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19/11/2024 | FRANCE | N°23PA04703

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 19 novembre 2024, 23PA04703


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 août 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.



Par un jugement n° 2310062 du 17 octobre 2023, le magistrat désigné par le prés

ident du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 août 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2310062 du 17 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement et de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. B... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour annulée, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2310062 du 17 octobre 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a considéré que la demande d'asile formulée par M. B... lors de son audition faisait obstacle à son éloignement, dès lors que cette demande revêtait un caractère purement dilatoire ;

- l'état de santé de M. B... n'était pas incompatible avec le prononcé d'une obligation de quitter le territoire français ;

- les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 27 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 avril 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 28 mai 1993, entré en France le 1er novembre 2018 selon ses déclarations, a été interpellé le 22 août 2023 démuni de tout document justifiant de son entrée régulière sur le territoire français et de son droit à séjourner en France. Par un arrêté du 22 août 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois. Par un jugement du 17 octobre 2023, dont le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". En outre, aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

3. Lorsqu'il envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger, le préfet n'est tenu, en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que s'il dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

4. Il ressort du procès-verbal d'audition par les services de police du 22 août 2023, antérieur à la notification de l'arrêté en litige le même jour à 18 heures 31, que M. B... a déclaré avoir un problème au niveau de son torse, sans être en mesure de préciser la nature de cette pathologie, et a fait état de ce qu'il souffrait, depuis le décès de son père, d'une " dépression qui s'est transformée en maladie physique ", pour laquelle il a indiqué avoir fait l'objet d'une hospitalisation en psychiatrie depuis un mois et demi. Pour annuler l'arrêté en litige, le premier juge a considéré que, compte tenu des déclarations de M. B..., de la circonstance que l'hospitalisation du 25 juillet au 22 août 2023 en soins psychiatriques résultait d'une admission sur décision prise par le représentant de l'Etat et de la gravité de la pathologie en cause, le préfet disposait, au moment de l'édiction puis de la notification de l'arrêté en litige, d'éléments présentant un caractère suffisamment précis et circonstancié établissant que le requérant était susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier des mentions de l'arrêté de placement en rétention, notifié à l'intéressé deux minutes après la décision portant obligation de quitter le territoire français mais se référant aux éléments portés à la connaissance de l'autorité préfectorale pendant l'audition de M. B..., que si l'intéressé a déclaré être suivi d'un point de vue médical et s'il était acquis qu'il avait fait l'objet d'une hospitalisation sur décision préfectorale, toutefois son état de santé s'était amélioré et qu'au vu des certificats médicaux transmis à l'autorité administrative, la mesure de soins avait été levée. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui disposait d'informations tendant à démontrer la compatibilité de l'état de santé de M. B... avec le prononcé d'une mesure d'éloignement, est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a considéré qu'il n'avait pas procédé à un examen particulier de la situation médicale de l'intéressé et qu'il avait entaché son arrêté d'une erreur de droit dans l'application des dispositions protectrices de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Toutefois, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit

d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement ". De même, aux termes de l'article R. 521-4 du même code : " Lorsque l'étranger se présente en personne auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, en vue de demander l'asile, il est orienté vers l'autorité compétente. (...) / Ces autorités fournissent à l'étranger les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile et dispensent pour cela la formation adéquate à leurs personnels. ".

6. Les dispositions précitées ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au

préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger, à l'occasion de son interpellation, formule une première demande d'asile. Hors les cas concernant l'hypothèse d'un ressortissant étranger formulant sa demande d'asile à la frontière ou en rétention, et hors les cas prévus aux c et d du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet saisi d'une première demande d'asile est ainsi tenu de délivrer au demandeur l'attestation mentionnée à l'article L. 521-7 du même code. Ces dispositions font donc nécessairement obstacle à ce que l'autorité administrative prenne une mesure d'éloignement à l'encontre de l'étranger qui, avant le prononcé d'une telle mesure, a clairement exprimé le souhait de former une demande d'asile devant les services de police lors de son interpellation, même s'il ne s'est pas volontairement présenté devant eux, et sans égard au caractère éventuellement dilatoire d'une telle demande.

7. Le préfet de la Seine-Saint-Denis fait valoir en appel que son arrêté n'est entaché d'aucune erreur de droit dès lors que la demande d'asile de M. B..., qui a déclaré être arrivé en France en 2018 pour y travailler et qui s'est maintenu depuis cette date sur le territoire français sans effectuer la moindre démarche tendant à obtenir le statut de réfugié, revêtait un caractère manifestement dilatoire. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le seul caractère dilatoire d'une première demande d'asile n'est pas au nombre des motifs qui permettent à l'autorité préfectorale de s'abstenir d'enregistrer cette demande et de délivrer au demandeur, sur le fondement de l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une attestation de demande d'asile. Dans ces conditions, et alors que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne remet pas en cause le caractère explicite de la demande d'asile formée par M. B... lors de son audition par les services de police le 22 août 2023, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que cette demande d'asile faisait obstacle à ce que soit prononcé à l'encontre de M. B... une obligation de quitter le territoire français et que le préfet de la Seine-Saint-Denis avait, par suite, entaché son arrêté d'une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à

soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé, pour erreur de droit, son arrêté du 22 août 2023.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... B... et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04703 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04703
Date de la décision : 19/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-19;23pa04703 ?
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