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 et de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- les moyens de première instance tirés de la violation combinée des articles 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, ainsi que de la méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2024, Mme A..., représentée par Me Scalbert, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle doit être regardée comme soutenant que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'une méconnaissance de l'article 21 de de la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 dès lors que le préfet n'a pas tenu compte de sa situation particulière de personne vulnérable en ce qu'elle était enceinte de près de cinq mois à la date de cet arrêté ;
- l'entretien du 15 décembre 2023 a été irrégulièrement mené par l'agent préfectoral dès lors qu'elle a nécessairement révélé son état de grossesse et son concubinage ;
- la circulaire du 5 décembre 2022 des autorités italiennes est de nature à établir qu'elle serait exposée à traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Italie, du fait des défaillances systémiques présentées par la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs en Italie ;
- aucun élément ne garantissait au préfet une prise en charge adaptée au regard de son état de grossesse ;
- le préfet aurait dû faire application de la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 23 juin 2013 ;
- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par une ordonnance du 30 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au
16 septembre 2024.
II. Par une requête enregistrée, sous le n° 24PA02792, le 27 juin 2024 et régularisée le 22 octobre 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2404108 du 31 mai 2024 du tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que les conditions fixées par les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont remplies.
Les parties ont été informées, le 17 octobre 2024, en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la requête n° 24PA02792, qui est un doublon de la requête n° 24PA02791, est sans objet et par suite, irrecevable.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2024, Mme A..., représentée par Me Scalbert, conclut au rejet de la demande de sursis à exécution du jugement et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les moyens invoqués par le préfet ne paraissant pas sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué, les conditions prévues à l'article R. 811-15 du code de justice administrative ne sont pas remplies.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 8 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante indienne née le 20 octobre 1995, a sollicité le bénéfice de la protection internationale par une demande déposée le 15 décembre 2023. Après avoir été informé par le ministère de l'intérieur de ce que le relevé des empreintes de Mme A... avait révélé qu'elle était en possession d'un visa périmé depuis moins de six mois, délivré par les autorités indiennes représentant les autorités italiennes, le préfet de la Seine-Saint-Denis a saisi ces dernières, le 21 décembre 2023, d'une demande de prise en charge, en application du 4. de l'article 12 du règlement du 26 juin 2013, que ces autorités ont implicitement acceptée le
22 février 2024. Par un arrêté du 14 mars 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé le transfert de Mme A... aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet relève appel du jugement du 31 mai 2024 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à Mme A... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 100 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
En ce qui concerne la requête n° 24PA02791 :
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. D'une part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 21 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale : " Dans leur droit national transposant la présente directive, les États membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que (...) les femmes enceintes (...) ". Aux termes de l'article 22 de la même directive, relatif à l'évaluation des besoins particuliers en matière d'accueil des personnes vulnérables : " 1. Aux fins de la mise en œuvre effective de l'article 21, les États membres évaluent si le demandeur est un demandeur qui a des besoins particuliers en matière d'accueil. Ils précisent en outre la nature de ces besoins (...) ".
4. Pour annuler l'arrêté en litige au motif que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a estimé, tout d'abord, que Mme A... ayant, lors d'un entretien avec un auditeur de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 15 décembre 2023, fait état de sa grossesse et de son union avec un compatriote en situation régulière, elle justifiait d'une situation de vulnérabilité particulière au sens de l'article 21 de la directive n° 2013/33/UE qui aurait dû conduire le préfet à s'assurer, avant de prendre la décision attaquée, d'une prise en charge adaptée à sa situation à son arrivée en Italie. La magistrate désignée, constatant ensuite que le préfet avait indiqué à tort que l'intéressée était célibataire sans charges de famille et que les autorités italiennes n'avaient pas explicitement accepté la prise en charge de cette dernière, en a déduit qu'il n'existait, à la date de l'arrêté attaqué, aucune assurance que Mme A... puisse bénéficier, à son arrivée en Italie, de l'accueil spécifique qui lui était nécessaire en raison de sa situation décrite ci-dessus et que le préfet n'avait pas davantage obtenu de garantie individuelle de la part de ces autorités concernant sa prise en charge.
5. Toutefois, en premier lieu, le préfet soutient qu'il n'avait pas connaissance de la situation de Mme A..., telle que décrite au point 4, à la date de son arrêté de transfert, celle-ci n'ayant fait état, lors de son entretien individuel du 15 décembre 2023 avec l'agent préfectoral, mené avec le concours d'un interprète en langue bengali et dont le compte-rendu figure au dossier, ni de son état de grossesse, ni d'un concubinage avec un compatriote en situation régulière, et ayant notamment déclaré qu'elle était célibataire et n'avait pas de membre de sa famille en France. Si Mme A... a produit en première instance la " fiche évaluation de vulnérabilité " émise par l'auditeur de l'OFFI ce même 15 décembre 2023, qui mentionne les éléments relatifs à sa grossesse et à un concubinage " avec son petit ami ", en faisant valoir que le préfet en avait connaissance, elle n'a ni soutenu ni même allégué, pas plus en première instance qu'en appel, avoir remis cette fiche, soit à l'agent préfectoral lors de l'entretien précité, soit postérieurement, aux services préfectoraux, au cours de la période allant du
16 décembre 2023 au 14 mars 2024, date de l'arrêté attaqué. En outre, pour la première fois en appel, Mme A... fait valoir que " cette évaluation de vulnérabilité ayant été menée le 15 décembre 2023, soit le jour même de son entretien individuel, il est très étonnant que cette dernière (Mme A...) n'ait pas fait mention de la présence de son concubin en France ni de sa grossesse lors de ce dernier, alors qu'elle en fait mention lors de son entretien évaluant sa vulnérabilité " et qu'" il convient ainsi de remettre en doute la manière dont a été mené l'entretien en question ", et doit ainsi être regardée comme invoquant un défaut de retranscription de ses déclarations relatives à sa grossesse et à son concubinage lors de l'entretien avec l'agent préfectoral. Toutefois ces allégations ne sont assorties d'aucun élément permettant de conclure au manque de sincérité de ce compte-rendu, qui fait état de ses déclarations aux termes desquelles elle s'est présentée comme célibataire, sans famille en France. Dans ces conditions, l'assertion du préfet selon laquelle il n'avait connaissance, à la date de l'arrêté de transfert, ni de la situation de grossesse de l'intéressée ni de son concubinage allégué avec un compatriote en situation régulière, doit être regardée comme établie.
6. En second lieu, à supposer même que le préfet de la Seine-Saint-Denis ait eu connaissance des éléments de situation concernant Mme A... mentionnés dans la " fiche évaluation de vulnérabilité " précitée, il ne saurait lui être opposé d'avoir mentionné dans sa décision que l'intéressée était célibataire sans charges de famille, celle-ci ne soutenant ni même n'alléguant avoir fait parvenir au préfet, à la date de la décision attaquée, tout document de nature à établir ce concubinage. Par ailleurs, si Mme A... a produit au contentieux un acte de reconnaissance anticipée de son enfant par M. E... A..., daté du 21 mars 2024, cette reconnaissance est postérieure à la décision attaquée et n'est pas de nature à elle seule à établir le concubinage allégué, alors qu'au demeurant, l'attestation de dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle de Mme A... du 18 mars 2024, soit trois jours avant la reconnaissance anticipée de l'enfant, mentionne une adresse différente de celle déclarée par M. A... dans l'acte de reconnaissance.
7. En troisième lieu, il ne saurait davantage être opposé au préfet qu'il eût dû s'assurer, avant l'édiction de l'arrêté attaqué, d'une prise en charge adaptée à la situation de l'intéressée à son arrivée en Italie, l'article 21 précité de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 imposant seulement aux Etats de prendre en compte la situation de vulnérabilité des personnes, notamment des femmes enceintes, dans leur législation interne, et n'en faisant pas un critère de vulnérabilité par elle-même. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet d'établir ni même de faire présumer que la requérante ne pouvait être prise en charge par les infrastructures sanitaires italiennes dans des conditions au moins équivalentes à celles existant en France au regard de sa situation de grossesse.
8. Enfin, la circonstance que les autorités italiennes n'aient pas explicitement accepté la prise en charge de Mme A... est sans incidence sur les conditions de sa prise en charge sanitaire en Italie.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté du 14 mars 2024 au motif qu'en s'abstenant de faire usage de la clause dérogatoire prévue par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, il aurait entaché la mesure de transfert en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de Mme A....
Sur les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris :
10. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. B... D..., attaché d'administration de l'Etat, adjoint à la cheffe de bureau de l'éloignement, qui, en vertu d'un arrêté n° 2024-0402 du 12 février 2024, publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture de Seine-Saint-Denis, disposait d'une délégation de signature afin de signer les décisions de transfert vers l'Etat membre responsable d'une demande de protection internationale introduite par un ressortissant d'un pays tiers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait et doit être écarté.
11. En second lieu, aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
12. L'arrêté en litige, après avoir visé le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, mentionne les éléments de fait de la situation de
Mme A..., en rappelant notamment qu'elle est entrée en France en étant titulaire d'un visa périmé délivré par les autorités indiennes représentant les autorités italiennes et que ces dernières, qui devaient être regardées comme responsables de sa demande d'asile sur le fondement de l'article 12 paragraphe 4 du règlement n° 604/2013, ont en conséquence été saisies d'une demande de prise en charge le 21 décembre 2023, en application des articles 21 et 22 du règlement n° 604/2013 et ont accepté leur responsabilité par un accord implicite survenu le 22 février 2024. Il précise en outre que la situation de l'intéressée ne relève pas des dérogations prévues par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'elle ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France, ni n'établit être dans l'impossibilité de retourner en Italie, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, enfin, qu'elle n'établit pas l'existence d'un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes. Cet arrêté satisfait ainsi aux exigences de motivation résultant des dispositions citées ci-dessus. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme A..., il ne ressort pas des termes de l'arrêté, ni des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'était pas tenu de reprendre dans celui-ci l'ensemble des éléments relatifs à sa situation, n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation avant d'édicter la décision contestée. Si Mme A... soutient que l'arrêté ne mentionne pas le fait qu'elle est enceinte et qu'elle vit en concubinage avec un compatriote qui est en situation régulière en France et qui est le père de l'enfant à naître, il ressort, ainsi qu'il a été dit, du compte-rendu de l'entretien individuel du 15 décembre 2023 qu'elle n'a pas fait état de sa grossesse, a déclaré être célibataire, sans famille en France, ni dans un autre Etat-membre. Par suite, l'arrêté de transfert est suffisamment motivé.
13. En troisième lieu, la motivation de la décision de transfert telle que précisée au point 9 ne révèle aucun défaut d'examen particulier de la situation personnelle de Mme A....
14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".
15. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a bénéficié, le 15 décembre 2023, d'un entretien individuel dans les locaux de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, en langue bengali qu'elle a déclaré comprendre, au cours duquel il lui a été loisible de former toute observation qu'elle jugeait pertinente relative à la procédure de demande d'asile. Cet entretien a été mené par un agent de la préfecture de la Seine-Saint-Denis qui, en l'absence de tout élément contraire versé au dossier, doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national. Ni les dispositions mentionnées au point 14 ni aucun principe n'imposaient, contrairement à ce que soutient Mme A..., que figure sur le compte rendu de l'entretien individuel la mention de l'identité de cet agent. Les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'imposent pas, quant à elles, que le préfet justifie de la nécessité de recourir à l'assistance d'un interprète par des moyens de télécommunication. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit, par suite, être écarté.
16. En cinquième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : (...). 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. 3. La commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac (...) ".
17. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est vu remettre contre signature, le 15 décembre 2023, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A) et la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), en langue bengali que l'intéressée a déclaré comprendre, et en a accusé réception sans réserves. Elle a également confirmé lors de l'entretien individuel que l'information sur les règlements communautaires lui avait été remise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
18. En sixième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement (UE) n° 603/2013 du
26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Chaque Etat membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'une protection internationale âgé de 14 ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard 72 heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale telle que définie à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, accompagnée des données visées à l'article 11, points b) à g) du présent règlement. / Le non-respect du délai de 72 heures n'exonère pas les Etats membres de l'obligation de relever et de transmettre les empreintes digitales au système central. Lorsque l'état des doigts ne permet pas de relever des empreintes digitales d'une qualité suffisante pour une comparaison appropriée au titre de l'article 25, l'Etat membre d'origine procède à un nouveau relevé des empreintes digitales du demandeur et le retransmet dès que possible et au plus tard 48 heures suivant ledit relevé de bonne qualité ". Aux termes de l'article 29 du même règlement : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'Etat membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1 ".
19. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Ainsi, si Mme A... entend se prévaloir des articles 9 et 29 cités au point précédent, la méconnaissance de l'obligation d'information qu'ils consacrent ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles les autorités françaises transfèrent un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande.
20. En septième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement (...) ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. / (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". Par ailleurs, il résulte des dispositions des articles 15, 18 et 19 du règlement (CE) de la Commission du 2 septembre 2003 susvisé que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.
21. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a produit, en première instance, l'accusé de réception " DubliNet " généré par le point d'accès national de l'Etat requis, établissant qu'il a saisi, le 21 décembre 2023, soit dans le délai de deux mois à compter de la date du résultat positif (" hit ") Eurodac, le 15 décembre 2023, prévu par les dispositions précitées de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités italiennes d'une requête aux fins de prise en charge de Mme A.... Le préfet de police a également produit le constat de l'accord implicite des autorités italiennes à cette demande, en date du
22 février 2024, soit au terme du délai prévu par les dispositions du 7. de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013, établi au moyen de la même application, accompagné de la copie du courrier électronique daté du 8 avril 2024 accusant réception de ce constat. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de la section II et III du chapitre VI du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
22. En huitième lieu, aux termes du deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ".
23. Le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que l'Italie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte.
24. Mme A... soutient, en termes généraux, que l'Italie connaît des défaillances systémiques dues au durcissement de sa politique migratoire en se référant, d'une part, à un rapport publié par l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) le 10 juin 2021, d'autre part, à la lettre circulaire du 5 décembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur italien a informé ses homologues membres de l'espace Schengen de la suspension temporaire, pour des raisons techniques, des reprises en charge de demandeurs d'asile vers l'Italie. Elle soutient à cet égard qu'un transfert vers les autorités italiennes l'exposerait à un accueil en Italie dans des conditions matérielles ne lui permettant pas de faire face à ses besoins élémentaires, d'hygiène et de logement, alors qu'elle est enceinte de six mois et serait isolée dans ce pays, et en déduit que le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions dérogatoires prévues au 2. de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 en s'abstenant d'en faire application.
25. Toutefois, aucune pièce du dossier ne permet de démontrer qu'à la date de la décision contestée, la demande de suspension des transferts vers l'Italie était encore en vigueur. En outre, ni les considérations générales exposées par Mme A... sur la politique migratoire décidée en Italie, ni l'extrait du rapport établi en 2021 par l'OSAR ne suffisent à fonder des doutes sérieux sur l'existence en Italie, à la date de l'arrêté attaqué, de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. De plus, Mme A... n'établit par aucun document, ni aucune précision, que sa propre demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni qu'elle serait personnellement exposée à un risque réel et avéré de subir des traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en cas de transfert aux autorités italiennes, qui ont implicitement accepté la prise en charge de sa demande d'asile, au demeurant postérieurement à la lettre circulaire du 5 décembre 2022. Enfin, et ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 6, Mme A... n'a ni fait état de sa situation de grossesse ni informé le préfet de ce qu'elle vivrait en concubinage avec un compatriote en situation régulière lors de son entretien avec un agent préfectoral le 15 décembre 2023, à qui elle a déclaré être célibataire et n'avoir aucun membre de sa famille en France. Elle n'a pas davantage remis au préfet, ainsi qu'il a été dit au point 5, la " fiche évaluation de vulnérabilité " émise par l'auditeur de l'OFFI, qui mentionnait les éléments de sa situation, ni produit de pièces de nature à établir qu'elle vivait en concubinage avec un compatriote en situation régulière à la date de l'arrêté de transfert. Dans ces conditions, il ne saurait être opposé au préfet, ainsi qu'il a été dit au point 7, de s'être abstenu de s'assurer, avant l'édiction de l'arrêté attaqué, d'une prise en charge adaptée à la situation de l'intéressée à son arrivée en Italie, alors en tout état de cause qu'aucun élément du dossier ne permettait d'établir ni même de faire présumer que Mme A... ne pourrait être prise en charge par les infrastructures sanitaires italiennes dans des conditions au moins équivalentes à celles existant en France au regard de sa situation de grossesse. Par suite,
Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article 3 §2 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013.
26. En neuvième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
27. Ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme A... a déclaré lors de son entretien avec un agent préfectoral le 15 décembre 2023 qu'elle était célibataire et n'avait pas de membre de sa famille résidant en France. Elle n'a produit en outre aucune pièce, ni en première instance ni en appel, de nature à établir qu'elle vivait en concubinage à la date de l'arrêté de transfert. Elle n'établit pas davantage être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusque l'âge de 27 ans. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris et, en conséquence, qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
28. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités italiennes n'évalueront pas, lors de l'examen de la demande d'asile de Mme A... et avant de procéder à un éventuel éloignement de celle-ci, les risques auxquels elle serait exposée en cas de retour en Inde. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 25, Mme A... n'établit pas être exposée à des risques de traitements inhumains et dégradants au regard de sa situation de grossesse en Italie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.
29. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 14 mars 2024, lui a enjoint de délivrer à Mme A... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 100 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
En ce qui concerne la requête n° 24PA02792 :
30. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 24PA02791 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 24PA02792 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais du litige :
31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, la somme que Mme A... demande sur ce fondement.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24PA02792.
Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2404108 du tribunal administratif de Montreuil du 31 mai 2024 sont annulés.
Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil, à l'exception de sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de Mme A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... A....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente,
- Mme Bruston, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2024.
Le rapporteur,
P. MANTZ
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24PA02791-24PA02792