Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions implicites des 6 février et 30 mai 2017, par lesquelles le bâtonnier du barreau de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui communiquer la copie de la lettre du bureau d'aide juridictionnelle de Bobigny lui demandant de désigner un avocat au titre de l'aide juridictionnelle et les copies de la lettre par laquelle le bâtonnier a saisi Me Audouin à la suite de sa réclamation du 24 octobre 2016, des explications et pièces par lesquelles cet avocat a justifié ses diligences, de la demande de
Me Audouin et de l'accord qu'il a obtenu pour le représenter à l'audience du 12 janvier 2017 ainsi que la copie de la lettre par laquelle cet avocat a avisé son confrère de la partie adverse du terme de sa mission au titre de l'aide juridictionnelle n° 2016/01162. M. B... a demandé au tribunal de condamner le bâtonnier du barreau de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral qu'il a subi ainsi que la somme de 250 euros non prise en charge au titre de l'aide juridictionnelle et d'enjoindre au bâtonnier de lui communiquer la copie des documents sollicités.
Par un jugement n° 1911300 du 20 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions du requérant tendant à la communication de la décision implicite du 30 mai 2017 et des copies de la lettre par laquelle le bâtonnier a saisi Me Audouin à la suite de sa réclamation du 24 octobre 2016, des explications et pièces par lesquelles cet avocat a justifié ses diligences, de la demande de
Me Audouin et de l'accord qu'il a obtenu pour le représenter à l'audience du 12 janvier 2017 ainsi que sur les conclusions présentées par M. B... à fin d'injonction de communication de ces documents et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés les 24 août 2023, 28 mars 2024 et 23 avril 2024, M. B..., représenté par Perriez, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 20 janvier 2023 ;
2°) d'inviter, avant-dire-droit, le bureau d'aide juridictionnelle de Bobigny à communiquer la lettre accompagnant la décision d'aide juridictionnelle, à la suite de la décision d'admission du 13 janvier 2016 ;
3°) d'annuler la décision du 6 février 2017 par laquelle le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis a maintenu le refus de lui communiquer la copie de cette lettre ;
4°) d'enjoindre à l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis de lui communiquer une copie de ladite lettre, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de condamner l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 2 000 euros, en réparation du préjudice moral qu'il a subi, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2019 et de leur capitalisation, et la somme de 250 euros, correspondant à la somme non prise en charge au titre de l'aide juridictionnelle en première instance ;
6°) de mettre à la charge de l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis le versement à son conseil en première instance de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- le mémoire en défense présenté par l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis est irrecevable dès lors que la délibération autorisant le bâtonnier à agir n'est pas produite ;
- le jugement est entaché d'irrégularité, liée à la méconnaissance des principes d'impartialité des magistrats administratifs, le rapporteur public ayant eu à connaître, dans le cadre de ses fonctions au ministère de la justice, de précédents litiges le concernant ;
- il est fondé à demander l'annulation de la décision implicite de l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis du 6 février 2017 refusant de lui communiquer la lettre accompagnant la copie de la décision d'aide juridictionnelle du 13 janvier 2016 ;
- ce refus de communication est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis ;
- il est fondé à être indemnisé du préjudice moral qu'il a subi, estimé à 2 000 euros.
Par un mémoire en défense et des mémoires complémentaires, enregistrés les 31 octobre 2023, 10 avril 2024 et 23 mai 2024, l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis, représenté par Me Lours, conclut à la confirmation du jugement attaqué en ne l'infirmant qu'en tant qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle, au rejet de la requête en toutes ses conclusions et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.
Il fait valoir que la demande tendant à la communication de la lettre accompagnant la copie de la décision d'aide juridictionnelle par le bureau d'aide juridictionnelle de Bobigny est irrecevable et que les moyens soulevés par le requérant sont infondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 20 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public,
- et les observations de Me Perriez, avocat de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision n° 2016/001162 du 13 janvier 2016, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bobigny a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle en fixant la contribution de l'Etat à 85%. Par une lettre du 18 octobre 2016, M. B..., estimant que le délai de désignation d'un avocat au titre de l'aide juridictionnelle était anormalement long, a demandé à l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis de lui transmettre la copie du courrier du bureau d'aide juridictionnelle de demande de désignation d'un avocat. M. B... relève appel du jugement n° 1911300 du 20 janvier 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions du requérant tendant à la communication de la décision implicite du 30 mai 2017, des copies de la lettre par laquelle le bâtonnier a saisi Me Audouin à la suite de sa réclamation du 24 octobre 2016, des explications et pièces par lesquelles cet avocat a justifié ses diligences, de la demande de Me Audouin et de l'accord qu'il a obtenu pour le représenter à l'audience du 12 janvier 2017 ainsi que sur les conclusions présentées par M. B... à fin d'injonction de communication de ces documents et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Sur la recevabilité du mémoire en défense :
2. M. B... soutient que le mémoire en défense du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis est irrecevable, dès lors que ce dernier n'établit pas sa qualité pour représenter le conseil de l'ordre alors que l'article 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoit qu'une telle autorisation doit être donnée au bâtonnier par le conseil de l'ordre pour " ester en justice ". Il ressort toutefois des termes de l'article 4 du règlement intérieur de l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis que le bâtonnier, chef de l'ordre, représente le barreau dans tous les actes de la vie civile notamment dans les instances judiciaires dans lequel le barreau est mis en cause. Par suite,
M. B... n'est pas fondé à soutenir que le mémoire en défense du bâtonnier du barreau de la Seine-Saint-Denis est irrecevable.
Sur la régularité du jugement :
3. M. B... soutient que le jugement attaqué a été rendu aux conclusions d'un rapporteur public ayant eu à connaître du litige alors qu'il était en fonction au ministère de la justice. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce magistrat n'est intervenu, en sa qualité de chef du bureau du contentieux administratif, que pour signer deux mémoires en défense dans le cadre de contentieux opposant M. B... au garde des sceaux, ministre de la justice, devant les tribunaux administratifs de Melun et de Cergy-Pontoise, relatifs à d'autres litiges le concernant. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des principes d'impartialité et d'indépendance.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. " Selon l'article L. 311-1 ce code : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. ".
5. M. B... soutient que la décision implicite de refus de lui communiquer la lettre par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle de Bobigny a demandé à l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis la désignation d'un avocat au titre de l'aide juridictionnelle est illégale. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a obtenu communication, par l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis, des lettres relatives à la désignation de
Me Audouin dans le cadre de la requête introduite devant le tribunal de proximité, pour laquelle le requérant a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision du 13 janvier 2016. D'autre part, dès lors qu'il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire que la copie de la décision d'aide juridictionnelle doit être accompagnée d'une lettre demandant au bâtonnier la désignation d'office un avocat, une telle lettre ne constitue pas un document indissociable de la procédure juridictionnelle et, partant, un document administratif communicable. Enfin, l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis affirmant qu'une telle lettre n'existe pas, ce dernier doit être regardé comme étant dans l'impossibilité matérielle de produire le document dont la communication est sollicitée. En conséquence, M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 6 février 2017 par laquelle le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui communiquer cette lettre. Par ailleurs, les conclusions présentées par le requérant tendant à ce que la Cour sursoit à statuer pour enjoindre au bureau d'aide juridictionnelle près du tribunal de grande instance de Bobigny de communiquer cette lettre sont irrecevables et doivent être rejetées.
6. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. B... ne peut se prévaloir d'aucune faute commise par l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis, résultant d'un refus de lui communiquer la lettre par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle de Bobigny a demandé à cet ordre la désignation d'un avocat au titre de l'aide juridictionnelle. Par suite, alors, au surplus, que le requérant n'établit pas le caractère réel et certain du préjudice qu'il prétend avoir subi, ses conclusions à fin d'indemnisation ne pourront qu'être rejetées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa requête.
Sur les conclusions reconventionnelles de l'ordre des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis :
8. Dès lors que l'ordre des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis se borne à soutenir que le recours de M. B... a un caractère dilatoire et abusif sans toutefois l'établir, ni présenter de demande chiffrée, ses conclusions reconventionnelles ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
10. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... le versement à l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors que cet ordre n'établit pas avoir exposé de frais au titre des dépens, ses conclusions présentées à ce titre seront rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis une somme de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions reconventionnelles de l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis et celles présentées à fin d'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'ordre des avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
La rapporteure,
I. C...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03830