Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a, par quatre demandes distinctes, demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, la décision du 15 mai 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a, sur recours préalable exercé devant la commission des recours des militaires à l'encontre de l'avis du 22 septembre 2017 de régularisation des charges du logement qu'il a occupé au sein de la caserne Damesme à Fontainebleau au titre de l'année 2012, en tant que cet avis procède à la régularisation des charges sur le chauffage du logement, ramené la somme demandée, d'un montant de 2 746,15 euros à celui de 1 681,25 euros et, d'autre part, la décision du 15 mai 2019 et les deux décisions du 29 octobre 2019 par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté ses recours préalables exercés devant la commission des recours des militaires à l'encontre respectivement des avis des 2 février 2018, 7 août 2018 et 29 avril 2019 de régularisation des charges du logement qu'il a occupé à la caserne Damesme au titre des années 2013 à 2015, en tant qu'ils procèdent à la régularisation des charges sur le chauffage du logement.
Par un jugement nos 1907792, 1907790, 1910659, 1910616 du 8 août 2022, le tribunal administratif de Melun a fait droit à ses demandes.
Par un arrêt n° 22PA04388 du 3 mars 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer contre ce jugement.
Par une décision n° 473838 du 6 mars 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 octobre 2022, et un mémoire, enregistré le 9 octobre 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1907792, 1907790, 1910659, 1910616 du 8 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de M. A... B... en annulant les quatre décisions des 15 mai et 29 octobre 2019 en tant qu'elles procèdent à la régularisation des charges de chauffage du logement occupé par l'intéressé à la caserne de gendarmerie du quartier Damesme au titre des années 2012 à 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Melun.
Il soutient que :
- le principe d'individualisation des frais de chauffage collectif n'est applicable que lorsqu'un immeuble collectif est équipé de compteurs individuels ;
- des compteurs individuels ne sont installés que dans les concessions de logement par nécessité absolue de service des militaires mais pas dans les locaux de service technique et qu'il n'est, en conséquence, pas possible de procéder à un calcul des charges de chauffage sans erreur ; en l'espèce, aucun des locaux desservis par le système collectif n'était équipé d'appareils permettant de mesurer la consommation individuelle de chauffage ;
- l'administration avait, en application des dispositions de l'article R. 131-5 du code de la construction et de l'habitation, jusqu'au 31 mars 2017 pour mettre en service des appareils permettant l'individualisation des frais de chauffage ;
- dans l'attente de l'installation des appareils permettant d'individualiser les frais de chauffage collectif, l'administration pouvait en application des dispositions des circulaires n° 200 DEF/GEND/PM/LOG/AI.3 du 3 janvier 2001 et n° 102000 GEND/DSF/SDIL/2BT du 28 décembre 2011 procéder à une répartition des charges de chauffage au prorata des surfaces chauffées dès lors que la caserne n'était pas intégralement dotée de compteurs calorimétriques individuels ;
- les principes posés par les textes précités permettent une répartition équitable des charges.
Par des mémoires enregistrés le 14 novembre 2022 et les 7 mars et l7 avril 2024, non communiqués, M. B... conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de la défense ;
- le code de l'énergie ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 24 octobre 2024 :
- le rapport de M. Delage,
- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., colonel de gendarmerie, a bénéficié d'une concession de logement pour nécessité absolue de service au sein de la caserne à laquelle il était affecté entre le 29 novembre 2011 et le 18 février 2015. Par quatre avis de régularisation des charges d'occupation de logement au titre de cette concession des 22 septembre 2017, 2 février 2018, 7 août 2018 et 29 avril 2019, il a été reconnu débiteur des sommes de 2 746,15 euros, 1 812,23 euros, 1 483,53 euros et
600,99 euros respectivement au titre des années 2012 à 2015, déterminées, s'agissant des frais de chauffage collectif au gaz, au prorata de la surface habitable du logement occupé par l'intéressé et du nombre de jours de présence. M. B... a formé un recours devant la commission des recours des militaires contre chacune de ces décisions. Par une décision du 15 mai 2019, le ministre de l'intérieur a réformé l'avis de régularisation des charges dues au titre de l'année 2012 en ramenant la somme demandée à 1 681,25 euros et rejeté le surplus du recours de l'intéressé. Par une autre décision du 15 mai 2019 et deux décisions du 29 octobre 2019, le ministre de l'intérieur a rejeté les recours formés par l'intéressé contre les avis de régularisation des charges dues au titre des années 2013 à 2015. Par un jugement du 8 août 2022, le tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de M. B... tendant à l'annulation de ces quatre décisions des 15 mai et 29 octobre 2019 en tant qu'elles procèdent à la régularisation des charges sur le chauffage du logement occupé par M. B... au titre des années 2012 à 2015. Par un arrêt n° 22PA04388 du 3 mars 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer contre ce jugement et, par une décision n° 473838 du 6 mars 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.
2. Aux termes de l'article L. 4145-2 du code de la défense : " Les officiers et sous-officiers de gendarmerie, du fait de la nature et des conditions d'exécution de leurs missions, sont soumis à des sujétions et des obligations particulières en matière d'emploi et de logement en caserne ". Aux termes de l'article D. 2124-75 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les personnels de tous grades de la gendarmerie nationale en activité de service et logés dans des casernements ou des locaux annexés aux casernements bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service ". Aux termes de l'article R. 2124-71 du même code : " Le bénéficiaire d'une concession de logement par nécessité absolue de service (...) supporte l'ensemble des réparations locatives et des charges locatives afférentes au logement qu'il occupe, déterminées conformément à la législation relative aux loyers des locaux à usage d'habitation (...) ". Enfin, aux termes de l'article D. 2124-75-1 du même code : " La gratuité du logement accordé en application de l'article D. 2124-75 s'étend à la fourniture de l'eau, à l'exclusion de toutes autres fournitures ".
3. Aux termes de l'article L. 241-9 du code de l'énergie, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout immeuble collectif pourvu d'un chauffage commun doit comporter, quand la technique le permet, une installation permettant de déterminer la quantité de chaleur et d'eau chaude fournie à chaque local occupé à titre privatif. / Nonobstant toute disposition, convention ou usage contraires, les frais de chauffage et de fourniture d'eau chaude mis à la charge des occupants comprennent, en plus des frais fixes, le coût des quantités de chaleur calculées comme il est dit ci-dessus (...) ".
4. Aux termes de l'article R. 131-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout immeuble collectif à usage principal d'habitation équipé d'un chauffage commun à tout ou partie des locaux occupés à titre privatif et fournissant à chacun de ces locaux une quantité de chaleur réglable par l'occupant doit être muni d'appareils permettant d'individualiser les frais de chauffage collectif. / Ces appareils doivent permettre de mesurer la quantité de chaleur fournie ou une grandeur représentative de celle-ci ". Aux termes de l'article R. 131-7 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Dans les immeubles collectifs équipés des appareils prévus à l'article R. 131-2, les frais de chauffage afférents à l'installation commune sont divisés, d'une part, en frais de combustible ou d'énergie et, d'autre part, en autres frais de chauffage tels que les frais relatifs à la conduite et à l'entretien des installations de chauffage et les frais relatifs à l'utilisation d'énergie électrique (ou éventuellement d'autres formes d'énergie) pour le fonctionnement des appareillages, notamment les instruments de régulation, les pompes, les brûleurs et les ventilateurs. / II. - Les frais de combustible ou d'énergie sont répartis entre les locaux desservis en distinguant des frais communs et des frais individuels. / (...) Le total des frais individuels s'obtient par différence entre le total des frais de combustible ou d'énergie et les frais communs (...). Ce total est réparti en fonction des indications fournies par les appareils prévus à l'article R. 131-2 (...) ".
5. Il ne résulte ni des dispositions citées ci-dessus, ni d'aucun texte législatif ou réglementaire que les casernements ou locaux annexés aux casernements destinés à l'hébergement des personnels de la gendarmerie nationale titulaires d'une concession de logement pour nécessité absolue de service seraient, en tant que tels, soustraits aux règles d'individualisation des charges de chauffage instituées par les dispositions du code de l'énergie et du code de la construction et de l'habitation citées aux points 3 et 4 du présent arrêt.
6. Pour prononcer l'annulation des décisions litigieuses, le tribunal a considéré que la règle de péréquation sur laquelle le ministre de l'intérieur s'était fondé pour établir la régularisation des charges de chauffage de M. B... au titre des années 2012 à 2015 méconnaissait la règle d'individualisation des charges de chauffage prescrite par les dispositions de l'article R. 131-2 du code de la construction et de l'habitation. Toutefois, il résulte de la combinaison des articles L. 241-9 du code de l'énergie et R. 131-2 et R. 131-2 du code de la construction et de l'habitation que ce principe d'individualisation n'est applicable que lorsque l'immeuble collectif est équipé en compteurs individuels. Or, il ressort des pièces du dossiers, en particulier des décisions attaquées comme des écritures de M. B..., que le logement de ce dernier n'était pas muni d'un appareil permettant d'individualiser les frais de chauffage collectif. Il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a, pour ce motif, annulé les décisions en cause.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal et la cour.
8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 241-7 du code de l'énergie, alors en vigueur : " I. - Tout immeuble collectif équipé d'un chauffage commun à tout ou partie des locaux occupés à titre privatif et fournissant à chacun de ces locaux une quantité de chaleur réglable par l'occupant est muni d'appareils de mesure permettant de déterminer la quantité de chaleur fournie à chaque local occupé à titre privatif et ainsi d'individualiser les frais de chauffage collectif (...) ". Aux termes de l'article R. 241-10 du même code, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2016 au 1er juin 2016 : " La mise en service des appareils mentionnés à l'article R. 241-7 doit avoir lieu au plus tard le 31 décembre 2016 (...) ". Aux termes de ce même article dans sa version en vigueur du 1er juin 2016 au 24 mai 2019 : " La mise en service des appareils mentionnés à l'article R. 241-7 doit avoir lieu au plus tard le 31 mars 2017 (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions que l'administration disposait d'un délai expirant initialement le 31 décembre 2016, reporté ensuite au 31 mars 2017, pour se mettre en conformité avec l'obligation de mise en service, dans les immeubles collectifs, d'appareils de mesure permettant de déterminer la quantité de chaleur fournie à chaque local occupé à titre privatif et ainsi d'individualiser les frais de chauffage collectif. M. B... ayant bénéficié de son logement dans sa caserne d'affectation entre le 29 novembre 2011 et le 18 février 2015, il n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'Etat était tenu d'équiper son logement d'un sous-compteur individuel.
10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour régulariser les charges de chauffage de M. B..., constituées du coût du combustible nécessaire à son fonctionnement au titre des années 2012 à 2015, l'administration a, en l'absence de compteurs individuels de consommation de gaz dans le bâtiment occupé par l'intéressé, constitué d'une infirmerie et de trois logements, réparti la facture de gaz afférente à ce bâtiment au prorata des surfaces habitables des locaux de service et techniques et des logements privés et du temps d'occupation par l'intéressé de son logement. Le requérant n'établit pas ni même n'allègue que l'individualisation des charges pouvait matériellement être réalisée en l'absence de tels compteurs. Dès lors, en l'absence des dispositifs permettant l'individualisation des charges dans l'immeuble en cause, l'administration pouvait, dans l'attente de la mise en service d'appareils de mesure individuels et jusqu'au 31 mars 2017, déterminer les charges de chauffage en répartissant le coût du chauffage déterminé au niveau de la caserne selon la surface de chaque logement et le temps de présence des militaires occupant le logement. Le moyen tiré de l'erreur de droit entachant la méthode de calcul des charges doit donc être écarté. Il suit de là également que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait soumis les officiers de gendarmerie à des sujétions particulières dans l'unique but de leur faire supporter des charges qui lui incombait.
11. En troisième lieu, dès lors que ses charges de chauffage ont été légalement déterminées, M. B... ne peut utilement soutenir que certains militaires auraient bénéficié d'un régime de faveur dérogatoire aux règles de calculs qui lui sont appliquées. Au demeurant, le requérant n'établit pas que ses prédécesseurs au commandement de l'école ainsi que des occupants des autres logements du bâtiment considéré auraient bénéficié, comme il le soutient sans en justifier, de règles dérogatoires voire d'exonérations.
12. En quatrième lieu et dernier lieu, aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes de l'article 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 modifiée par la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové : " Toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " (...) Toutefois, ce titre ne s'applique pas : (...) 3° Aux logements attribués ou loués en raison de l'exercice d'une fonction ou de l'occupation d'un emploi (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de dispositions spécifiques contraires, les charges incombant aux gendarmes occupant des logements concédés par nécessité absolue de service, qui ne présentent pas un caractère indéterminé, entrent dans le champ d'application de la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil.
13. Il ressort des pièces du dossier que la facture annuelle établie au titre de la consommation de l'année 2012 n'est parvenue à aux services de gendarmerie que le 2 janvier 2013. Le délai de prescription quinquennale n'a donc commencé à courir que le 3 janvier 2013 et cette créance n'était dès lors pas prescrite lors de l'émission, le 22 septembre 2017, de l'avis portant sur la régularisation réclamée à M. B... pour 2012. Pour les mêmes motifs, les avis émis les 2 février 2018, 7 août 2018 et 29 avril 2019, qui font suite à des factures reçues en dernier lieu par les services de la gendarmerie respectivement les 19 mai 2014, 15 décembre 2015 et
8 juin 2016, ont été régulièrement émis pour réclamer les charges dues au titre des années 2013, 2014 et 2015. M. B... n'est par suite pas fondé à invoquer la prescription des créances du ministère de l'intérieur.
14. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des écritures de M. B..., le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de M. B... tendant à l'annulation de ces quatre décisions des 15 mai et 29 octobre 2019 en tant qu'elles procèdent à la régularisation des charges sur le chauffage du logement qu'il occupait au titre des années 2012 à 2015.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 8 août 2022 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Melun sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Delage, président assesseur,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 22 novembre 2024.
Le rapporteur,
Ph. DELAGELe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01091