Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014, ainsi que des majorations y afférentes.
Par un jugement n° 2022267 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 août 2023, et un mémoire, enregistré le 28 mai 2024, M. D..., représenté par Me Vogels, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à défaut de l'avoir informé de ce que le vérificateur a exploité des informations extérieures autres que les relevés bancaires, l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- la procédure de taxation d'office est irrégulière ;
- les cinq crédits bancaires ne peuvent être qualifiés de revenus d'origine indéterminée puisqu'ils correspondent au remboursement de bons anonymes obtenus dans le cadre d'un legs ;
- l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré est injustifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2024, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 19 septembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Delage,
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique,
- et les observations de Me Vogels.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle au titre des années 2013 à 2015. Eu égard aux discordances entre les revenus déclarés par l'intéressé et certains crédits bancaires constatés sur les comptes ouverts à son nom, le service lui a adressé en date du 16 mars 2017 une demande de justifications sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales portant sur cinq sommes portées en 2014 au crédit de comptes bancaires ouverts à son nom d'un montant total de 361 354 euros. Par réponse du 10 mai 2017, M. D... a indiqué que les cinq crédits litigieux correspondaient à des remboursements de contrats de capitalisation souscrits dans l'anonymat. M. D... a alors fait l'objet d'une mise en demeure de compléter sa réponse le 24 mai 2017, notamment quant aux modalités d'acquisition des contrats, le contribuable devant justifier de ce qu'ils auraient été acquis à titre gratuit comme il le soutenait. M. D... n'a pas répondu à cette mise en demeure. En conséquence, le service a taxé d'office, en application de l'article L. 69 du même livre, les cinq sommes en cause pour un montant total de 361 354 euros, qualifiées de revenus d'origine indéterminée. M. D... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales en ayant résulté. Il relève appel du jugement du 28 juin 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.
3. Il ressort de la proposition de rectification en date du 25 juillet 2017 dont procèdent les rectifications en litige que les sommes taxées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée figurent sur les comptes bancaires ouverts par M. D... auprès du Crédit Mutuel et de la banque HSBC et dont le service a considéré que le contribuable ne justifiait pas l'origine et la nature. Dans ces conditions, la seule circonstance que l'administration a indiqué devant le tribunal qu'une autre instance présentait les mêmes questions de droit et de fait n'établit pas que l'administration fiscale aurait obtenu d'un tiers l'information selon laquelle il aurait acquis les contrats de capitalisation litigieux à titre onéreux auprès de M. E... C.... Il ne résulte d'ailleurs d'aucun élément de l'instruction que l'administration fiscale, dont le requérant indique lui-même qu'elle ne cite pas M. C..., aurait fondé les impositions contestées sur une telle information. M. D... n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'à défaut de l'avoir informé de ce que le vérificateur aurait exploité des informations extérieures autres que les relevés bancaires, l'administration aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
2. En second lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 €. En particulier, si le contribuable allègue la possession de bons ou de titres dont les intérêts ou arrérages sont exclus du décompte des revenus imposables en vertu de l'article 157 du même code, l'administration peut exiger la preuve de la possession de ces bons ou titres et celle de la date à laquelle ils sont entrés dans le patrimoine de l'intéressé. Le contribuable ne peut pas alléguer la vente ou le remboursement de bons mentionnés au 2° du III bis de l'article 125 A du code général des impôts, ou de titres de même nature, quelle que soit leur date d'émission, lorsqu'il n'avait pas communiqué son identité et son domicile fiscal à l'établissement payeur dans les conditions prévues au 4° du III bis du même article. (...) ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".
4. M. D... reprend sans changement en appel le moyen tiré de ce qu'il a été irrégulièrement taxé d'office en application des dispositions citées au point précédent. Ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Paris aux points 3 et 4 de son jugement.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales et de celles des articles L. 192, dernier alinéa, et L. 193 de ce livre que le contribuable, à la suite de son défaut de réponse, supporte la charge de la preuve devant la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et, en cas de réclamation contre l'imposition, devant l'administration puis le juge de l'impôt. Ainsi, si le contribuable qui fait état du remboursement de bons anonymes en réponse à une demande de justification, alors que l'anonymat n'a pas été levé à la date de la vente ou du remboursement allégué, se trouve en situation de taxation d'office en vertu des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, les dispositions de l'article L. 16 n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que l'intéressé apporte ensuite la preuve qui lui incombe du caractère exagéré de l'imposition, en faisant état, devant la commission départementale puis, le cas échéant, devant l'administration fiscale et devant le juge, d'autres éléments de nature à démontrer la vente ou le remboursement, au cours de l'année d'imposition, de bons anonymes qui sont entrés dans son patrimoine soit avant le 1er janvier, soit après cette date dans le cas où il établit qu'ils ont été acquis à titre gratuit.
6. Pour établir que les crédits bancaires en litige proviennent du rachat de bons anonymes qui n'auraient pas été acquis à titre onéreux, M. D... a produit plusieurs documents dont un courrier du 28 octobre 2014 que lui a adressé l'inspecteur conseil de la compagnie d'assurance portant copie originale de sa déclaration de nouveau porteur de trois contrats de capitalisation qui lui ont été remis de main à main et sans formalité portant les n° 8000 8317001788, 8000 8317001888 et 8000 8317001988, une attestation de règlement datée du 4 décembre 2014 établie par l'organisme d'assurances désignant M. D... comme ayant racheté les bons de capitalisation de trois contrats 80008317001788, 80008317001888 et 80008317001988 pour les valeurs nettes respectives de 19 664 euros, 19 664 euros et 19 651 euros au 5 novembre 2014, deux déclarations de l'intéressé lui-même du 24 octobre 2014 et du 24 novembre 2014 se désignant comme unique porteur des 5 contrats, des états de situation datés du 28 avril 2014 établis au nom de la souscriptrice Mme B... pour un contrat qui porte le numéro 0080008317042388, un imprimé fiscal unique daté du 27 mars 2015 établi par l'organisme d'assurance au nom de M. D... pour le même contrat, deux courriers de réponse du 9 avril 2015 et du 22 juin 2015 de l'organisme d'assurance reconnaissant que la levée de l'anonymat lors du rachat des bons de capitalisation pour les contrats 80008317042388 et 80008317058988 a été faite à tort, sans la volonté de M. D.... Toutefois, ces documents, dont d'ailleurs aucun n'est corroboré par une quelconque déclaration successorale, ne permettent pas de s'assurer que les crédits en litige proviennent du remboursement de bons de capitalisation qui auraient fait l'objet d'une libéralité ou qui n'auraient pas été acquis à titre onéreux. Au demeurant, il ressort des deux courriers du 24 juillet 2013 et du 25 mars 2013 adressés par l'organisme d'assurance à Mme B... qu'aucun de ces contrats de capitalisation n'a été souscrit au profit de M. A... D.... Au surplus, ces pièces ne permettent pas d'établir de façon suffisamment certaine la date à laquelle ces bons seraient entrés dans le patrimoine de M. D.... Ce dernier ne peut dès lors être regardé comme justifiant de l'origine des crédits bancaires en litige et c'est à bon droit que l'administration les a imposés en tant que revenus d'origine indéterminée.
Sur les pénalités :
7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
8. Pour établir le caractère délibéré des manquements reprochés au requérant, l'administration s'est fondée sur le nombre de flux bancaires ayant fait l'objet d'omissions et le montant élevé des sommes rehaussées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. Toutefois, s'il ne justifie pas qu'il aurait acquis les contrats dans le cadre d'un legs, M. D... établit que les cinq crédits bancaires non justifiés en 2014 relèvent d'une même opération globale de rachats de contrats de même type. Dans ces circonstances particulières, en se bornant par ailleurs à faire valoir l'insuffisance des réponses apportées par M. D... ainsi que le montant important des sommes en cause représentant plus du double des revenus déclarés par celui-ci, l'administration fiscale n'établit pas, ainsi que cela lui incombe, une intention délibérée de la part de l'intéressé d'éluder l'impôt, alors d'ailleurs que ce dernier fait valoir que la compagnie d'assurance a appliqué d'office le prélèvement libératoire et les prélèvements sociaux. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale lui a appliqué la pénalité de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une quelconque somme au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : M. D... est déchargé de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts au titre de l'année 2014.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 juin 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Delage, président assesseur,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 22 novembre 2024.
Le rapporteur,
Ph. DELAGELe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03858