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05/12/2024 | FRANCE | N°23PA01795

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 05 décembre 2024, 23PA01795


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Carex France a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.



Par un jugement n° 1908152/3 du 16 mars 2023, le Tribunal administratif de Melun, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur d'un dégrèvement prononcé en cours d'instan

ce, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :



Par une requête et des mémo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Carex France a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1908152/3 du 16 mars 2023, le Tribunal administratif de Melun, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 avril 2023, 27 septembre 2023, 30 novembre 2023 et 22 janvier 2024, la Sarl Carex, représentée par Me Philippe Albert, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 mars 2023 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors qu'il ne répond pas au moyen tiré du non-respect du droit à un procès équitable et des droits de la défense ; par ailleurs, il mentionne à tort un rapport d'enquête du 15 avril 2015 alors que les rappels de taxe contestés sont fondés sur un rapport du 15 juillet 2015 ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, faute pour la proposition de rectification de mentionner le rapport du 15 juillet 2015 sur lequel sont, en réalité, fondés les rappels de taxe, et faute de communication de ce rapport ; au demeurant, les éléments qui lui ont été communiqués et qui seraient issus d'un rapport préliminaire du 15 avril 2015 étaient partiels et pour partie occultés ; pour les mêmes motifs, l'administration a méconnu l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- s'agissant de la remise en cause de l'exonération de la taxe sur les livraisons intracommunautaires, l'administration ne démontre pas, d'une part, l'existence d'une fraude, notamment l'absence d'activité réelle des destinataires des livraisons, d'autre part, qu'elle ne pouvait ignorer participer à un circuit de fraude, alors qu'elle avait effectué les vérifications en son pouvoir à l'égard de ses clients ; les informations contenues dans le rapport des autorités allemandes, d'ailleurs très subjectives, ne lui sont pas opposables, dès lors qu'aucune poursuite n'a été engagée par ces autorités à son encontre, ce qui ne lui a pas permis de contester les éléments dudit rapport ;

- le rappel de taxe sur les opérations triangulaires, fondé sur l'article 258 C du code général des impôts, n'est pas fondé, dès lors qu'elle a respecté le formalisme permettant l'application de mesures de simplification, prévu par l'article 258 D ;

- les pénalités appliquées ne peuvent légalement trouver leur fondement sur l'article 1729 a du code général des impôts en l'absence d'inexactitudes ou d'omissions de déclarations, dès lors que les marchandises ont bien été livrées ; elles constituent, au surplus, une double sanction, s'ajoutant à celle résultant de la remise en cause de l'exonération de taxe.

Par des mémoires en défense enregistrés les 31 août 2023, 27 octobre 2023, 11 janvier 2024 et 2 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.

Par une ordonnance du 23 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brotons,

- les conclusions de Mme A...,

- et les observations de Me Albert, représentant la société Carex.

Une note en délibéré a été produite le 19 novembre 2024 pour la société Carex.

Considérant ce qui suit :

1. La société Carex, qui a pour activité le négoce de téléphones portables et de tablettes numériques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les années 2011 et 2012, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, d'une part, sur le fondement de l'article 262 ter-I-1°) du code général des impôts, d'autre part, sur le fondement de l'article 258 C-II du même code, à raison de livraisons intracommunautaires. Elle relève appel du jugement

n° 1908152/3 du 16 mars 2023 par lequel le Tribunal administratif de Melun, après avoir constaté un non-lieu partiel à concurrence de dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté le surplus de ses demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le tribunal a répondu au moyen tiré du non-respect par l'administration du droit à un procès équitable et des droits de la défense, en précisant, au point 4. de son jugement, d'une part, qu'il ressortait de la proposition de rectification que l'administration s'était fondée sur un rapport préliminaire transmis par les autorités fiscales allemandes dans le cadre de l'assistance administrative, dûment communiqué à la requérante en annexe à la réponse aux observations du contribuable du 20 octobre 2015, d'autre part, qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'administration aurait utilisé des renseignements autres que ceux issus de ce rapport, en date du 15 avril 2015, notamment des informations résultant d'un rapport ultérieur, du 15 juillet 2015. Par ailleurs, si la société requérante soutient que le tribunal s'est fondé à tort sur un rapport du 15 avril 2015 alors que seul existerait un rapport du 15 juillet 2015, ce moyen, qui porte sur le bien-fondé des motifs retenus par les premiers juges, est sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Par ailleurs, il résulte de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe de protection juridictionnelle effective est constitué de divers éléments, lesquels comprennent, notamment, les droits de la défense et le principe d'égalité des armes, qui ont pour corollaire le droit d'accès au dossier au cours de la procédure administrative, et que, dans un litige de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, le respect des droits de la défense n'impose pas à l'administration fiscale une obligation générale de fournir un accès intégral au dossier dont elle dispose, mais exige que l'assujetti ait la possibilité de se voir communiquer, à sa demande, les informations et les documents se trouvant dans le dossier administratif et pris en considération par l'administration en vue d'adopter sa décision, lesquels incluent en principe non seulement l'ensemble des éléments du dossier sur lesquels l'administration fiscale entend fonder sa décision mais aussi ceux qui, sans fonder directement sa décision, peuvent être utiles à l'exercice des droits de la défense.

4. Il ressort de la proposition de rectification que l'administration y indique expressément l'origine et la teneur des informations recueillies auprès de tiers sur lesquelles elle s'est fondée, en précisant la date des réponses obtenues des autorités fiscales allemandes, néerlandaises et polonaises ainsi que celle à laquelle des informations lui ont été transmises spontanément, à savoir les conclusions d'une enquête préliminaire des autorités fiscales allemandes du 15 avril 2015. Il est par ailleurs constant que les documents comportant ces informations ont été communiqués à la société Carex en annexe à la réponse aux observations du contribuable du 20 octobre 2015, seules étant occultées les parties concernant l'année 2013, qui n'était pas en cause. Contrairement à ce que soutient la société requérante, aucun élément, notamment aucun des faits relevés dans la proposition de rectification du 7 août 2015, ne permet de considérer que l'administration aurait utilisé, à cette date, des informations issue du rapport final établi par les autorités allemandes le 15 juillet 2015, et dont elle indiquait d'ailleurs déjà, dans la proposition de rectification ultérieurement adressée à la société le 6 février 2016, au titre des années 2013 à 2015, qui ne sont pas objet du présent litige, qu'elle n'en avait reçu communication que le 6 novembre 2015. De même, aucun élément du dossier ne permet de considérer que l'administration aurait disposé d'informations utiles à l'exercice des droits de la défense de la société, autres que celles relatives aux diligences effectuées par celle-ci auprès de ses clients destinataires de livraisons intracommunautaires, déjà expressément rappelées dans la proposition de rectification du 7 août 2015. Enfin, la circonstance que la société requérante n'aurait pas eu la possibilité de se défendre dans le cadre d'une action engagée à son encontre par les autorités allemandes est sans incidence, dès lors qu'elle a été mise à même, dans le cadre de la procédure contradictoire préalable aux impositions, menée avec l'administration fiscale française, de contester utilement les faits qui lui étaient opposés dans la proposition de rectification. Il suit de là que la société Carex n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité au regard des dispositions de l'article L.76 B du livre des procédures fiscales et de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la remise en cause de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée sur les livraisons intracommunautaires :

5. Aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " I. - Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie. / L'exonération ne s'applique pas lorsqu'il est démontré que le fournisseur savait ou ne pouvait ignorer que le destinataire présumé de l'expédition ou du transport n'avait pas d'activité réelle. "

6. Pour remettre en cause le bénéfice du régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux livraisons intracommunautaires, prévu par les dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts, sous lequel la SARL Carex France avait placé des ventes de marchandises à trois sociétés - Global 4 You, TMR et X Press - ayant leur siège en Allemagne, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification du 7 août 2015, que l'intervention de ces sociétés, fiscalement défaillantes et dépourvues de moyens d'exploitation, s'inscrivait dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée pour des ventes destinées à la société allemande Pitax, ainsi qu'il résultait des renseignements issus du rapport d'enquête des autorités allemandes en date du 15 avril 2015. L'administration relevait, notamment, que la société Global 4 You, qui avait pour objet social le nettoyage de vitres et de bâtiments ainsi que des services de conciergerie, soit une activité déclarée sans aucun rapport avec la téléphonie, et ne disposait pas de locaux ni de moyens d'exploitation, avait bénéficié de 17 livraisons, facturées entre le 9 janvier et le 1er juillet 2012 pour un montant en franchise de taxe de 3 310 997 euros, son numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire étant supprimé le 30 juin 2012, qu'après cette date, la société TMR avait bénéficié de 36 livraisons du 9 juillet au 21 novembre 2012 pour un montant cumulé en franchise de taxe sur la valeur ajoutée de 18 472 745 euros, avant la suspension de son numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire le 1er décembre suivant, puis qu'à compter du 21 novembre 2012, la société X Press, qui déclarait jusque-là une activité de coursier, sans rapport avec le commerce de téléphones portables et de tablettes numériques, avait bénéficié de 8 livraisons entre le 21 novembre et le 17 décembre 2012, date de suspension de son numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire, pour un montant en franchise de taxe de 4 219 265 euros. L'administration relevait également qu'une partie des marchandises ainsi livrées provenait d'Allemagne, que les lettres de voiture étaient le plus souvent établies au Mesnil-Amelot, lieu du siège social de la requérante, et non à l'adresse de la société allemande destinataire, et ne portaient pas la signature du représentant légal de la société cliente, que plusieurs livraisons étaient effectuées sur une plateforme logistique, et qu'aucun des documents de transport ne permettait d'établir que la livraison était bien effectuée à destination des sociétés clientes, certaines marchandises étant d'ailleurs directement livrées à la société Pitax, dont le dirigeant était en relation directe avec le dirigeant de la société Carex, avec lequel il avait établi des relations personnelles dès mars 2011. Enfin, l'administration relevait que les règlements étaient effectués après livraison, contrairement aux usages de la société requérante, qui ne libérait habituellement les marchandises qu'après encaissement du virement bancaire correspondant, de surcroît par des paiements fractionnés, et pour des montants aléatoires.

7. La société requérante ne conteste pas utilement les indices ainsi relevés par l'administration fiscale en soutenant qu'elle avait effectué les diligences nécessaires, notamment en vérifiant la qualité d'assujetti de ses clients, ce qu'elle n'a fait, au demeurant, que lors de l'ouverture du compte client et non lors de chaque transaction, ni en faisant valoir que des chiffres d'affaires importants avec un même client dans un délai court est habituel dans une activité de négoce avec des marges très faibles, et que l'activité de trading ne nécessite pas de moyens importants. En effet, il est constant que la société Carex exerce, depuis près de vingt ans, son activité dans un secteur particulièrement connu pour être investi par des opérateurs frauduleux, ce qui supposait de sa part une vigilance toute particulière. Or, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que son chiffre d'affaires a augmenté dans des proportions inhabituelles en 2012, soit une hausse de 71 %, s'expliquant principalement par une sensible augmentation de ses livraisons intracommunautaires, qui ont représenté, en 2012, plus de 80 % de son chiffre d'affaires, que la plus grande partie de ces livraisons concernait les trois sociétés allemandes ici en cause, et que les relations engagées avec ces trois sociétés, pour des montants très significatifs sur de courtes périodes, se sont suivies dans le temps, la société Carex passant de l'une à l'autre au fur et à mesure que les numéros de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire de chacune de ces sociétés étaient suspendus. Si elle fait valoir que le dirigeant de la société Pitax se présentait comme intermédiaire transparent, elle ne produit aucun document, notamment échange de courriels, de nature à le démontrer, ce, alors que l'objet social de la société Pitax était l'achat-revente dans le domaine de la téléphonie et non une activité d'intermédiaire à l'achat. De même, si elle soutient que les modalités de règlement pratiquées avec les sociétés allemandes n'avaient rien d'inhabituel, elle ne produit aucun document de nature à l'étayer, alors qu'il ressort de la proposition de rectification que ses dirigeants avaient eux-mêmes indiqué, lors des opérations de contrôle, que les marchandises n'étaient habituellement libérées qu'après réception du virement bancaire.

8. Compte tenu de l'ensemble des éléments précis et concordants relevés aux points 6. et 7. ci-dessus, l'administration doit être regardée comme établissant que la société Carex ne pouvait ignorer que les destinataires des livraisons n'avaient pas d'activité réelle et qu'elle participait ainsi à un réseau de fraude de type carrousel, la société n'invoquant pas utilement la circonstance que l'existence d'anomalies dans les documents de transport serait un fait habituel ou que l'objet social des sociétés clientes était rédigé en allemand et non en français. Et pour les mêmes motifs, sont sans incidence, au regard des dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts la circonstance que la réalité des livraisons n'est pas contestée par l'administration, que la société n'a pas été poursuivie pénalement par les autorités fiscales allemandes ou qu'elle aurait déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse, l'intéressée ne précisant d'ailleurs pas quelles suites ont été réservées à ladite plainte. De même, la société requérante n'invoque pas utilement un précédent arrêt de la Cour, faisant d'ailleurs application des dispositions du 3 de l'article 272 du code général des impôts, qui ne comporte aucune interprétation différente des dispositions ici appliquées et est, par suite et en tout état de cause, sans incidence sur l'appréciation portée par le juge sur les faits qui lui sont soumis dans la présente affaire.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée due sur les acquisitions intracommunautaires :

9. Aux termes de l'article 258 C du code général des impôts : " I. - Le lieu d'une acquisition intracommunautaire de biens meubles corporels est réputé se situer en France lorsque les biens se trouvent en France au moment de l'arrivée de l'expédition ou du transport à destination de l'acquéreur. / II. - Le lieu de l'acquisition est réputé se situer en France si l'acquéreur a donné au vendeur son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France et s'il n'établit pas que l'acquisition a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dans l'Etat membre de destination des biens./ Toutefois, si l'acquisition est ultérieurement soumise à la taxe dans l'Etat membre où est arrivé le bien expédié ou transporté, la base d'imposition en France est diminuée du montant de celle qui a été retenue dans cet Etat. " . Ces dispositions ont pour objet et pour effet, lorsqu'un assujetti, qui effectue des opérations taxables en France, acquiert des biens meubles corporels dans un autre Etat membre, qu'il expédie ou transporte directement dans un troisième Etat membre, à destination de ses clients, de réputer l'opération imposable en France à la double condition que l'acquéreur ait donné à son fournisseur son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France et s'il ne peut établir que l'acquisition a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dans l'Etat membre de destination des biens.

10. Il résulte de l'instruction que, pour certaines transactions, la société Carex, a réalisé des opérations triangulaires, en indiquant à ses fournisseurs son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée, sans établir que les acquisitions en cause ont effectivement été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans l'Etat membre de destination des biens.

11. La société Carex reprend en appel le moyen tiré de ce qu'elle pouvait bénéficier de la mesure de simplification prévues par les dispositions de l'article 258 D du code général des impôts, dès lors qu'elle avait porté la mention " Application de l'article 141 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006 ", sur les factures en cause. Pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le tribunal aux points 14 et 15 du jugement attaqué, et qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter, ce moyen ne peut qu'être écarté, la société requérante ne justifiant pas avoir déposé, contrairement à ce qu'elle soutient, les états récapitulatifs exigés par l'article 258 D.

Sur les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Pour appliquer aux impositions litigieuses les pénalités prévues par ces dispositions, l'administration a relevé qu'au vu des éléments recueillis dans le cadre du contrôle, il apparaissait que la société Carex ne pouvait ignorer que certaines des opérations auxquelles elle se livrait s'inscrivaient dans un schéma de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, générant ainsi d'importants crédits de taxe sur la valeur ajoutée, pour lesquels elle a systématiquement déposé une demande de remboursement. L'administration doit, eu égard à ces éléments et compte tenu des faits rappelés aux points précédents, être regardée comme justifiant, tant de l'existence d'inexactitudes de déclarations, au sens des dispositions précitées, que de leur caractère délibéré. Et la société requérante ne soutient pas à bon droit que les pénalités mises à sa charge constituent une double sanction, en s'ajoutant à la taxe rappelée sur le fondement de l'article 262 C, dès lors que ce dernier article ne vise qu'à récupérer une taxe qui était due en vertu du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, alors que l'article 1729 sanctionne le comportement d'un contribuable ayant participé sciemment à un circuit frauduleux.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Carex n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de sa demande. Sa requête d'appel ne peut, en conséquence, qu'être rejetée, en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Carex est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Carex et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur de la direction des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Brotons, président honoraire,

- Mme Hamon, présidente-assesseure

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

Le rapporteur,

I.BROTONS

Le président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

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N° 23PA01795


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01795
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Isabelle BROTONS
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SELARL L&A

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;23pa01795 ?
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