Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) BKK Sky a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 10 mai 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale alors mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine alors prévue à l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant total de 58 503 euros.
Par un jugement n° 2206789 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 et 22 février 2024, la société BKK Sky, représentée par Me Alagapin-Graillot, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du 10 mai 2022 du directeur général de l'OFII mettant à sa charge la contribution spéciale alors mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine alors prévue à L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant total de 58 503 euros.
3°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur réponse au moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée et n'ont pas répondu au moyen tiré du non-respect du contradictoire ;
- la décision attaquée est entachée d'erreurs dans la matérialité des faits dès lors que le gérant de la société a rempli les obligations qui lui incombaient et que la falsification du titre de séjour de son salarié n'est pas établie ;
- elle est entachée d'erreur de droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2024, l'OFII, représenté par Me De Froment, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société BKK Sky au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- par décision du 17 juillet 2024, l'OFII a annulé la contribution forfaitaire mise à la charge de la société BKK Sky pour un montant de 2 553 euros ;
- les moyens soulevés par la société BKK Sky ne sont pas fondés.
Par un courrier du 6 août 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions de la requête d'appel de la société BKK Sky tendant à l'annulation de la décision du 10 mai 2022 du directeur général de l'OFII en tant qu'elle met à sa charge la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine pour un montant de 2 553 euros, qui a été annulée par une décision du 17 juillet 2024 du directeur général de l'OFII, sont devenues sans objet.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion du contrôle d'un restaurant exploité par la société BKK Sky
le 7 décembre 2021, les services de la police nationale ont constaté l'emploi d'un ressortissant malien dépourvu de titre l'autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France.
Un procès-verbal d'infraction a été établi et transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en application de l'article L. 8271-17 du code du travail. Par une décision
du 10 mai 2022, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société la contribution spéciale alors mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 55 950 euros, et la contribution forfaitaire alors prévue par l'article L. 822-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 553 euros. La société BKK Sky relève appel du jugement du 5 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 17 juillet 2024, l'OFII a annulé la contribution forfaitaire pour frais de réacheminement mise à la charge de la société BKK Sky pour un montant de 2 553 euros. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 mai 2022 du directeur de l'OFII en tant qu'elle met cette contribution à la charge de la société BKK Sky, pour un montant de 2 253 euros, sont devenues sans objet.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment répondu, au point 2 du jugement, au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, notamment en indiquant qu'il " ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, ni d'aucun principe qu'il appartenait au directeur général de l'OFII de viser les observations de la société BKK Sky dans sa décision et de l'informer de l'appréciation portée sur ses observations ". Par ailleurs, si la société requérante soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire, elle n'a pas soulevé ce moyen devant le tribunal, ni d'ailleurs en appel.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce même code dans sa version en vigueur jusqu'au 28 janvier 2024 : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8253-4 de ce même code dans sa rédaction applicable au litige : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1. (...) ".
6. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France (...) ". Selon l'article L. 5221-9 du même code : " L'embauche d'un salarié étranger titulaire de la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 422-1, L. 422-2, L. 422-4 ou L. 422-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut intervenir qu'après déclaration nominative effectuée par l'employeur auprès de l'autorité administrative. " Selon l'article R. 5221-42 du même code : " La demande de l'employeur est adressée au préfet au moins deux jours ouvrables avant la date d'effet de l'embauche. / Le préfet notifie sa réponse à l'employeur par courrier ou courrier électronique dans un délai de deux jours ouvrables à compter de la réception de la demande. A défaut de réponse dans ce délai, l'obligation de l'employeur de s'assurer de l'existence de l'autorisation de travail est réputée accomplie. "
7. Il résulte de l'article L. 8253-1 du code du travail que la contribution qu'il prévoit a pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de cet article, qui assure la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et que, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité.
8. Il résulte de l'instruction, en particulier du procès-verbal d'infraction, que le 7 décembre 2021, les policiers ont constaté la présence, dans l'établissement exploité par la société BKK Sky, d'un salarié de nationalité malienne, M. A..., qui leur a présenté la photographie d'un titre de séjour contrefait. Si le jour de l'embauche de ce salarié, le 30 novembre 2021, l'employeur s'est bien acquitté, par l'intermédiaire de son comptable, des obligations prévues à l'article L. 5221-8 du code du travail, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait demandé l'original du titre de séjour de l'intéressé, alors que le salarié a déclaré devant les services de police, à qui il n'a pas présenté l'original de son titre, s'être contenté de présenter à son employeur la photocopie du faux titre de séjour dont il s'est prévalu. Ainsi, la société BKK Sky n'a pas pris l'une des précautions qui lui aurait permis de vérifier si le salarié était vraiment titulaire de ce titre et si oui, si celui-ci pouvait être falsifié ou usurpé, alors au surplus qu'elle ne conteste pas sérieusement les mentions du procès-verbal du 7 décembre 2021, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, selon lesquelles le caractère frauduleux du titre de séjour présenté par M. A... était facilement détectable au vu de la photocopie. Dans ces conditions, le directeur général de l'OFII a pu légalement mettre à la charge de la société BKK Sky la contributions spéciale, sans que celle-ci puisse utilement se prévaloir de la courte durée entre l'embauche du salarié et le contrôle de police, ni même de ce qu'en l'absence de réponse du préfet dans le délai de deux jours ouvrables à compter de la déclaration d'embauche, prévu à l'article R. 5221-42 du code du travail, la société était réputée avoir accompli son obligation de s'assurer de l'existence de l'autorisation de travail.
9. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, citées au point 5, ne subordonnent pas la mise à la charge de l'employeur de la contribution spéciale à la condition que les faits qui la fondent constituent une infraction pénale. Il en résulte que l'existence d'une décision pénale de relaxe, au motif que les faits d'emploi d'un étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France n'étaient pas établis s'agissant de M. A..., ne faisait pas obstacle au prononcé des sanctions administratives prévues par les articles L. 8253-1 du code du travail et L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société BKK Sky n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes dirigées contre la décision du 10 mai 2022 en tant qu'elle met à sa charge la contribution spéciale.
Sur les frais de l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la société BKK Sky au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a, en revanche, lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société BKK Sky la somme de 1 500 euros à verser à l'OFII au titre des frais liés à l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 mai 2022 du directeur de l'OFII en tant qu'elle mettait à la charge de la société BKK Sky le versement d'une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger, pour un montant de 2 253 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société BKK Sky est rejeté.
Article 3 : La société BKK Sky versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS BKK Sky et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00599