Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire national pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2116078 du 7 mars 2024, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 avril 2024, M. C... A..., représenté par
Me Semak, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2116078 du 7 mars 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre à toute autorité compétente de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder à un réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; le tribunal n'a pas suffisamment motivé la réponse qu'il a apportée aux moyens tirés du défaut de motivation, du défaut d'examen, de l'erreur de fait notamment dans la prise en compte de sa situation professionnelle ;
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation professionnelle ; la seule circonstance qu'il ait utilisé de faux documents ne justifie pas le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme, celles de l'article 6,5° de l'accord franco-algérien et est entaché d'une erreur de droit dans la mesure où le préfet a méconnu son pouvoir discrétionnaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me Moharami Moakhar, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant algérien né le 29 septembre 1983, est entré régulièrement en France le 15 décembre 2017 et y a sollicité, le 7 mars 2022, la délivrance d'un certificat de résidence. Par un arrêté du 4 octobre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement susvisé du 7 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Montreuil a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par le requérant. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre aux moyens tirés du défaut de motivation, du défaut d'examen et de l'erreur de fait. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé et, de ce fait, entaché d'irrégularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 4 octobre 2022 :
3. En premier lieu, l'arrêté du 4 octobre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis mentionne les textes de droit et les considérations de fait sur lesquels il est fondé. Ainsi, et alors que le préfet n'était pas tenu d'énoncer l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. A..., il est suffisamment motivé.
4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. A.... A ce titre, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet a procédé à un examen de la situation professionnelle de l'intéressé et ne s'est pas borné à relever qu'il avait travaillé sous couvert d'un document frauduleux. Le moyen doit donc être écarté.
5. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., la circonstance que le préfet de la Seine-Saint-Denis ait relevé qu'il est célibataire et sans charge de famille, sans faire référence à la présence en France de sa mère et d'une partie de sa fratrie, ne révèle pas une erreur de fait.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. [...] ". Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour ne s'appliquent que sous réserve des conventions internationales. Ces dispositions sont, en principe, inapplicables pour les ressortissants algériens à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, dont la situation est exclusivement régie par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation d'un ressortissant algérien qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour. Il appartient au préfet, sous le contrôle du juge, d'examiner, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
7. M. A... soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour au motif qu'il avait travaillé sous couvert de faux documents d'identité. Toutefois, d'une part, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet a d'abord relevé que M. A... avait exercé, sans autorisation, le métier de préparateur de commande et qu'il disposait d'une promesse d'embauche pour occuper un emploi de maçon. Il a ensuite considéré que la circonstance que M. A... ait produit un document frauduleux pour pouvoir travailler était de nature à remettre en cause son insertion dans la société française. Ce faisant, ne s'étant pas placé sur le terrain d'un trouble à l'ordre public mais s'étant borné à porter une appréciation sur l'insertion de l'intéressé, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur de droit. D'autre, part, la circonstance que M. A... ait travaillé dans le cadre de mission d'intérim depuis décembre 2019 pour occuper notamment un poste de préparateur de commandes et qu'il justifie d'une promesse d'embauche en qualité de maçon, correspondant à la formation qu'il a suivie dans son pays d'origine, ne peut être regardée comme constituant un motif exceptionnel susceptible de justifier son admission au séjour. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant sa demande de titre de séjour dans le cadre de son pouvoir de régularisation, au motif qu'il ne justifiait d'aucune considération humanitaire ou de motif exceptionnel.
8. En cinquième lieu, si M. A... se prévaut de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien, il est constant qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement et que le préfet n'a pas examiné sa demande sur ce fondement. Le moyen ne peut donc qu'être écarté comme inopérant.
9. En sixième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. M. A... se prévaut de la présence en France de sa mère et de son frère, tous deux de nationalité française et malades, avec lesquels il réside ainsi que de celle de quatre de ses sœurs, dont deux sont de nationalité française. Il soutient que depuis le décès de son père en janvier 2020, il est un soutien affectif et financier aux membres de sa famille. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire et sans charge de famille. Il a résidé en Algérie jusqu'à l'âge de 34 ans, vivant éloigné de ses parents pendant plus de dix ans. En outre, les pièces produites au dossier n'établissent pas que sa mère ou son jeune frère aient besoin, en raison de leurs problèmes de santé, de la présence de M. A... alors que plusieurs de ses sœurs résident en France. Si le requérant se prévaut de la durée de sa présence en France, il est constant qu'il y a toujours résidé de manière irrégulière et n'a pas été autorisé à y travailler. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en l'obligeant à quitter le territoire français, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil n'a annulé que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Julliard, présidente,
Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2024.
La rapporteure,
M. D...
La présidente,
M. B... La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24PA01671