Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination pour son éloignement.
Par un jugement n° 2308687 du 7 mai 2024, le Tribunal administratif de Montreuil a, par son article 1er, admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, par son article 2 annulé l'arrêté attaqué et, par son article 3, enjoint au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation administrative de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 mai 2024 le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 2308687 du 7 mai 2024 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- il établit en appel les dates de lecture en séance publique, et de notification à l'intéressé, de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ayant rejeté la demande de M. A... ;
- il s'en remet à ses écritures de première instance en ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A... contre l'arrêté attaqué.
La requête a été communiquée le 13 juin 2024 à M. A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 9 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant bangladais, né le 1er mars 1984, est entré irrégulièrement en France en octobre 2019 selon ses déclarations et y a demandé l'asile le 12 décembre 2019. A la suite du rejet de cette demande, par un arrêté du 6 juillet 2023 le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination pour son éloignement. Le préfet de police relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. A....
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles
L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; ".
3. D'autre part, le second alinéa de l'article L. 542-1 du même code dispose que : " Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ".
4. Il ressort des pièces du dossier, produites pour la première fois en appel, que le recours présenté par M. A... aux fins d'annulation de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 novembre 2020 a été rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile qui a été lue en audience publique le 13 octobre 2021 et notifiée le 13 décembre suivant. M. A... ne bénéficiait donc, en application de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du droit de se maintenir sur le territoire français que jusqu'au 13 octobre 2021. Par suite, le préfet de police pouvait, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, édicter une mesure d'éloignement à son encontre par un arrêté du 6 juillet 2023. Dès lors, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que la première juge, estimant que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaissait les dispositions précitées de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a annulé l'arrêté en litige pour ce motif.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Sur les autres moyens invoqués par M. A... en première instance :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris par une autorité incompétente, le préfet de police ayant, par un arrêté n° 2023-00059 du 23 janvier 2023 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial, donné délégation à M. B... C..., attaché d'administration de l'État, signataire dudit arrêté, à l'effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté en litige.
7. En deuxième lieu, l'obligation de quitter le territoire français contestée vise les textes dont elle fait application et mentionne les éléments de fait propres à la situation personnelle de M. A... sur lesquels elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de l'obligation de quitter le territoire français, ainsi que, pour le même motif, celui tiré de ce que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen de sa situation personnelle, doivent être écarté.
8. En troisième lieu, en se bornant à faire état d'une durée de présence en France de trois ans à la date de la décision attaquée, sans mentionner aucun élément d'intégration ni de vie privée et familiale, M. A... n'établit pas que la décision porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'établit pas que la décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
10. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. A..., par la seule affirmation qu'il justifie de la réalité de ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine, n'établit pas qu'un retour au Bangladesh l'exposerait à des traitements prohibés par ces stipulations alors que, par ailleurs, sa demande d'asile a été définitivement rejetée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel il a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination pour son éloignement et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2308687 du 7 mai 2024 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
Le président-rapporteur,
B. AUVRAYL'assesseure la plus ancienne,
P. HAMON
Le greffier,
C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA02384