Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Artelia Ville et Transport (actuellement dénommée Artelia) et la société Arcadis ESG ont saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, dans le dernier état de leurs écritures, à titre principal à la condamnation de la SA SNCF Réseau à leur verser respectivement les sommes de 262 025 euros HT et 74 537, 50 euros HT, avec intérêts moratoires, majorées de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros, à titre subsidiaire, à ce que le tribunal ordonne une expertise pour procéder au compte entre les parties.
Par un jugement n° 1917338/1-2 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande des sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG, les a condamnées à verser à la SA SNCF Réseau la somme de 103 269, 33 euros hors taxes, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019, pour solde du marché en litige et a rejeté le surplus des conclusions présentées par la SA SNCF Réseau.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2021, et des mémoires, enregistrés les 21 juillet 2022, 6 octobre 2022 et 6 mars 2023, les sociétés Artelia et Arcadis ESG, représentées par Me Roger, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre principal, de condamner la SA SNCF Réseau à leur verser la somme de 338 838, 17 euros HT avec intérêts moratoires et majorée de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros, et de débouter la SA SNCF Réseau de l'ensemble de ses demandes ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise pour procéder au compte entre les parties ;
4°) de mettre à la charge de la SA SNCF Réseau la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a rejeté comme irrecevables, car forcloses, leurs demandes indemnitaires ;
- c'est à tort que les premiers juges ont limité leur rémunération au titre du forfait car la SNCF avait accepté de verser des acomptes pour un montant de 290 144 euros HT et a ainsi nécessairement considéré qu'elles justifiaient de l'état d'avancement des prestations correspondant à cette somme ;
- c'est à tort que l'état d'avancement de la mission VISA a été fixée à 80% par le tribunal et non à 100% ;
- c'est à tort que l'état d'avancement de la mission DET a été fixée à 50% par le tribunal et non à 100% ;
- c'est à tort que l'état d'avancement de la mission OPC a été fixée à 50% par le tribunal et non à 100% ;
- l'ensemble de ses demandes indemnitaires jugées à tort irrecevables par le tribunal sont également fondées car il s'agit de prestations supplémentaires en sus du forfait ;
- elle a également droit au titre de rémunérations supplémentaires, outre la somme de 35 785 euros HT admise par le tribunal, aux sommes rémunérant les modifications de programme intervenues au cours du chantier et générant des prix nouveaux pour l'entreprise de travaux, l'analyse d'une proposition technique et financière de la société GTM, les conséquences de l'ajournement des travaux suite à l'absence de personnel " mission de sécurité ferroviaire " en période de congés estivaux ;
- à titre subsidiaire, une expertise pourrait être nécessaire ;
- les conclusions incidentes de la SA SNCF Réseau au titre de la taxe sur la valeur ajoutée sont nouvelles en appel et donc irrecevables.
Par des mémoires en défense, enregistré les 6 mai 2022 et 12 décembre 2022, la SA SNCF Réseau, représentée par Me Caudron, conclut au rejet de la requête, demande à la Cour de fixer le solde du marché à la somme de 107 069,33 euros HT, soit 128 483, 20 euros TTC et de condamner en conséquence solidairement les sociétés Artelia et Arcadis ESG à lui verser cette somme, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019, pour solde du marché. Elle demande, en outre, que soit mise à la charge des sociétés Artelia et Arcadis ESG la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par les sociétés Artelia et Arcadis sont infondés ;
- par la voie de l'appel incident, elle est fondée à demander, d'une part, que la rémunération forfaitaire du groupement Artelia/ Arcadis soit diminuée de la somme de 3 900 euros HT accordée à tort par les premiers juges au titre de la mission OPC qui n'avait pas été réalisée, d'autre part, que la condamnation indemnitaire soit fixée TTC, les sociétés requérantes ne s'étant pas acquittées spontanément de la taxe sur la valeur ajoutée grevant la somme hors taxes mise à leur charge par le tribunal.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993 ;
- le cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles SNCF dans son édition d'avril 1997 rectifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès ;
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- les observations de Me Roger pour les sociétés Artelia et Arcadis ESG,
- et les observations de Me Dumas pour la SA SNCF Réseau.
Considérant ce qui suit :
1.Dans le cadre d'une opération de mise en accessibilité de la gare de Marseille Blancarde, la société SNCF Réseau, agissant par l'intermédiaire de la société SYSTRA, son mandataire pour la maîtrise d'ouvrage, a confié aux sociétés Artelia Ville et Transport (actuellement dénommée Artelia) et Arcadis ESG une mission de maîtrise d'œuvre par une lettre de commande en date du 11 décembre 2017. Cette mission de maîtrise d'œuvre, d'un montant total de 340 865 euros HT, prévoyait la réalisation de quatre prestations : une prestation de visa de la méthodologie des travaux, dite VISA, d'un montant de 16 600 euros HT ; une prestation de direction de l'exécution des travaux, dite DET, d'un montant de 268 020 euros HT ; une prestation d'ordonnancement, pilotage et coordination, dite OPC, d'un montant de 7 800 euros HT ; enfin une prestation d'assistance aux opérations de réception, dite AOR, d'un montant de 48 445 euros HT. La réalisation de ces prestations a débuté le 11 décembre 2017. Le 21 juin 2018, les sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG ont transmis à la SNCF une demande de rémunération supplémentaire d'un montant de 282 462,50 euros HT, demande ramenée à 227 277, 50 euros HT le 25 juillet 2018. Le 29 octobre 2018, la société SYSTRA leur a notifié l'arrêt de leurs prestations de maîtrise d'œuvre au 17 novembre 2018. Le 13 décembre 2018, les sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG ont transmis à la société SYSTRA un mémoire réclamant la somme de 336 562,50 euros HT. Le 9 mai 2019, elles ont contesté le rejet implicite de leur réclamation par le maître d'ouvrage et réitéré celle-ci. Enfin, les sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la société SNCF Réseau à leur verser une somme totale de 336 562,50 euros HT. Par un jugement du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande, a condamné les sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG à verser à la SA SNCF Réseau la somme de 103 269, 33 euros hors taxes, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019, pour solde du marché en litige et a rejeté le surplus des conclusions présentées par la SA SNCF Réseau. Les sociétés Artelia et Arcadis relèvent appel de ce jugement et demandent que la SA SNCF Réseau soit condamnée à leur verser la somme de 338 838, 17 euros HT avec intérêts moratoires. Par la voie de l'appel incident, la SA SNCF Réseau demande que le jugement soit réformé et que la condamnation indemnitaire des sociétés Artelia et Arcadis ESG soit portée à la somme de 128 483, 20 euros TTC, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 82.1 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles relatif à la résiliation du seul fait du maître d'ouvrage : " pour des motifs dont elle est seule juge, la SNCF peut, à tout moment, mettre fin à l'exécution de tout ou partie des prestations objet du marché (...) ". Aux termes de l'article 83.4 dudit cahier : " Dans les cas de résiliation prévus aux points 1 et 2 de l'article 82, le prestataire est fondé à présenter une demande d'indemnisation du préjudice éventuel qu'il subit du fait de cette décision. Il doit, à cet effet, présenter un mémoire, dûment justifié, précisant le montant de sa demande d'indemnisation. Ce document doit être remis à la personne responsable du marché dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la notification de la décision de résiliation (...) ". Enfin, aux termes de l'article 85.1 du même cahier : " Les différends qui pourraient naître entre les parties à l'occasion de l'exécution du marché doivent faire l'objet, de la part du prestataire, d'un mémoire qui doit être remis à la personne responsable du marché. / La personne responsable du marché dispose d'un délai maximum de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision. L'absence de décision notifiée dans ce délai vaut rejet de la réclamation. / Le prestataire dispose, sous peine de forclusion, d'un délai de trois mois à compter : de la date de réception de la décision de la personne responsable du marché, ou de la date du rejet implicite de sa demande, pour faire connaître son acceptation ou son refus des propositions qui lui sont faites ou du rejet de sa réclamation par la personne responsable du marché. / En cas de refus, il peut dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle il a fait connaître son refus des propositions qui lui ont été faites ou de la date du rejet implicite de sa demande, porter le différend devant la juridiction compétente, étant précisé que le prestataire ne peut avancer devant elle que des chefs et motifs de réclamation énoncés dans le mémoire de réclamation remis à la personne responsable du marché. Passé ce délai, il est réputé forclos. ". Enfin, les dispositions des articles R. 421-1 et suivants du code de justice administrative ne sont pas applicables au contentieux contractuel qui est régi par les clauses contractuelles auxquelles les parties ont souscrit en signant le marché.
3. Il est constant que la décision du 29 octobre 2018, notifiée aux sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG le 31 octobre 2018, constitue une décision de résiliation du marché du seul fait du maître d'ouvrage, prévue par les dispositions précitées de l'article 82.1 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles. Il résulte des pièces du dossier que le mémoire remis le 13 décembre 2018 par les sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG à la société SYSTRA ne porte pas sur les préjudices subis du fait de cette décision de résiliation du 29 octobre 2018, mais présente des demandes indemnitaires résultant de différends nés à l'occasion de l'exécution du marché, et relatifs à la surmobilisation des sociétés requérantes, à l'ajournement des travaux dont elles auraient eu à subir les conséquences, aux coûts qui auraient été occasionnés par des modifications de projet, ou encore à la nécessité d'assurer des astreintes de fin de semaine. Or, la SA SNCF Réseau relève que certaines des conclusions indemnitaires présentées dans le mémoire remis à la société SYSTRA le 13 décembre 2018 avaient déjà été présentées dans la demande de rémunération complémentaire en date du 25 juin 2018, actualisée le 21 juillet 2018, et doivent par suite être regardées comme forcloses, faute pour les sociétés requérantes d'avoir saisi le tribunal dans les délais prévus par les dispositions précitées de l'article 85-1 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles. Si les sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG soutiennent que leurs demandes de rémunération complémentaire ne sont pas des réclamations au sens de l'article 85.1 du CCCG travaux, il résulte de l'instruction que les demandes de rémunération complémentaire des intéressées, matérialisant le différend entre le mandataire et le maître d'œuvre, exposent les difficultés rencontrées durant l'exécution du chantier, en analysent les causes et les conséquences matérielles et financières, le lien de causalité avec le préjudice, formulent les montants des sommes dont le paiement est réclamé et en précisent le fondement. Dès lors, les sociétés membres du groupement ne sont pas fondées à soutenir qu'il n'existait pas de différend entre elles et le maître d'ouvrage au sens de ces stipulations du CCCG, faute de prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l'acheteur et faisant apparaître le désaccord. Par suite et dès lors que ces réclamations ont fait l'objet, dans le délai de deux mois à compter de la date de leur réception, d'un rejet implicite, et que le groupement n'a pas saisi le tribunal compétent dans les trois mois qui ont suivi ce rejet implicite, ainsi que le prévoit sous peine de forclusion le troisième alinéa de l'article 85.1 du CCCG, le rejet de ces réclamations est devenu définitif. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les conclusions indemnitaires du groupement déjà contenues dans les réclamations du 25 juin 2018, actualisée le 21 juillet 2018 étaient forcloses et que seules peuvent être regardées comme recevables les demandes indemnitaires formulées dans le mémoire du 13 décembre 2018 qui n'avaient pas été précédemment formulées. Les sociétés requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a rejeté lesdites conclusions comme irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 9 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre, alors en vigueur : " La mission de maîtrise d'œuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux. ". Aux termes de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, alors en vigueur : " Le contrat de maîtrise d'œuvre précise, d'une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel assorti d'un seuil de tolérance, sur lesquels s'engage le maître d'œuvre, et, d'autre part, les conséquences, pour celui-ci, des engagements souscrits. (...) En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, le contrat de maîtrise d'œuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d'œuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel. "
5. Il résulte de ces dispositions que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'œuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seules une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peuvent donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. Le maître d'œuvre ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'œuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si, d'une part, elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si, d'autre part, le maître d'œuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat.
En ce qui concerne les sommes dues par la SA SNCF Réseau aux sociétés Artelia et Arcadis ESG au titre du prix forfaitaire :
6. Aux termes de l'article 83.2 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles relatif aux mesures à adopter en cas de résiliation du marché : " Dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision de résiliation, le prestataire ou son mandataire légal est tenu : (...) / b) de remettre à la SNCF un rapport sur les prestations effectuées et les résultats obtenus ; (...) ". Aux termes de l'article 83.3 du même cahier relatif au règlement du marché : " L'arrêté des comptes est établi selon les modalités prévues à l'article 13, au terme du délai d'un mois évoqué au point 2 du présent article (...) ". Aux termes dudit article 13.3 de ce cahier relatif au solde du marché : " Le prestataire adresse à la personne responsable du marché la demande de paiement du solde. Cette demande donne la liste des prestations non encore réglées et récapitule le montant des sommes déjà payées ".
7. En premier lieu, il est constant que les sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG n'ont pas remis à la SNCF le rapport sur les prestations effectuées et les résultats obtenus, prévu par les dispositions précitées de l'article 83.2 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de résiliation. Elles n'ont pas davantage remis à la personne responsable du marché la demande de paiement du solde prévue par l'article 13.3 du même cahier. Mais le 13 décembre 2018, les sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG ont transmis à la société SYSTRA un mémoire réclamant la somme de 336 562,50 euros HT et après le rejet implicite de leur réclamation par le maître d'ouvrage, elles ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la SA SNCF Réseau à leur verser cette somme totale. Il incombe dès lors au juge administratif de fixer le solde du marché en intégrant les réclamations des sociétés Artelia et Arcadis.
8. En second lieu, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, la seule circonstance que la SNCF avait accepté de verser des acomptes pour un montant de 290 144 euros HT ne signifie pas qu'elle a nécessairement considéré qu'elles justifiaient de l'état d'avancement des prestations correspondant à cette somme.
En ce qui concerne la mission VISA :
9. Il est constant que cette mission n'a pas été réalisée pour la métallurgie-serrurerie. En outre, il résulte de l'instruction que cette mission a été imparfaitement exécutée, notamment du fait que le groupement Artelia/ Arcadis n'a examiné que la veille de la résiliation du marché certains documents transmis plusieurs mois avant par la société GTM. Dès lors, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la fraction de 80% retenue au titre de l'avancement de la mission VISA était insuffisante.
En ce qui concerne la mission DET :
10. En premier lieu, les sociétés requérantes se prévalent d'un délai d'exécution de 32 semaines qui était dépassé à la date de la résiliation pour demander que le taux d'avancement de la mission soit fixé à 100 % non à 50 %. Toutefois, le marché était prévu pour une durée d'un an, soit 52 semaines, le délai de 32 semaines étant uniquement le délai pendant lequel les travaux pouvaient être organisés avec une interruption temporaire de la circulation. Ce moyen doit donc être écarté.
11. En second lieu, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la SNCF aurait admis un taux d'avancement de 66 %. Il résulte en effet du compte rendu de réunion du 20 novembre 2018, trois jours après la résiliation du marché, que l'avancement des travaux était très différent selon les prestations : pour certaines d'entre elles, il y avait 100 % d'avancement mais pour d'autres 0 % et pour d'autres des pourcentages intermédiaires, sans que les requérantes ne justifient d'ailleurs d'une pondération qui pourrait justifier un taux d'avancement global de 66 % . Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le groupement Artelia/ Arcadis n'a pas accompli certaines des missions incluses dans la DET aux termes de l'article 8 du décret du 29 novembre 1993, telles que par exemple la vérification du projet de décompte final de l'entreprise.
12. Il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la fraction de 50% retenue au titre de l'avancement de la mission DET était insuffisante.
En ce qui concerne la mission OPC :
13. Pour ce qui concerne la réalisation de la mission OPC, les sociétés Artelia et Arcadis ESG ne produisent pas l'ensemble des documents qu'elles s'étaient engagées à établir aux termes du dossier technique remis par elles à l'offre, et notamment le " rapport mensuel synthétique " et le " fil rouge d'avancement mensuel " qui y sont mentionnés. Mais les requérantes produisent toutefois des compte-rendu de réunions hebdomadaires d'avancement de chantier. Si les requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que la mission OPC avait été entièrement réalisée, au regard de ces documents, cette mission OPC doit être regardée comme ayant été remplie à 50 %, comme l'a jugé le tribunal. Par suite, il y a lieu de confirmer ce dernier qui a jugé que la SA SNCF Réseau est redevable aux sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG de la somme de 3 900 euros HT, soit la moitié du montant initialement prévu en rémunération de la mission OPC, et de rejeter tant les conclusions des requérantes que les conclusions incidentes de la SNCF.
En ce qui concerne la mission AOR :
14. Les sociétés requérantes ne contestent plus en appel l'absence de toute réalisation de cette mission, la réception des travaux ayant été d'ailleurs effectuée en mai 2019, plusieurs mois après la résiliation du marché. Il y a donc lieu de confirmer le taux de 0 % retenu par le tribunal.
15. Il résulte de ce qui précède que, comme l'a jugé le tribunal, le montant total du prix forfaitaire devant rémunérer les sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG au titre du contrat de maîtrise d'œuvre en litige s'élève à un total de 151 190 euros HT, soit 13 280 euros HT au titre de la mission VISA, 134 010 euros HT au titre de la mission DET et 3 900 euros HT au titre de la mission OPC.
En ce qui concerne les sommes dues par la SA SNCF Réseau aux sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG additionnelles au prix forfaitaire :
16. Parmi les demandes indemnitaires présentées par les sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG, seules sont recevables les demandes indemnitaires formulées dans le mémoire du 13 décembre 2018 qui n'avaient pas été précédemment formulées dans la demande de rémunération complémentaire en date du 25 juin 2018, actualisée le 21 juillet 2018, ainsi qu'il a été précisé au point 3. Ces demandes indemnitaires portent, respectivement, sur les modifications de programme intervenues au cours du chantier et générant des prix nouveaux pour l'entreprise de travaux, sur l'analyse d'une proposition technique et financière de la société GTM, sur les conséquences de l'ajournement des travaux suite à l'absence de personnel " mission de sécurité ferroviaire " en période de congés estivaux, enfin sur la réalisation de prestations supplémentaires commandées et validées par le maître d'ouvrage, consistant en la réalisation d'une étude de conception pour la modification du quai MV4 et en la mise en place d'une astreinte du maître d'œuvre en fin de semaine pendant la phase de travaux.
17. En premier lieu, la SA SNCF Réseau ne conteste pas plus en appel qu'en première instance qu'elle doit aux sociétés Artelia et Arcadis ESG le règlement des prestations supplémentaires consistant en la réalisation d'une étude de conception pour la modification du quai MV4 et en la mise en place d'une astreinte du maître d'œuvre en fin de semaine pendant la phase de travaux, soit un montant total de 35 785 euros HT.
18. En deuxième lieu, les sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG font valoir que des modifications de programme sont intervenues au cours du chantier, générant des prix nouveaux pour l'entreprise de travaux, et occasionnant pour elles-mêmes des coûts supplémentaires évalués à 73 027, 50 euros HT. Toutefois, alors d'ailleurs que, comme l'indique la SNCF, seule une fraction de cette somme s'élevant à 19 485 euros est recevable, le surplus étant frappé de forclusion comme il vient d'être dit ci-dessus, les sociétés requérantes n'apportent pas la preuve de ce que des modifications de programme décidées par le maître d'ouvrage seraient effectivement intervenues, en se bornant à faire valoir qu'une rémunération additionnelle de 468 486, 27 euros HT a été accordée par le maître d'ouvrage à l'entreprise GTM, sans justifier de son impact sur le contrat de maîtrise d'œuvre . Par suite, cette demande indemnitaire doit être rejetée.
19. En troisième lieu, les sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG réclament à la SA SNCF Réseau la somme de 7 200 euros en rémunération de l'analyse d'une proposition technique et financière de la société GTM pour la modification du quai MV4. Toutefois, ainsi que le relève la SA SNCF Réseau, le cahier des clauses techniques particulières du marché en litige prévoit en son article 5.2 que la mission de direction de l'exécution des travaux confiée aux sociétés requérantes inclue l'analyse des " demandes de prix nouveaux " émanant des entreprises de travaux. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander une rémunération complémentaire à ce titre.
20. En dernier lieu, les sociétés Artelia Ville et Transport et Arcadis ESG réclament à la SA SNCF Réseau la somme de 11 525 euros en indemnisation des conséquences de l'ajournement des travaux suite à l'absence de personnel " mission de sécurité ferroviaire " en période de congés estivaux, ajournement dont elles auraient été prévenues avec seulement dix jours d'avance, occasionnant un préjudice financier lié à l'impossibilité de réaffecter de manière optimale l'ensemble de l'équipe pendant cette période, et à la nécessité de remobiliser cette équipe pour la reprise des travaux. Toutefois elles n'établissent pas la réalité de ce préjudice financier par la seule production du relevé des pointages internes de deux employés de la société Artelia Ville et Transport, lequel fait apparaître que l'un des deux agents était en congé sur la période considérée, et l'autre partiellement affecté à d'autres projets de la société. Par suite, la réclamation indemnitaire d'un montant de 11 525 euros doit être rejetée.
En ce qui concerne le solde du marché en litige :
21. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Artelia et Arcadis ESG sont fondées à réclamer à la SA SNCF Réseau le paiement d'une somme totale de 186 875 euros HT en rémunération de la mission de maîtrise d'œuvre qui leur a été confiée, soit 151 190 euros HT au titre du prix forfaitaire, ainsi qu'il a été indiqué au point 15 du présent arrêt, et non 151 090 euros HT comme indiqué au point 16 du jugement attaqué qui est entaché d'une erreur sur ce point, et 35 785 euros HT au titre des prestations supplémentaires commandées et validées par le maître d'ouvrage, ainsi qu'il a été indiqué au point 17 du présent arrêt. Toutefois des acomptes s'élevant à un montant de 290 144, 33 euros HT, non contesté, ont déjà été versés par la SA SNCF Réseau aux sociétés requérantes. Par suite, le solde du marché s'établit à la somme de 103 169, 33 euros HT au crédit de la SA SNCF Réseau, et non 103 269, 33 euros HT comme l'a jugé le tribunal.
En ce qui concerne les conclusions incidentes de SNCF Réseau au titre de la taxe sur la valeur ajoutée :
22. En premier lieu, les conclusions reconventionnelles de la SA SNCF Réseau devant le tribunal ont été présentées TTC et non hors taxes. Dès lors les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les conclusions incidentes de la SNCF au titre de la valeur ajoutée sont des conclusions nouvelles en appel et donc irrecevables.
23. En second lieu, la condamnation indemnitaire définie au point 21 doit être majorée de la taxe sur la valeur ajoutée. Il y a donc lieu de condamner les sociétés Artelia et Arcadis ESG à verser à SNCF Réseau une somme correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée, au taux applicable à la date du paiement, sur la somme de 103 169, 33 euros HT.
24. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que les sociétés Artelia et Arcadis ESG sont seulement fondées à soutenir, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que le jugement attaqué doit être réformé pour ramener leur condamnation indemnitaire de la somme de 103 269, 33 euros HT à la somme de 103 169, 33 euros HT, le surplus de leurs conclusions devant être rejeté, d'autre part, que la SA SNCF Réseau est seulement fondée à soutenir que la condamnation indemnitaire des sociétés Artelia et Arcadis à lui verser une somme de 103 169 euros hors-taxes soit majorée de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à la date du paiement, le surplus de ses conclusions incidentes devant être rejeté.
Sur les frais du litige :
25. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SA SNCF Réseau, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans le présent litige, verse une somme au titre des frais exposés par les sociétés Artelia et Arcadis ESG et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune de ces deux sociétés une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SA SNCF Réseau et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1 : Le solde du marché de maîtrise d'œuvre pour les opérations de mise en accessibilité de la gare de Marseille Blancarde est fixé à la somme de 103 169, 33 euros HT en faveur de la SA SNCF Réseau.
Article 2 : La condamnation indemnitaire des sociétés Artelia et Arcadis ESG est ramenée de la somme de 103 269, 33 euros HT à la somme de 103 169, 33 euros HT, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019.
Article 3 : Les sociétés Artelia et Arcadis ESG sont condamnées à verser à la SA SNCF Réseau la TVA applicable au jour du paiement sur la somme de 103 169, 33 euros HT.
Article 4 : Le jugement n° 1917338/1-2 du 25 mai 2021 du tribunal administratif de Paris est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 5 : Les sociétés Artelia et Arcadis ESG verseront chacune une somme de 1 500 euros à la SA SNCF Réseau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des sociétés Artelia et Arcadis ESG et le surplus des conclusions de la SA SNCF Réseau sont rejetés.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Artelia, à la société Arcadis ESG et à la SA SNCF Réseau.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 décembre 2024.
Le rapporteur,
D. PAGES
La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre chargé des transports en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04228