Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 juin 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.
Par un jugement n° 2216253 du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2024, Mme B..., représentée par Me Trugnan Battikh, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montreuil du 27 septembre 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 7 juin 2022, mentionné ci-dessus ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travailler dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus d'admission au séjour est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie pour avis ;
- elle est entachée d'erreur de fait en ce qui concerne la date de son entrée sur le territoire français ;
- elle méconnait l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale pour être fondée sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, elle-même illégale ;
- elle repose sur une erreur d'appréciation en ce qui concerne la menace qu'elle représenterait pour l'ordre public ;
- elle repose sur une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de destination et l'interdiction de retour sur le territoire français sont illégales pour être fondées sur une obligation de quitter le territoire français, elle-même illégale ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'un défaut de motivation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet ;
- et les observations de Me Trugnan Battikh, avocat de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante camerounaise née le 6 mai 1967 à Yaoundé (Cameroun) est entrée en France le 11 novembre 2009 selon ses déclarations. Le 27 octobre 2021, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 juin 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Mme B... fait appel du jugement du 27 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, en l'absence de tout élément nouveau, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision attaquée, portant refus d'admission au séjour de Mme B..., doit être écarté, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 2 de leur jugement. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne se serait pas livré à un examen approfondi de la situation de la requérante.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".
4. Les cartes d'admission à l'aide médicale d'Etat, les ordonnances et les résultats d'examens médicaux, ainsi que les courriers de l'agence solidarité transport, que Mme B... produit au dossier, sont insuffisants pour établir sa présence en France pendant les années 2011 à 2013, et donc sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Le moyen tiré d'un vice de procédure doit par suite être écarté.
5. En troisième lieu, en versant au dossier un visa Schengen valable du 5 novembre au 30 novembre 2009 et un billet de train Madrid-Paris non nominatif, Mme B... n'établit pas être entrée régulièrement sur le territoire français le 11 novembre 2009. Le moyen tiré d'une erreur de fait sur ce point doit donc être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Si Mme B... se prévaut d'une communauté de vie depuis 2018 avec un ressortissant français, pourtant placé sous tutelle jusqu'au 7 décembre 2021, elle n'en établit pas la réalité à la date de la décision attaquée, en produisant seulement une attestation de l'intéressé, une facture d'électricité pour l'année 2023 et un PACS daté du 28 août 2024. Son adresse, telle qu'indiquée dans les pièces produites pour établir sa présence en France en 2018 et en 2019, dans sa demande devant le tribunal administratif et dans sa requête d'appel, est d'ailleurs différente de celle de ce ressortissant français. Dans ces conditions et même si elle exerce certaines activités bénévoles depuis 2020 et si elle fait état, sans l'établir, de l'ancienneté de sa présence en France, la décision attaquée ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus.
8. En cinquième lieu, en se prévalant seulement de son arrivée en France à l'âge de 42 ans, le 11 novembre 2009, sans l'établir, et d'une vie en couple avec un ressortissant français depuis 2018, sans l'établir davantage, Mme B... ne justifie en tout état de cause d'aucun motif humanitaire ou exceptionnel au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 3, de nature à démontrer que la décision refusant son admission au séjour reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation.
9. En sixième lieu, si le préfet a, dans son arrêté, pour prononcer une obligation de quitter le territoire français, estimé que Mme B... représentait une menace pour l'ordre public, il a également relevé qu'elle s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour. Or, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur cette seconde circonstance. Le moyen visant à contester la menace pour l'ordre public qu'elle représenterait pour l'ordre public, est donc inopérant.
10. En septième lieu, les moyens tirés de l'illégalité de la décision refusant l'admission de Mme B... au séjour, et d'une erreur manifeste d'appréciation affectant l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, ne peuvent, compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 à 9 ci-dessus, qu'être écartés.
11. En huitième lieu, Mme B... n'est, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, pas fondée à faire état de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont elle a fait l'objet, pour demander l'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire, de la décision fixant le pays de destination et de l'interdiction de retour sur le territoire français.
12. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
13. Les motifs de l'arrêté contesté attestent de la prise en compte par le préfet, au vu de la situation de Mme B..., de l'ensemble des critères prévus par ces dispositions, pour prononcer, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. En conséquence, cette décision doit être regardée comme suffisamment motivée.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Bonifacj, présidente,
M. Niollet, président-assesseur,
M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 décembre 2024.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLa présidente,
J. BONIFACJLa greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.