Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
6 août 2020 par lequel la maire de Paris a accordé un permis de construire à la société civile immobilière Ilana El pour des travaux sur un immeuble situé 34-36, avenue Daumesnil et 6-8, rue Legraverend, dans le 12ème arrondissement de Paris, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2109497 du 17 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête, enregistrée le 17 août 2022 sous le n°22PA03849, M. B... C..., représenté par Me Jobelot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2109497 du tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 6 août 2020 par lequel la maire de Paris a accordé un permis de construire à la société civile immobilière Ilana El pour des travaux sur un immeuble situé 34-36, avenue Daumesnil et 6-8, rue Legraverend, dans le 12ème arrondissement de Paris, ainsi que la décision du 3 mars 2021 rejetant son recours gracieux ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 3 mars 2021 portant rejet du recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 6 août 2020 par lequel la maire de Paris a accordé un permis de construire à la société civile immobilière Ilana El pour des travaux sur un immeuble situé 34-36, avenue Daumesnil et 6-8, rue Legraverend, dans le 12ème arrondissement de Paris ;
4°) d'enjoindre à la maire de Paris de retirer le permis de construire accordé à la SCI Ilana El ;
5°) de mettre à la charge de la ville de Paris et de la SCI Ilana El une somme de
5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- l'arrêté méconnait le plan de prévention des risques et les dispositions de l'article
UG 2.1 du plan local d'urbanisme ; tant la superficie des surfaces existantes que des surfaces à créer indiquée par la SCI Ilana El à l'appui de sa demande de permis de construire est erronée ; la surface existante d'habitation située dans les bâtiments A et G est de 810,9 m² ; la SCI Ilana El a modifié plusieurs fois les superficies déclarées ; une superficie de 47 m² en rez-de-chaussée a, à tort, été présentée comme une surface d'habitation ; la SCI Ilana El a tenu compte de surfaces de bureaux irrégulièrement créées sans autorisation d'urbanisme pour une superficie de 69,8 m² ;
256,9 m² de surface ont été irrégulièrement créés au niveau du R+2 du bâtiment B ; à contrario, les surfaces à créer ont été minorées de 36,6 m² au total ;
- l'arrêté est illégal dans la mesure où il ne régularise pas l'existant modifié sans autorisation d'urbanisme ;
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article UG 8 du plan local d'urbanisme ; le projet ne respecte pas la règle de prospect pour des parties de façade du bâtiment A comportant des baies au 1er étage situées à moins de 6 mètres de la façade du bâtiment C et D et des parties de façade du bâtiment A comportant des baies au 3ème étage situées à moins de 6 mètres de la façade du bâtiment B ; les règles de prospect ne sont pas respectées entre le bâtiment B et la surélévation prévue des bâtiments C et D ;
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article UG 10 du plan local d'urbanisme ;
- le pétitionnaire n'avait pas qualité pour déposer la demande du permis de construire qui lui a été accordé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2023, la SCI Ilana El, représentée par Me Abbe, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... une somme de 5 000 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête ne présente plus d'objet puisque le tribunal administratif a annulé l'arrêté contesté dans le cadre d'un recours introduit par d'autres requérants ;
- la demande de première instance était tardive ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance n° 22PA03849 du 27 avril 2023, le président-assesseur de la première chambre de la cour administrative d'appel de Paris a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête d'appel de M. C... dirigées contre ce jugement et les décisions de la maire de Paris.
Par une décision n° 475897 du 9 avril 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant la cour où elle a été enregistrée sous le
n° 24PA01845.
Procédure devant la cour après cassation :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 mai 2024 et 9 octobre 2024 sous le
n° 24PA01845, M. B... C..., représenté par Me Jobelot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2109497 du tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 6 août 2020 par lequel la maire de Paris a accordé un permis de construire à la société civile immobilière Ilana El pour des travaux sur un immeuble situé 34-36, avenue Daumesnil et 6-8, rue Legraverend, dans le 12ème arrondissement de Paris, ainsi que la décision du 3 mars 2021 rejetant son recours gracieux ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 3 mars 2021 portant rejet du recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 6 août 2020 par lequel la maire de Paris a accordé un permis de construire à la société civile immobilière Ilana El pour des travaux sur un immeuble situé 34-36, avenue Daumesnil et 6-8, rue Legraverend, dans le 12ème arrondissement de Paris ;
4°) d'enjoindre à la maire de Paris de retirer le permis de construire accordé à la SCI Ilana El ;
5°) de mettre à la charge de la ville de Paris et de la SCI Ilana El une somme de
5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- sa demande de première instance était recevable, l'affichage continu du permis de construite n'ayant pas été réalisé avant le début de l'année 2021 ;
- l'arrêté litigieux méconnait le plan de prévention des risques et les dispositions de l'article UG 2.1 du plan local d'urbanisme ; tant la superficie des surfaces existantes que des surfaces à créer indiquée par la SCI Ilana El à l'appui de sa demande de permis de construire est erronée ; la surface existante d'habitation située dans les bâtiments A et G est de 810,9 m² ; la SCI Ilana El a modifié plusieurs fois les superficies déclarées ; une superficie de 47 m² en rez-de-chaussée a, à tort, été présentée comme une surface d'habitation ; la SCI Ilana El a tenu compte de surfaces de bureaux irrégulièrement créées sans autorisation d'urbanisme pour une superficie de 69,8 m² ; 256,9 m² de surface ont été irrégulièrement créés au niveau du R+2 du bâtiment B ; à contrario, les surfaces à créer ont été minorées de 36,6 m² au total ;
- l'arrêté est illégal dans la mesure où il ne régularise pas l'existant modifié sans autorisation d'urbanisme ;
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article UG 8 du plan local d'urbanisme ; le projet ne respecte pas la règle de prospect pour des parties de façade du bâtiment A comportant des baies au 1er étage situées à moins de 6 mètres de la façade du bâtiment C et D et des parties de façade du bâtiment A comportant des baies au 3ème étage situées à moins de 6 mètres de la façade du bâtiment B ; les règles de prospect ne sont pas respectées entre le bâtiment B et la surélévation prévue des bâtiments C et D ;
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article UG 10 du plan local d'urbanisme ;
- le pétitionnaire n'avait pas qualité pour déposer la demande du permis de construire qui lui a été accordé ; le permis a été obtenu par fraude ;
- la SCI Ilana El a volontairement déclaré dans sa demande de permis de construire des superficies de plancher erronées afin de ne pas atteindre le seuil maximal de 20% de superficie supplémentaire autorisée par le plan de prévention du risque d'inondation et a ainsi obtenu l'arrêté de permis de construire par fraude.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2024, la SCI Ilana El, représentée par Me Abbe, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... une somme de 8 000 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande de première instance était tardive ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La procédure a été communiquée à la Ville de Paris qui n'a produit aucune écriture.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,
- les observations de Me Jobelot représentant M. C... ;
- et les observations de Me Acem, représentant la SCI Ilana El.
Une note en délibéré a été produite pour M. C... le 13 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Ilana El a déposé, le 7 janvier 2020, une demande de permis de construire pour la surélévation de deux niveaux de bureaux d'un bâtiment à rez-de-chaussée au n° 8 rue Legraverend et deux étages au n° 6 de la même rue avec entresol de bureaux, de commerces et d'habitations et la végétalisation partielle des toitures terrasses sur rue et cour aux 34-36, avenue Daumesnil et 6-8 rue Legraverend dans le 12ème arrondissement de Paris. Par un arrêté du 6 août 2020, la maire de la Ville de Paris lui a accordé le permis de construire sollicité. M. B... C..., domicilié au 36 avenue Daumesnil, a adressé à la maire de la ville de Paris, d'une part, une demande de retrait de cet arrêté le 11 février 2021, d'autre part, un recours gracieux contre cet arrêté le 17 février 2021. Par courrier du 3 mars 2021, la maire de Paris a refusé de faire droit à la demande de retrait. M. C... relève appel du jugement susvisé du 17 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2020, de la décision rejetant son recours gracieux et de la décision du 3 mars 2021.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2020 et de la décision rejetant le recours gracieux :
2. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". S'il incombe au bénéficiaire d'un permis de construire de justifier qu'il a accompli les formalités d'affichage prescrites par les dispositions citées ci-dessus, le juge doit apprécier la continuité de l'affichage en examinant l'ensemble des pièces qui figurent au dossier qui lui est soumis.
3. Il ressort des pièces du dossier que la SCI Ilana El a fait constater par constat d'huissier du 23 septembre 2020 l'affichage sur le terrain d'assiette du projet du permis de construire délivré le 6 juin 2020. Le maintien de cet affichage a été constaté par procès-verbaux dressés les 22 octobre 2020 et 22 décembre 2020. Il ressort des photographies incluses dans ces trois procès-verbaux que l'affichage a été réalisé sur la façade du 6 rue Legraverend. S'il ressort de ces photographies que le panneau était collé au mur à l'aide de ruban adhésif et qu'il a été repositionné de quelques centimètres entre septembre et décembre, il n'en demeure pas moins que le panneau est resté au même endroit à proximité immédiate d'une borne de parcmètre et qu'il était parfaitement visible. Il a, par la suite, été repositionné pour être fixé plus haut sur le même mur à partir du début du mois de janvier 2021. Pour contester le caractère continu de l'affichage de ce permis de construire, M. C... a produit, en appel comme en première instance, quatorze attestations établies entre mars et avril 2021, pour celles d'entre elles qui comportent une date. Six d'entre elles ont été établies par des personnes ne résidant pas à proximité immédiate du bâtiment objet du projet et qui indiquent passer régulièrement dans la rue Legraverend tandis qu'une autre a été établie par le propriétaire d'un studio au 36 avenue Daumesnil qui dit s'y " être rendu plusieurs fois au cours du dernier trimestre 2020 ". Cinq d'entre elles émanent de résidents du 7 rue Legraverend, dont un couple, qui indique qu'il aurait vu un panneau s'il avait effectivement été affiché en novembre et en décembre 2020. L'une d'elle est établie par une voisine proche qui indique n'avoir vu le panneau que début 2021 tout en indiquant avoir " également pu, à divers périodes, voir des panneaux différents posés à divers endroits toujours entre le 6 et le 8 de la rue Legraverand ". La dernière de ces attestations a été établie par une voisine proche et rédigée dans les mêmes termes que celles des résidents du 7 rue Legraverend. Ces attestations établies à des dates largement postérieures à la date d'affichage et après l'introduction par M. C... de son recours gracieux auprès de la maire de la Ville de Paris par des personnes, dont près de la moitié ne résident pas à proximité immédiate de la rue Legraverend, ne permettent pas de remettre en cause la réalité du maintien de l'affichage attestée par huissier de justice dès lors notamment qu'elles sont rédigées en termes très généraux, sans précision ni concordance quant à la date exacte à laquelle le panneau litigieux a commencé à être affiché et qu'elles sont contredites par les constats d'huissier des 23 septembre et 22 octobre 2020 précités lorsqu'elles affirment qu'aucun affichage n'aurait jamais été réalisé avant le mois de décembre 2020. Par suite, et alors que M. C... ne produit ni constat ni photographie des lieux à la période considérée, l'affichage du permis de construire doit être regardé comme ayant été continu à compter du 23 septembre 2020. Le délai de recours contre l'arrêté du 6 août 2020 commençait en conséquence à courir à compter du 23 novembre 2020. Or, M. C... n'a formé son recours gracieux auprès de la maire de la ville de Paris que le 17 février 2021. Ce recours gracieux était donc tardif et ne pouvait proroger le délai de recours contentieux. Il en résulte que la demande de première instance de M. C... enregistrée le 3 mai 2021 était tardive et, par suite irrecevable, comme cela était soulevé en défense par la SCI Ilana El.
4. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation dirigées contre l'arrêté du 6 août 2020 et la décision rejetant son recours gracieux.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 3 mars 2021 portant refus de retrait de l'arrêté du 6 août 2020 :
5. D'une part, lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer, au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. A ce titre, si un acte de droit privé opposable aux tiers, tel qu'un acte ou un compromis de vente, est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient à l'administration, en cas de tentative de fraude en vue d'obtenir un permis de construire, d'y faire échec, alors même qu'est en cause un acte de droit privé. Un tiers justifiant d'un intérêt pour agir et saisissant dans le délai de recours le juge de l'excès de pouvoir d'une demande recevable en ce sens est fondé à demander l'annulation du permis de construire qui aurait été accordé dans un tel cas. La fraude, dont le juge de l'excès de pouvoir apprécie l'existence à la date du permis de construire, est caractérisée lorsqu'il ressort des pièces du dossier, y compris le cas échéant au vu d'éléments dont l'administration n'avait pas connaissance à cette date, que le pétitionnaire a eu l'intention de tromper l'administration ou s'est livré à des manœuvres en vue d'obtenir un permis de construire indu.
6. D'autre part, si, ainsi que le prévoit désormais l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration, la circonstance qu'un acte administratif a été obtenu par fraude permet à l'autorité administrative compétente de l'abroger ou de le retirer à tout moment, sans qu'y fassent obstacle, s'agissant d'un permis de construire, les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, selon lesquelles une telle décision ne peut faire l'objet d'aucun retrait, elle ne saurait, en revanche, proroger le délai du recours contentieux contre cette décision. Toutefois, un tiers justifiant d'un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai du recours contentieux, l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l'a saisie d'une demande à cette fin. Dans un tel cas, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de vérifier la réalité de la fraude alléguée à la date du permis de construire puis, en cas de fraude, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l'acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a adressé à la maire de la ville de Paris, le 11 février 2021, une demande de retrait de l'arrêté du 6 août 2020 accordant un permis de construire à la SCI Ilana El en invoquant l'existence d'une fraude de la part de cette dernière. Par la décision contestée du 3 mars 2021, la maire de la ville de Paris a rejeté cette demande.
8. En premier lieu, M. C... soutient que la SCI Ilana El a volontairement déclaré dans sa demande de permis de construire des superficies de plancher erronées afin de ne pas atteindre le seuil maximal de 20% de superficie supplémentaire autorisée par le plan de prévention du risque d'inondation.
9. Aux termes des disposions générales du plan de prévention du risque d'inondation : " La construction ou la reconstruction de SHON sur une unité foncière est limitée à la SHON existante à la date d'opposabilité du PPRI toutes destinations confondues augmentée de 20 % à l'exception (...) des unités foncières en dent creuse définies au chapitre V du règlement relatif à la terminologie ". Aux termes de ce chapitre V : " (...) On entend par unité foncière présentant une dent creuse, au sens du présent règlement, un ensemble d'une ou de plusieurs parcelles cadastrales, bâti ou non bâti, répondant aux caractéristiques suivantes : - l'unité foncière est riveraine d'une voie publique ou privée ; / - la hauteur de construction sur rue, existante sur l'unité foncière considérée, doit être inférieure d'au moins trois mètres, à la hauteur de la construction existante, sur les parcelles riveraines à la même voie, mitoyennes de part ou d'autre de l'unité foncière considérée ; (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier, plus particulièrement du plan des façades ouest donnant sur l'avenue Legraverend avant travaux, des photographies produites à l'appui de la demande de permis de construire concernant l'environnement proche et l'insertion du projet et des photos aériennes, que la hauteur de l'ensemble foncier constitué par les bâtiments donnant sur le 6-8 rue Legraverend était inférieure d'au moins trois mètres aux constructions existantes sur les parcelles riveraines. Contrairement à ce que soutient M. C..., une unité foncière peut être regardée comme une dent creuse si sa hauteur est inférieure d'au moins trois mètres à l'une des constructions dont elle est mitoyenne. Or, si l'immeuble mitoyen situé au 4 rue Legraverend est un petit ensemble composé d'un rez-de-chaussée et d'un étage, l'immeuble situé au 12 de la même rue, mitoyen de l'autre côté est composé de six niveaux, comme l'immeuble situé au numéro 2. Dans ces conditions, l'unité foncière considérée présente une dent creuse au sens des dispositions du plan de prévention du risque incendie. Le projet de surélévation des 6 et 8 rue Legraverend n'était donc pas soumis à la limite de construction de 20% de la surface totale de l'existant. Aussi, à supposer que les superficies de plancher existantes et à créer déclarées par la SCI Ilana El à l'appui de sa demande de permis de construire aient été erronées, cette circonstance ne lui a pas permis d'obtenir un avantage dont elle ne remplissait pas les conditions d'obtention. La fraude invoquée par M. C... n'est pas donc pas établie.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; / c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code : " La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ". En vertu de l'article R. 431-4 du même code, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations et pièces limitativement énumérées aux articles R. 431-5 à R. 431-33-1, aucune autre information ou pièce ne pouvant être exigée par l'autorité compétente. Par ailleurs, le permis est délivré sous réserve du droit des tiers, il vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme, il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s'estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d'autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d'urbanisme.
12. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées par l'article R. 423-1 du même code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il résulte également de ces dispositions qu'une demande d'autorisation d'urbanisme concernant un terrain soumis au régime juridique de la copropriété peut être régulièrement présentée par son propriétaire, son mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par lui à exécuter les travaux, alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l'autorisation de l'assemblée générale de la copropriété, une contestation sur ce point ne pouvant être portée, le cas échéant, que devant le juge judiciaire. Une contestation relative au défaut d'autorisation des travaux par l'assemblée générale de la copropriété ne saurait caractériser une fraude du pétitionnaire visant à tromper l'administration sur la qualité qu'il invoque à l'appui de sa demande d'autorisation d'urbanisme, l'absence d'une telle autorisation comme un refus d'autorisation des travaux envisagés par l'assemblée générale étant, par eux-mêmes, dépourvus d'incidence sur la qualité du copropriétaire à déposer une demande d'autorisation d'urbanisme et ne pouvant être utilement invoqués pour contester l'autorisation délivrée.
13. En l'espèce, il est constant que la SCI Ilana El pouvait, en sa qualité de copropriétaire de l'ensemble foncier, déposer une demande de permis de construire. La circonstance invoquée par M. C... tirée du défaut d'autorisation des travaux par l'assemblée générale de la copropriété et de l'opposition de plusieurs copropriétaires aux travaux projetés, est sans incidence sur la qualité du copropriétaire à déposer une demande d'autorisation d'urbanisme et ne peut être utilement invoquée pour contester l'autorisation délivrée. La fraude alléguée n'est pas davantage établie.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 3 mars 2021 ainsi que ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris et de la SCI Ilana El, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI Ilana El et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera une somme de 1 500 euros à la SCI Ilana El au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A... C..., à la Ville de Paris et à la société civile immobilière Ilana El.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Julliard, présidente,
Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2024.
La rapporteure,
M. E...
La présidente,
M. D... La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01845