Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Boulangerie Saint-Antoine a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer, à titre principal, la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.
Par un jugement n° 1926455/2-1 du 29 mars 2022, le Tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de la société Boulangerie Saint-Antoine à concurrence de dégrèvements accordés en cours d'instance par l'administration fiscale à hauteur de 202 581 euros en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de 104 092 euros en matière d'impôt sur les sociétés, a prononcé la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, a réduit sa base d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014 à concurrence de 73 467 euros et a prononcé la réduction correspondante, en droits, pénalités et intérêts de retard, de cette imposition, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
I°) Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 22PA02466, les 27 mai 2022, 24 avril 2023, 9 mai 2023 et 26 mai 2023, la société Boulangerie Saint-Antoine, représentée par Me de Saint-Julien, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 mars 2022 en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des impositions restant à sa charge ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts appliquée aux impositions restant à sa charge ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal diligentée à son encontre est irrégulière ;
- la demande du ministre tendant à ce que la procédure de taxation d'office prévue au 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales soit substituée à la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal initialement mise en œuvre, n'est pas fondée ;
- c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que les cotisations sociales de son gérant et les amortissements n'étaient pas déductibles au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 et que l'inscription de certaines sommes inscrites au crédit de comptes courants ouverts dans ses écritures n'était pas justifiée au titre des exercices clos en 2013 et 2014 ;
- la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts n'est pas justifiée ;
- la demande du ministre tendant à ce que la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts soit substituée à la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du même code, n'est pas fondée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, il demande, par voie de substitution de base légale, que, d'une part, les impositions restant en litige en matière d'impôt sur les sociétés soient maintenues selon la procédure de taxation d'office prévue au 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales en lieu et place de la procédure d'évaluation d'office des bases d'imposition prévue par l'article L. 74 du même livre initialement mise en œuvre et que, d'autre part, la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts soit substituée à la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du même code ;
- la demande de la société requérante tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens est irrecevable.
II°) Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 22PA02778, les 16 juin 2022 et 6 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 mars 2022 en tant qu'il a prononcé la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 ;
2°) de prononcer le rétablissement de ce surplus de rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant, en droits, pénalités et intérêts de retard, de 26 786 euros.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en considérant que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée non déclarée devait être regardée comme intégralement absorbé par des crédits dont disposait la société Boulangerie Saint-Antoine ;
- à titre subsidiaire, si la Cour devait estimer que le montant de taxe sur la valeur ajoutée non déclaré, évalué à hauteur de 13 156 euros, est totalement absorbé par des crédits de taxe sur la valeur ajoutée dont la société serait titulaire, il demande le bénéfice de la compensation prévue à l'article L. 203 du livre des procédures fiscales dès lors que la société ne disposait en réalité d'aucun crédit imputable du fait de ses erreurs de report.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2023, la société Boulangerie Saint-Antoine, représentée par Me de Saint-Julien, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- et les observations de Me de Saint-Julien, avocat de la société Boulangerie Saint-Antoine.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 22PA02466 et n° 22PA02778 étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. La société Boulangerie Saint-Antoine, qui exploitait un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie jusqu'au 31 mai 2014 puis l'a placé en location-gérance pour une durée de trois ans à compter du 1er juin 2014, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale, après avoir mis en œuvre la procédure d'évaluation d'office des bases d'imposition prévue par les dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales en cas d'opposition à contrôle fiscal, a évalué d'office le chiffre d'affaires de cette société, puis lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015. L'administration fiscale ayant implicitement rejeté les réclamations préalables de la société Boulangerie Saint-Antoine, cette dernière a porté le litige devant le Tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 29 mars 2022, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande à concurrence de dégrèvements accordés en cours d'instance par l'administration fiscale à hauteur de 202 581 euros en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de 104 092 euros en matière d'impôt sur les sociétés, a prononcé la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, a réduit sa base d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014 à concurrence de 73 467 euros et a prononcé la réduction correspondante, en droits, pénalités et intérêts de retard, de cette imposition, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société Boulangerie Saint-Antoine fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique faisant appel du même jugement en tant qu'il a prononcé la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.
Sur l'appel de la société Boulangerie Saint-Antoine :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers / (...) ".
4. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que l'avis de vérification de comptabilité a été adressé au siège de la société Boulangerie Saint-Antoine le 22 juin 2016 puis au domicile de son gérant le 30 juin 2016, et que les plis recommandés contenant cet avis sont revenus au service avec les mentions respectives " destinataire inconnu à l'adresse " et " pli avisé et non réclamé ". Faute de réponse du gérant au courrier envoyé à son adresse personnelle par pli recommandé, le service a envoyé à celui-ci, par plis simple et recommandé, une lettre de mise en garde du 20 juillet 2016, le pli recommandé ayant été effectivement distribué le 22 juillet 2016. Le courrier du 30 juin 2016 et la lettre de mise en garde du 20 juillet 2016 informaient également le gérant des sanctions encourues par la société Boulangerie Saint-Antoine en cas d'opposition à contrôle fiscal. Le gérant n'ayant pas donné suite à la lettre de mise en garde, le service a dressé, le 12 septembre 2016, un procès-verbal pour opposition à contrôle fiscal qui a été envoyé à son adresse personnelle par plis simple et recommandé, le pli recommandé étant à nouveau retourné au service avec la mention " pli avisé et non réclamé ".
5. Toutefois, la société requérante établit qu'en raison d'un état de santé défaillant depuis 2012, son gérant était dans l'incapacité de suivre en 2016 une vérification de comptabilité, cette circonstance ne traduisant pas, au cas présent, la volonté spéciale du contribuable de faire échec à la réalisation du contrôle fiscal. Ainsi, la société Boulangerie Saint-Antoine est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a recouru à la procédure d'évaluation d'office de ses bases d'imposition prévue par les dispositions précitées de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales.
6. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Sont taxés d'office : / (...) / 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 / (...) ". Aux termes de l'article L. 68 de ce livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " La procédure de taxation d'office prévue [au] 2° (...) de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure / (...) ".
7. D'une part, l'administration fiscale est en droit à tout moment de la procédure de se prévaloir de la situation de taxation d'office ou d'évaluation d'office du contribuable. Lorsque la situation d'imposition d'office d'un contribuable n'a pas été révélée par la vérification de comptabilité dont celui-ci a fait l'objet, les irrégularités qui ont pu entacher cette vérification sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition. D'autre part, si l'administration a recouru à la procédure d'évaluation d'office, elle est en droit, à tout moment de la procédure, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement retenue dès lors que cette substitution ne prive pas le contribuable de garanties attachées à la procédure d'imposition.
8. Le ministre, qui demande en appel que la procédure de taxation d'office prévue au 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales soit substituée à la procédure d'évaluation d'office prévue par les dispositions de l'article L. 74 du même livre, établit que, d'une part, la société Boulangerie Saint-Antoine n'a pas souscrit dans le délai légal les déclarations fiscales lui incombant en matière d'impôt sur les sociétés malgré l'envoi d'une mise en demeure en application de l'article L. 68 du même livre et que, d'autre part, la situation de taxation d'office de la société requérante n'a pas été révélée par la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet. Dans ces conditions, et dès lors que la société Boulangerie Saint-Antoine ne conteste pas ces éléments, il y a lieu d'admettre la substitution de base légale demandée par le ministre en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant de la charge de la preuve :
9. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 de ce livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". En vertu de ces dispositions, il appartient à la société Boulangerie Saint-Antoine, qui était en situation de taxation d'office, comme cela est jugé aux points 6 à 8, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge.
S'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés restant en litige :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, alors applicable : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Aux termes de l'article L. 199 C de ce livre, alors applicable : " L'administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction (...) ". Si la compensation permet de maintenir le montant d'une imposition à la charge du contribuable, elle entraîne une modification de la matière imposable par rapport à celle initialement retenue par l'administration dans son redressement alors que la substitution de motifs conduit au maintien de la même imposition sur un autre motif que celui initialement retenu.
11. Il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires réalisé par la société Boulangerie Saint-Antoine au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 a, en l'absence de tout document comptable relatif à cette période, été reconstitué par voie de rectification d'office, le service ayant ainsi évalué, dans la proposition de rectification du 15 septembre 2016, les résultats imposables à hauteur de, respectivement, 407 577 euros au titre de l'exercice clos en 2013, 123 275 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et 135 856 euros au titre de l'exercice clos en 2015. Au cours de l'instance devant le tribunal administratif, l'administration fiscale, après avoir examiné, dans un souci de réalisme économique, les documents comptables ainsi que les déclarations de résultats qui ont été produits pour la première fois à l'appui des réclamations préalables de la société requérante, a réintégré aux résultats fiscaux déclarés à hauteur de, respectivement, 40 832 euros au titre de l'exercice clos en 2013, 1 404 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et - 16 249 euros au titre de l'exercice clos en 2015, des sommes de, respectivement, 294 251 euros au titre de l'exercice clos en 2013, 128 424 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et 73 152 euros au titre de l'exercice clos en 2015, ces sommes correspondant, d'une part, à la remise en cause du caractère déductible des cotisations sociales du gérant et d'amortissements non comptabilisés pour les exercices 2013 à 2015 et, d'autre part, à l'absence de justification de sommes inscrites au crédit de divers comptes courants ouverts dans les écritures de la société pour les exercices 2013 et 2014. Par une décision du 15 mai 2020, l'administration fiscale a procédé, en matière d'impôt sur les sociétés, à un dégrèvement d'un montant, en droits et pénalités, de 104 092 euros, après avoir relevé que les montants des rectifications issues de l'examen des documents présentés par la société Boulangerie Saint-Antoine à l'appui de ses réclamations préalables étaient inférieurs à ceux des rectifications résultant du contrôle fiscal.
12. Si la société Boulangerie Saint-Antoine soutient qu'en agissant ainsi, l'administration fiscale a implicitement mais nécessairement prononcé un dégrèvement total des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été initialement assignées et qu'elle a compensé ce dégrèvement par de nouveaux redressements en application des dispositions précitées de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, il résulte cependant de ce qui vient d'être exposé au point précédent que l'administration fiscale, qui n'a ainsi prononcé qu'un dégrèvement partiel des suppléments d'impôt sur les sociétés mis en recouvrement, le 16 novembre 2016, pour un montant total, en droits et pénalités, de 419 769 euros, s'est en réalité bornée à fonder, au cours de la procédure contentieuse, les impositions en litige sur des motifs différents de ceux qu'elle avait initialement retenus dans la limite du dégrèvement sollicité dans les réclamations préalables, comme le lui permettaient les dispositions précitées de l'article L. 199 C du même livre. Par suite, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration fiscale n'a pas procédé à une compensation, laquelle, d'après les termes mêmes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, peut d'ailleurs être effectuée nonobstant l'expiration du délai de reprise, contrairement à ce que soutient la société requérante.
13. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) / 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise (...) ". Pour être admis en déduction, les amortissements de l'exercice doivent être effectivement comptabilisés avant l'expiration du délai de déclaration des résultats, cette condition n'étant pas considérée comme satisfaite par la production d'écritures comptables dépourvues de date certaine.
14. Si la société Boulangerie Saint-Antoine conteste la réintégration d'amortissements dans ses résultats imposables au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, elle ne justifie pas plus en appel qu'en première instance que ces amortissements auraient été effectivement comptabilisés ni, en tout état de cause, que cette comptabilisation serait intervenue au plus tard à l'expiration du délai de déclaration des résultats des exercices en litige. Par ailleurs, la société requérante, qui indique avoir déposé ses déclarations de résultats à l'appui de sa réclamation préalable du 28 juillet 2017, n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement implicite des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du bénéfice de la réponse ministérielle n° 11985 faite à M. B..., député, le 26 janvier 1987, aux termes de laquelle " les amortissements inscrits en comptabilité à la date d'expiration du délai de déclaration mais dont la déclaration est produite hors délai demeurent déductibles " dès lors qu'en tout état de cause, elle n'établit pas que ces amortissements ont été effectivement comptabilisés. Par suite, la société Boulangerie Saint-Antoine n'est pas fondée à soutenir que les amortissements en litige étaient déductibles de ses résultats imposables au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.
15. En troisième lieu, aux termes du I de l'article 211 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Dans les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) et dont les gérants sont majoritaires (...), les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont, sous réserve des dispositions du 3 de l'article 39 et 211 bis, admis en déduction du bénéfice de la société pour l'établissement de l'impôt, à la condition que ces rémunérations correspondent à un travail effectif / (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article 54 bis de ce code, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " [Les contribuables visés à l'article 53 A] doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ". Par le terme " personnel ", l'article 54 bis précité comprend aussi bien les salariés d'une société commerciale que ses dirigeants nonsalariés. Aux termes du 3 de l'article 223 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les personnes morales (...) passibles de l'impôt sur les sociétés sont tenues aux mêmes obligations que celles prévues aux articles 54 bis et 54 quater ".
16. Au cours de l'instance devant le tribunal administratif, l'administration fiscale a constaté que la société Boulangerie Saint-Antoine avait versé des sommes de 33 088 euros en 2013, 14 457 euros en 2014 et 51 200 euros en 2015 au régime social des indépendants (RSI) en règlement de cotisations sociales correspondant à des rémunérations versées à son gérant, associé majoritaire, et a, en conséquence, considéré que ces dépenses, dont le paiement incombe à titre personnel au gérant, constituaient des avantages en nature au bénéfice de son gérant. L'administration fiscale a remis en cause la déduction de ces dépenses, qui ont été comptabilisées au compte 646010, au motif que, d'une part, elles n'ont pas été inscrites comme telles dans la comptabilité de l'entreprise, ainsi que l'exige l'article 54 bis du code général des impôts, et que, d'autre part, il n'est pas établi que leur prise en charge a été approuvée par l'assemblée générale des associés avant la clôture de chaque exercice vérifié. Si la société Boulangerie Saint-Antoine établit que les sommes en litige ont fait l'objet d'une ligne de charge spéciale en comptabilité dès lors qu'elles ont été inscrites au compte 646010, il ressort des écritures comptables produites en première instance que celles-ci ne font toutefois pas explicitement apparaître leur caractère d'avantage en nature. Par ailleurs, la société Boulangerie Saint-Antoine n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement implicite des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du bénéfice de la réponse ministérielle n° 11451 faite à M. A..., député, le 12 juin 1954, dès lors qu'en tout état de cause, cette réponse ministérielle ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt. Dans ces conditions, alors même que la société requérante produit pour la première fois en appel le procès-verbal d'une assemblée générale des associés actant, le 27 juillet 2017 seulement, la prise en charge des cotisations sociales obligatoires en lien avec l'activité de son gérant en 2013, 2014 et 2015, c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé la déduction de ces charges des bases imposables de la société Boulangerie Saint-Antoine à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.
17. En dernier lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) soit en cours, soit en fin d'exploitation / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés / (...) / 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit / (...) ".
18. D'une part, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, après avoir constaté que le compte courant de l'associé minoritaire ouvert dans les écritures de la société Boulangerie Saint-Antoine présentait un solde créditeur de 153 698 euros au 31 décembre 2013, a réintégré le montant de ce solde dans les résultats imposables de la société au titre de l'exercice clos en 2013, faute pour la société d'en justifier l'origine.
19. La société Boulangerie Saint-Antoine soutient tout d'abord que la somme de 81 381,80 euros inscrite, le 1er janvier 2013, au crédit du compte courant de l'associé minoritaire ne peut être réintégrée aux résultats imposables de l'exercice clos en 2013, premier exercice non prescrit, au motif que cette somme constitue un report à nouveau de l'exercice précédent prescrit. Toutefois, les dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts ne font pas obstacle à ce que l'administration fiscale exige du contribuable de justifier le montant de l'à-nouveau du premier exercice non prescrit, ce que la société requérante ne fait pas plus en appel qu'en première instance, de sorte que la somme de 81 381,80 euros, qui constitue à l'ouverture de son bilan une dette injustifiée de la société Boulangerie Saint-Antoine envers son associé minoritaire, et qui figurait encore au passif du bilan de clôture du même exercice, doit être regardée comme un passif injustifié réduisant l'actif net de son bilan de clôture, dont la remise en cause par le service génère ainsi un profit imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013.
20. La société requérante soutient ensuite que le surplus de 72 316,74 euros figurant, en 2013, au crédit du compte courant de son associé minoritaire correspond au paiement de loyers d'un bail commercial auprès d'une société d'administration de biens pour un montant de 59 591,90 euros, d'honoraires d'avocat pour un montant de 10 764 euros, d'une dette fournisseur en pâtisserie d'un montant de 1 805,96 euros et à l'achat de serviettes de table pour un montant de 154,88 euros. La société Boulangerie Saint-Antoine fait valoir que l'inscription des sommes de 59 591,90 euros, 1 805,96 euros et 154,88 euros au compte courant de son associé minoritaire résulte d'une erreur comptable, la société Boulangerie Pâtisserie du Ranelagh ayant réglé ces sommes. En produisant les relevés bancaires de la société Boulangerie Pâtisserie du Ranelagh, les relevés de compte de la société d'administration de biens et les factures des fournisseurs en pâtisserie et de serviettes de table adressées à la société Boulangerie Saint-Antoine, qui permettent de retracer les flux financiers entre ces sociétés, la société requérante justifie qu'elle était redevable en 2013 d'une dette globale de 61 552,74 euros envers la société Boulangerie Pâtisserie du Ranelagh et qu'ainsi, l'inscription des sommes de 59 591,90 euros, 1 805,96 euros et 154,88 euros au compte courant de son associé minoritaire procède d'une erreur comptable involontaire, la société Boulangerie Pâtisserie du Ranelagh étant par ailleurs titulaire d'un compte courant ouvert dans les écritures de la société Boulangerie Saint-Antoine. En revanche, la société Boulangerie Saint-Antoine ne justifie pas que son associé minoritaire a effectivement et personnellement réglé la somme de 10 764 euros en se bornant à produire, pour la première fois en appel, une note d'honoraires d'avocat de même montant adressée à la société requérante.
21. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, après avoir constaté que le compte courant du gérant, associé majoritaire, ouvert dans les écritures de la société Boulangerie Saint-Antoine présentait un solde créditeur de 79 170 euros au 31 décembre 2013 et qu'une somme de 15 500 euros avait été portée au crédit de ce compte en 2014, a réintégré ces montants, chacun en ce qui le concerne, dans les résultats imposables de la société au titre des exercices clos, respectivement, en 2013 et 2014, faute pour la société d'en justifier l'origine.
22. La société Boulangerie Saint-Antoine soutient tout d'abord que la somme de 44 594,86 euros inscrite, le 1er janvier 2013, au crédit du compte courant du gérant, associé majoritaire, ne peut être réintégrée aux résultats imposables de l'exercice clos en 2013, premier exercice non prescrit, au motif que cette somme constitue un report à nouveau de l'exercice précédent prescrit. Toutefois, ainsi qu'il a été déjà dit au point 19, l'administration fiscale était en droit de demander à la société requérante de justifier le montant de l'à-nouveau du premier exercice non prescrit, ce qu'elle ne fait pas plus en appel qu'en première instance, de sorte que la somme de 44 594,86 euros, qui constitue au bilan d'ouverture une dette injustifiée de la société Boulangerie Saint-Antoine envers son gérant, associé majoritaire, maintenue au bilan de clôture, doit être regardée comme un passif injustifié réduisant l'actif net de son bilan de clôture dont la remise en cause par le service génère ainsi un profit imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013.
23. La société requérante soutient ensuite que le surplus de 34 575,77 euros figurant, en 2013, au crédit du compte courant de son gérant, associé majoritaire, correspond à un apport de 20 000 euros, au paiement de sa rémunération en tant que gérant pour un montant de 30 000 euros et au versement d'une somme de 2 631,20 euros à une société d'administration de biens. La société Boulangerie Saint-Antoine fait valoir que l'inscription de la somme de 20 000 euros au compte courant de son associé majoritaire résulte d'une erreur comptable, l'associé minoritaire ayant en réalité apporté cette somme. En produisant un relevé du compte bancaire personnel de l'associé minoritaire, qui permet d'identifier un flux financier de 20 000 euros depuis ce compte vers le compte bancaire de la société, la société requérante justifie de la réalité de cet apport de 20 000 euros et qu'ainsi, l'inscription de cette somme au compte courant de l'associé majoritaire procède d'une erreur comptable involontaire, l'associé minoritaire étant par ailleurs titulaire d'un compte courant ouvert dans les écritures de la société Boulangerie Saint-Antoine. En revanche, si la société Boulangerie Saint-Antoine produit, pour la première fois en appel, une délibération de l'assemblée générale des associés par laquelle il est décidé d'attribuer à l'associé majoritaire " une rémunération nette mensuelle de 2 500 euros au titre de (...) ses fonctions de gérant pour les exercices 2013, 2014 et 2015 ", cette délibération, qui a été adoptée le 27 juillet 2017 seulement, est dépourvue de valeur probante s'agissant d'établir l'existence d'une dette de 30 000 euros envers le gérant qui serait née au cours de l'année 2013. Par ailleurs, la société requérante n'établit pas que son associé majoritaire se serait effectivement acquitté d'une somme de 2 631,20 euros à son bénéfice.
24. La société Boulangerie Saint-Antoine soutient enfin que la somme de 15 500 euros figurant, en 2014, au crédit du compte courant de son gérant, associé majoritaire, correspond au paiement de rémunérations dues à celui-ci en sa qualité de gérant. Toutefois, si la société requérante produit, pour la première fois en appel, une délibération de l'assemblée générale des associés par laquelle il est décidé d'attribuer à l'associé majoritaire " une rémunération nette mensuelle de 2 500 euros au titre de (...) ses fonctions de gérant pour les exercices 2013, 2014 et 2015 ", cette délibération, qui a été adoptée le 27 juillet 2017 seulement, est dépourvue de valeur probante s'agissant d'établir l'existence d'une dette de 15 500 euros envers le gérant qui serait née au cours de l'année 2014.
En ce qui concerne les pénalités :
25. Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts, alors applicable : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat / (...) ".
26. Dès lors que, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 à 5, la procédure d'évaluation d'office des bases d'imposition prévue par les dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales en cas d'opposition à contrôle fiscal, a été irrégulièrement suivie à son encontre en matière d'impôt sur les sociétés, la société Boulangerie Saint-Antoine est fondée à soutenir que, pour ce motif, elle doit être déchargée de la majoration de 100 % prévue au a de l'article 1732 du code général des impôts dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.
27. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, alors applicable : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai / (...) ".
28. Si l'administration fiscale est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en en modifiant le fondement juridique, c'est à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l'administration invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée.
29. Le ministre, qui demande en appel que la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts soit substituée à celle de 100 % prévue au a de l'article 1732 du même code, qui avait été retenue dans la proposition de rectification, établit que cette dernière faisait déjà référence au fait que la société Boulangerie Saint-Antoine n'avait pas souscrit dans le délai légal les déclarations fiscales lui incombant en matière d'impôt sur les sociétés malgré l'envoi d'une mise en demeure en application de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales. Dès lors que la société Boulangerie Saint-Antoine ne conteste pas ces éléments et qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que la substitution de base légale sollicitée par le ministre priverait la société d'une garantie de procédure prévue par la loi, le ministre est fondé à demander, par la voie de la substitution de base légale, que la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts soit substituée à celle de 100 % initialement prononcée sur le fondement des dispositions du a de l'article 1732 du même code.
30. Il résulte de tout ce qui précède que la société Boulangerie Saint-Antoine est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 6 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit à sa demande tendant à ce que sa base d'imposition à l'impôt sur les sociétés soit réduite d'une somme de 81 552,74 euros au titre de l'exercice clos en 2013. Il résulte de ce qui précède qu'il y a également lieu de prononcer la réduction des majorations ayant assorti les suppléments litigieux d'impôt sur les sociétés à raison de la substitution de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts à celle de 100 % prévue au a de l'article 1732 du même code.
Sur l'appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique :
En ce qui concerne le motif de décharge retenu par le Tribunal administratif de Paris :
31. Il résulte de l'instruction que, pour établir à hauteur de 13 156 euros en droits le montant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, l'administration fiscale a, au cours de l'instance devant le tribunal administratif, tout d'abord constaté que, si la société Boulangerie Saint-Antoine avait déclaré une taxe sur la valeur ajoutée collectée de 25 857 euros au titre de cette période, elle ne s'est toutefois acquittée de cette taxe qu'à raison d'une somme de 7 052 euros correspondant aux déclarations CA3 initialement souscrites pour les mois de janvier, février et mars 2015, de sorte qu'elle restait redevable d'une taxe sur la valeur ajoutée collectée de 18 805 euros pour les mois d'avril à décembre 2015 faute d'avoir déposé en leur temps les déclarations CA3 se rapportant à ces mois, que l'administration fiscale y a ensuite ajouté une somme de 4 280 euros correspondant, selon elle, au montant du surplus de taxe sur la valeur ajoutée collectée qu'elle n'a pas acquitté au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et qu'elle a implicitement reporté à tort dans ses déclarations CA3 de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, et qu'enfin, l'administration fiscale y a retranché un crédit de taxe sur la valeur ajoutée que la société Boulangerie Saint-Antoine a mentionné dans sa déclaration CA3 rectificative du mois de décembre 2015 pour un montant de 9 929 euros.
32. Pour prononcer la décharge de ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée, les premiers juges ont considéré, après avoir relevé que, d'une part, le montant de 4 280 euros aurait dû être retranché du montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée dû au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 et que, d'autre part, l'administration fiscale a admis que la société requérante était titulaire d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 11 865 euros au 31 décembre 2014 et qu'elle était tenue de prendre en compte un reliquat de crédit de taxe sur la valeur ajoutée non imputé sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 pour un montant de 7 623 euros, que le montant en litige de 13 156 euros doit être regardé comme intégralement absorbé par les crédits de taxe sur la valeur ajoutée dont la société Boulangerie Saint-Antoine était titulaire.
33. Toutefois, il résulte de l'instruction que le crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 11 865 euros dont la société requérante était titulaire au 31 décembre 2014 n'a pas été diminué, dans la déclaration CA3 du mois de décembre 2014, de la taxe sur la valeur ajoutée collectée restant dû au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 pour un montant de 4 280 euros, et qu'en déclarant un crédit de même montant dans sa déclaration CA3 du mois de janvier 2015, la société doit être regardée comme ayant implicitement mais nécessairement reporté le paiement du montant de 4 280 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015. Si la société Boulangerie Saint-Antoine fait valoir en défense que le montant de taxe restant dû au 31 décembre 2014 n'était pas de 4 280 euros mais de 4 242 euros, et que cette dernière somme a été réintégrée dans sa déclaration CA3 rectificative du mois d'avril 2015, elle n'en justifie pas par les pièces produites en appel comme en première instance. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré le montant de 4 280 euros dans le calcul du rappel de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement aux affirmations des premiers juges, que la société Boulangerie Saint-Antoine aurait été titulaire d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 7 623 euros, en sus du crédit de 9 929 euros admis par l'administration fiscale. Dans ces conditions, et alors que le ministre relève que la société requérante n'aurait pas dû en tout état de cause se trouver en situation de taxe sur la valeur ajoutée créditrice au 31 décembre 2015 dès lors que le crédit de 9 929 euros aurait dû être diminué de la somme de 4 280 euros ainsi que d'une somme de 8 000 euros apparaissant dans un report de crédit de taxe sur la valeur ajoutée sur la déclaration CA3 rectificative du mois d'avril 2015, alors qu'il n'est pas sérieusement contesté que le service a rejeté le 29 octobre 2014 la demande de remboursement de ce crédit de 8 000 euros présentée par la société le 24 juillet 2014, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu ce motif pour décharger la société Boulangerie Saint-Antoine du rappel de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.
34. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Boulangerie Saint-Antoine devant le Tribunal administratif de Paris.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par la société Boulangerie Saint-Antoine en première instance :
35. Dès lors que, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 à 5, la procédure d'évaluation d'office des bases d'imposition prévue par les dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales en cas d'opposition à contrôle fiscal, a été irrégulièrement suivie à son encontre en matière de taxe sur la valeur ajoutée, d'une part, et en l'absence d'une demande de substitution de base légale présentée par le ministre en matière de taxe sur la valeur ajoutée, c'est-à-dire dans le cadre de l'instance n° 22PA02778, demande qui n'a pas davantage été formulée en première instance, d'autre part, la société Boulangerie Saint-Antoine est fondée à soutenir que, pour ce motif, elle doit être déchargée, en droits, pénalités, et intérêts de retard, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.
36. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la société Boulangerie Saint-Antoine en première instance, que le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'article 2 du jugement attaqué, les premiers juges ont prononcé la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.
Sur les frais liés au litige :
37. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Boulangerie Saint-Antoine au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du présent litige et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions de la société requérante tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des dépens ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées dès lors que le présent litige n'a donné lieu à aucuns dépens à sa charge.
D E C I D E :
Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés assignée à la société Boulangerie Saint-Antoine au titre de l'exercice clos en 2013 est réduite d'une somme de 81 552,74 euros.
Article 2 : La société Boulangerie Saint-Antoine est déchargée, en droits, pénalités et intérêts de retard, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, à raison de la réduction de la base d'imposition mentionnée à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts est substituée à la majoration de 100 % prévue au a de l'article 1732 du même code dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Boulangerie Saint-Antoine a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.
Article 4 : Le jugement n° 1926455/2-1 du 29 mars 2022 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à la société Boulangerie Saint-Antoine une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête n° 22PA02466 de la société Boulangerie Saint-Antoine et les conclusions de la même société présentées dans l'instance n° 22PA02778 sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 7 : La requête n° 22PA02778 du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Boulangerie Saint-Antoine, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAU
Le président,
B. AUVRAY
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 22PA02466, 22PA02778