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22/11/2024 | FRANCE | N°24PA00283

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 22 novembre 2024, 24PA00283


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les deux arrêtés du 23 octobre 2022 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2217794 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demand

e.

Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 17 janvier 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les deux arrêtés du 23 octobre 2022 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2217794 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Kwemo, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler les deux arrêtés en date du 23 octobre 2022 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer, dans un délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation, sous les mêmes conditions ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale ;

- il justifie de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une telle interdiction ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une décision du 8 février 2024 du bureau d'aide juridictionnelle, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par ordonnance du 12 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 septembre 2024.

Un mémoire en défense, présenté par le préfet de police, a été enregistré le 24 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lellig a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant égyptien né en 1980, fait appel du jugement du 14 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux arrêtés du 23 octobre 2022 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Sur les conclusions à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. M. A... a bénéficié, par une décision du 8 février 2024, de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet et il n'y a donc pas lieu de statuer.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :

3. Les décisions contestées du préfet de police comportent l'énoncé des circonstances de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent et sont donc suffisamment motivées.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, M. A... soutient, sans toutefois l'établir, être entré en France en octobre 2008 et les pièces qu'il verse aux débats ne permettent pas de justifier d'une résidence habituelle sur le territoire national depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée dès lors, notamment, que l'un de ses trois enfants est né en Egypte en 2014. L'épouse de M. A..., qui n'établit pas davantage la date de son entrée en France, se maintient également en situation irrégulière sur le territoire. Alors que le dernier de leur trois enfants est né en France en 2019 et que les deux aînés, nés en Égypte en 2007 et 2014, y sont régulièrement scolarisés depuis l'année 2018, M. A... ne fait valoir aucune circonstance qui s'opposerait à la reconstitution de sa cellule familiale dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu la majeure partie de sa vie et où il n'établit être dépourvu de toute attache. Enfin, M. A..., qui déclare être hébergé dans un hôtel à vocation sociale, ne fait état d'aucune activité professionnelle, ni d'aucune insertion particulière en France et a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en date du 12 février 2021. Dans ces conditions, la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, aucune des circonstances évoquées n'est de nature à faire regarder la décision portant obligation de quitter le territoire français comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

5. En second lieu, il résulte des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que la décision contestée ne fait pas obstacle à la reconstitution en Egypte de la cellule familiale de M. A... et il ne fait par ailleurs valoir aucune circonstance qui ferait obstacle à la poursuite d'une scolarité normale de ses enfants en Egypte. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'intérêt supérieur de ses enfants n'aurait pas été suffisamment pris en compte.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

6. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

7. M. A..., domicilié dans les locaux d'une association, s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et a déclaré lors de son interpellation ne pas vouloir quitter le territoire français. Le préfet pouvait donc légalement refuser d'accorder à M. A..., qui ne fait valoir aucune circonstance particulière, un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été exposé aux points 4 et 5 que M. A... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au présent litige : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".

10. M. A... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de retour par le préfet de police, lequel a donc pu légalement en assortir sa décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français.

11. En troisième et dernier lieu, conformément à ce qui a été exposé aux points 4 et 5, M. A..., qui a vocation à retourner dans son pays d'origine avec l'ensemble de sa famille, n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour d'une durée d'un an dont il fait l'objet serait de nature à porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- M. Delage, président assesseur,

- Mme Lellig, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2024.

La rapporteure,

W. LELLIGLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

A. MAIGNANLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00283
Date de la décision : 22/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Wendy LELLIG
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : KWEMO

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-22;24pa00283 ?
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