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29/11/2024 | FRANCE | N°23PA02433

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 29 novembre 2024, 23PA02433


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... B... et Mme A... D... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 août 2020 par lequel la maire de Paris a accordé un permis de construire à la société civile immobilière Ilana El pour des travaux sur un immeuble situé 34-36, avenue Daumesnil et 6-8, rue Legraverend, dans le 12ème arrondissement de Paris, ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux.



Par un jugement n° 2113089 du 17 juin 2022

, le tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions.



Par une décision n° 466755 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... et Mme A... D... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 août 2020 par lequel la maire de Paris a accordé un permis de construire à la société civile immobilière Ilana El pour des travaux sur un immeuble situé 34-36, avenue Daumesnil et 6-8, rue Legraverend, dans le 12ème arrondissement de Paris, ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2113089 du 17 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions.

Par une décision n° 466755 du 24 mai 2023, le Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative d'appel de Paris le jugement de la requête présentée par la société civile immobilière Ilana El.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 août 2022, 17 novembre 2022 et

27 juillet 2023, la SCI Ilana El, représentée par Me Abbe, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 juin 2022 ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme B... ;

3°) de mettre à la charge solidaire de M. et Mme B... la somme de

5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- ce jugement est irrégulier dès lors que sa minute n'est pas revêtue des signatures nécessaires ;

- le tribunal aurait dû lui accorder un sursis à statuer en vue d'opérer une régularisation au titre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- la requête de première instance était tardive ; l'affichage du permis de construire sur le terrain a été continu pendant deux mois avant la fin du mois de décembre 2020 ; le déplacement ou le remplacement du panneau d'affichage n'a aucune incidence sur la régularité de l'affichage, ni sur sa durée ; il est établi que le permis de construire a été affiché de manière visible et lisible le 23 septembre 2020 et que cet affichage était maintenu les 22 octobre et 22 décembre 2020 ; les attestations produites par les requérants en première instance ne sont pas probantes ;

- le projet de surélévation en litige n'est pas en rupture avec la façade existante et ne portera pas atteinte à la cohérence d'ensemble et à la continuité esthétique des façades environnantes ; il n'est pas contraire aux dispositions de l'article UG 11 du règlement du plan local d'urbanisme qui doivent être prises dans leur ensemble ;

- le projet ne méconnait pas les dispositions des articles UG 7.1 et UG 10.3.1 du règlement du plan local d'urbanisme dans la mesure où ce projet comporte une façade située à plus de six mètres de la limite séparative de la parcelle voisine n°60 et que la baie se trouvant en façade de l'immeuble de cette parcelle n'éclaire pas une pièce principale.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 août 2023, M. B... et Mme D... épouse B..., représentés par Me Baudouin, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire de la ville de Paris et de la SCI Ilana El une somme de 6 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée à la Ville de Paris qui n'a produit aucune écriture.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- les observations de Me Acem, représentant la SCI Ilana El,

- et les observations de Me Besnard représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Ilana El a déposé, le 7 janvier 2020, une demande de permis de construire pour la surélévation de deux niveaux de bureaux d'un bâtiment à rez-de-chaussée au n° 8 rue Legraverend et deux étages au n° 6 de la même rue avec entresol de bureaux, de commerces et d'habitations et la végétalisation partielle des toitures terrasses sur rue et cour aux 34-36, avenue Daumesnil et 6-8 rue Legraverend dans le 12ème arrondissement de Paris. Par un arrêté du 6 août 2020, la maire de la Ville de Paris lui a accordé le permis de construire sollicité. M. et Mme B..., domiciliés au 36 avenue Daumesnil, ont adressé à la maire de la ville de Paris un recours gracieux contre cet arrêté le 17 février 2021 qui a été implicitement rejeté. La SCI Ilana El relève appel du jugement susvisé du 17 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 6 août 2020, ensemble la décision rejetant le recours gracieux.

Sur la recevabilité du recours de M. et Mme B... :

2. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". S'il incombe au bénéficiaire d'un permis de construire de justifier qu'il a accompli les formalités d'affichage prescrites par les dispositions citées ci-dessus, le juge doit apprécier la continuité de l'affichage en examinant l'ensemble des pièces qui figurent au dossier qui lui est soumis.

3. Il ressort des pièces du dossier que la SCI Ilana El a fait constater par constat d'huissier du 23 septembre 2020 l'affichage sur le terrain d'assiette du projet du permis de construire délivré le 6 juin 2020. Le maintien de cet affichage a été constaté par procès-verbaux dressés les 22 octobre 2020 et 22 décembre 2020. Il ressort des photographies incluses dans ces trois procès-verbaux que l'affichage a été réalisé sur la façade du 6 rue Legraverend. S'il ressort de ces photographies que le panneau était collé au mur à l'aide de ruban adhésif et qu'il a été repositionné de quelques centimètres entre septembre et décembre, il n'en demeure pas moins que le panneau est resté au même endroit à proximité immédiate d'une borne de parcmètre et qu'il était parfaitement visible. Il a, par la suite, été repositionné pour être fixé plus haut sur le même mur à partir du début du mois de janvier 2021. Pour contester le caractère continu de l'affichage de ce permis de construire, M. et Mme B... ont produit, en appel comme en première instance, quatorze attestations établies entre mars et avril 2021, pour celles d'entre elles qui comportent une date. Six d'entre elles ont été établies par des personnes ne résidant pas à proximité immédiate du bâtiment objet du projet et qui indiquent passer régulièrement dans la rue Legraverend tandis qu'une autre a été établie par le propriétaire d'un studio au 36 avenue Daumesnil qui dit s'y " être rendu plusieurs fois au cours du dernier trimestre 2020 ". Cinq d'entre elles émanent de résidents du 7 rue Legraverend, dont un couple, qui indique qu'il aurait vu un panneau s'il avait effectivement été affiché en novembre et en décembre 2020. L'une d'elle est établie par une voisine proche qui indique n'avoir vu le panneau que début 2021 tout en indiquant avoir " également pu, à divers périodes, voir des panneaux différents posés à divers endroits toujours entre le 6 et le 8 de la rue Legraverand ". La dernière de ces attestations a été établie par une voisine proche et rédigée dans les mêmes termes que celles des résidents du 7 rue Legraverend. Ces attestations établies à des dates largement postérieures à la date d'affichage et après l'introduction par M. et Mme B... de leur recours gracieux auprès de la maire de la Ville de Paris par des personnes, dont près de la moitié ne résident pas à proximité immédiate de la rue Legraverend, ne permettent pas de remettre en cause la réalité du maintien de l'affichage attestée par huissier de justice dès lors notamment qu'elles sont rédigées en termes très généraux, sans précision ni concordance quant à la date exacte à laquelle le panneau litigieux a commencé à être affiché et qu'elles sont contredites par les constats d'huissier des 23 septembre et 22 octobre 2020 précités lorsqu'elles affirment qu'aucun affichage n'aurait jamais été réalisé avant le mois de décembre 2020. Par suite, et alors que M. et Mme B... ne produisent ni constat ni photographie des lieux à la période considérée, l'affichage du permis de construire doit être regardé comme ayant été continu à compter du 23 septembre 2020. Le délai de recours contre l'arrêté du 6 août 2020 commençait en conséquence à courir à compter du 23 novembre 2020. Or, M. et Mme B... n'ont formé leur recours gracieux auprès de la maire de la ville de Paris que le 17 février 2021. Ce recours gracieux était donc tardif et ne pouvait proroger le délai de recours contentieux. Il en résulte que la demande de première instance de M. et Mme B... enregistrée le 17 juin 2021 était tardive et, par suite irrecevable. La SCI Ilana El est en conséquence fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a accueilli la demande de M. et Mme B....

4. Il résulte de ce qui précède que la SCI Ilana El est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté de la maire de la Ville de Paris du 6 août 2020 et la décision rejetant le recours gracieux de M. et Mme B....

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris et de la SCI Ilana El, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ces derniers une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI Ilana El et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2113089 du 17 juin 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : M. et Mme B... verseront une somme de 1 500 euros à la SCI Ilana El au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société civile immobilière Ilana El, à M. E... B..., à Mme A... D... épouse B... et à la Ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Julliard, présidente,

Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2024.

La rapporteure,

M. F...

La présidente,

M. C... La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02433
Date de la décision : 29/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Mélanie PALIS DE KONINCK
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : SCP BOUYEURE, BAUDOUIN, DAUMAS, CHAMARD, BENSAHEL, GOMEZ-REY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-29;23pa02433 ?
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