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22/11/2024 | FRANCE | N°23PA03870

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 22 novembre 2024, 23PA03870


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014 à concurrence d'un montant de 187 821 euros imposé à tort comme revenu d'origine indéterminée.



Par un jugement n° 2108675 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 28 août 2023, M. B..., représenté p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014 à concurrence d'un montant de 187 821 euros imposé à tort comme revenu d'origine indéterminée.

Par un jugement n° 2108675 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 août 2023, M. B..., représenté par Me Amigo-Bouyssou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions mises à sa charge à raison des sommes imposées en tant que revenus d'origine indéterminée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros hors taxe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure de taxation d'office est irrégulière ;

- les cinq crédits bancaires ne peuvent être qualifiés de revenus d'origine indéterminée puisqu'ils correspondent au remboursement de bons anonymes obtenus dans le cadre d'un legs ;

- l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré est infondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2023, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delage,

- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle au titre des années 2013, 2014 et 2015 à l'issue duquel l'administration, devant la discordance constatée entre ses revenus déclarés et ses revenus constatés sur ses comptes bancaires, lui a adressé une demande d'éclaircissements et de justifications, suivie d'une mise en demeure. Elle a réintégré dans ses revenus imposables de l'année 2014 cinq sommes portées au crédit de son compte bancaire pour un montant total de 187 281 euros, qualifiées de revenus d'origine indéterminée. M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, ainsi que de la cotisation de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus pour 2014 en résultant auxquels il a été assujetti selon la procédure de taxation d'office. Il relève appel du jugement du 28 juin 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 €. En particulier, si le contribuable allègue la possession de bons ou de titres dont les intérêts ou arrérages sont exclus du décompte des revenus imposables en vertu de l'article 157 du même code, l'administration peut exiger la preuve de la possession de ces bons ou titres et celle de la date à laquelle ils sont entrés dans le patrimoine de l'intéressé. Le contribuable ne peut pas alléguer la vente ou le remboursement de bons mentionnés au 2° du III bis de l'article 125 A du code général des impôts, ou de titres de même nature, quelle que soit leur date d'émission, lorsqu'il n'avait pas communiqué son identité et son domicile fiscal à l'établissement payeur dans les conditions prévues au 4° du III bis du même article. (...) ". Aux termes de l'article L. 69 de ce même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

3. M. B... reprend sans changement en appel le moyen tiré de ce qu'il a été irrégulièrement taxé d'office en application des dispositions citées au point précédent. Ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Paris aux points 3 et 4 de son jugement.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales et de celles des articles L. 192, dernier alinéa, et L. 193 de ce livre que le contribuable, à la suite de son défaut de réponse, supporte la charge de la preuve devant la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et, en cas de réclamation contre l'imposition, devant l'administration puis le juge de l'impôt. Ainsi, si le contribuable qui fait état du remboursement de bons anonymes en réponse à une demande de justification, alors que l'anonymat n'a pas été levé à la date de la vente ou du remboursement allégué, se trouve en situation de taxation d'office en vertu des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, les dispositions de l'article L. 16 n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que l'intéressé apporte ensuite la preuve qui lui incombe du caractère exagéré de l'imposition, en faisant état, devant la commission départementale puis, le cas échéant, devant l'administration fiscale et devant le juge, d'autres éléments de nature à démontrer la vente ou le remboursement, au cours de l'année d'imposition, de bons anonymes qui sont entrés dans son patrimoine soit avant le 1er janvier, soit après cette date dans le cas où il établit qu'ils ont été acquis à titre gratuit.

5. Pour établir que les crédits bancaires en litige proviennent du remboursement de bons anonymes, M. B... a produit plusieurs documents dont une copie de cinq contrats de capitalisation souscrits le 29 juin 2012 et le 16 juillet 2012 sous le régime fiscal de l'anonymat, deux déclarations de l'intéressé datées du 22 octobre 2014 et du 24 novembre 2014 se désignant comme unique porteur des bons de cinq contrats, une attestation de règlement datée du 4 décembre 2014 établie par l'organisme d'assurances le désignant comme ayant racheté les bons de capitalisation de trois contrats, un état de situation établi le 28 mars 2013 par l'organisme d'assurance à l'attention de la prétendue souscriptrice de ces contrats portant sur un contrat souscrit le 5 juillet 2012 et non aux dates ci-dessus rappelées, un imprimé fiscal unique daté du 27 mars 2015 établi par l'organisme d'assurance au nom de M. B... pour l'un des contrats, deux courriers de réponse du 3 avril 2015 et du 22 juin 2015 de l'organisme d'assurance reconnaissant que la levée de l'anonymat lors du rachat des bons de capitalisation pour deux contrats a été faite à tort, sans la volonté de M. B..., et deux courriers dont un non daté et l'autre du 25 mars 2013 adressés par l'organisme d'assurance à la présumée souscriptrice établissant la liste des légataires, dont A... B.... Toutefois, ces documents dont d'ailleurs aucun n'est corroboré par une quelconque déclaration successorale, ne permettent pas de s'assurer que les crédits en litige proviennent du remboursement de bons de capitalisation qui auraient été acquis à titre gratuit ni la date à laquelle ils seraient entrés dans le patrimoine de M. B.... Ce dernier ne peut dès lors être regardé comme justifiant de l'origine des crédits bancaires en litige et c'est à bon droit que l'administration les a imposés en tant que revenus d'origine indéterminée.

Sur les pénalités :

6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

7. Pour établir le caractère délibéré des manquements reprochés au requérant, l'administration s'est fondée sur le nombre de flux bancaires ayant fait l'objet d'omissions et le montant élevé des sommes rehaussées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. Toutefois, s'il ne justifie pas qu'il aurait acquis les contrats dans le cadre d'un legs, M. B... établit que les cinq crédits bancaires non justifiés en 2014 relèvent d'une même opération globale de rachats de contrats de même type. Dans ces circonstances particulières, en se bornant par ailleurs à faire valoir l'insuffisance des réponses apportées par M. B... ainsi que le montant important des sommes en cause représentant plus du double des revenus déclarés par celui-ci, l'administration fiscale n'établit pas, ainsi que cela lui incombe, une intention délibérée de la part de l'intéressé d'éluder l'impôt, alors d'ailleurs que ce dernier fait valoir que la compagnie d'assurance a appliqué d'office le prélèvement libératoire et les prélèvements sociaux. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale lui a appliqué la pénalité de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une quelconque somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : M. B... est déchargé de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts au titre de l'année 2014.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 juin 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- M. Delage, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 22 novembre 2024.

Le rapporteur,

Ph. DELAGELe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23PA03870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03870
Date de la décision : 22/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Philippe DELAGE
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : COTEG & AZAM ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-22;23pa03870 ?
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