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08/11/2024 | FRANCE | N°24PA01517

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 08 novembre 2024, 24PA01517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. F... A... et Mme E... J... épouse A..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur, D..., ainsi que M. B... A..., ont demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser aux époux A... la somme de 381 528,12 euros en leur qualité de représentants légaux de leur fils D..

., à Mme E... A... la somme de 45 000 euros, à M. F... A... la somme de 35 000 eu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... et Mme E... J... épouse A..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur, D..., ainsi que M. B... A..., ont demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser aux époux A... la somme de 381 528,12 euros en leur qualité de représentants légaux de leur fils D..., à Mme E... A... la somme de 45 000 euros, à M. F... A... la somme de 35 000 euros et à M. B... A... la somme de 17 500 euros, en réparation des conséquences dommageables de la vaccination de M. D... A... contre le virus de la grippe A (H1N1) et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale et mettre à la charge de l'ONIAM les frais d'expertise.

Par un jugement n° 2106105 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 mars 2024 et deux mémoires enregistrés le

19 juillet 2024 et le 26 septembre 2024, les consorts A..., représentés par Me Joseph-Oudin, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 janvier 2024 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de condamner l'ONIAM à verser aux époux A... la somme de 456 881,72 euros en leur qualité de représentants légaux de leur fils D..., à Mme E... A... la somme de 45 000 euros, à M. F... A... la somme de 35 000 euros, à M. B... A... la somme de 17 500 euros, en réparation de leurs préjudices, ainsi qu'aux consorts A... la somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral et de réserver l'indemnisation des préjudices permanents non évaluables en l'absence de consolidation de l'état de santé de M. D... A... ;

3°) à titre subsidiaire, avant-dire droit, d'ordonner une expertise médicale dont les frais seront mis à la charge de l'ONIAM ou, à défaut, réservés jusqu'à la fin de l'instance ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- le lien de causalité entre la vaccination de M. D... A... contre la grippe A (H1N1) par le vaccin Panenza le 15 décembre 2009 et la narcolepsie avec cataplexie dont il est atteint et dont les premiers symptômes sont apparus dès l'année 2010 est établi par un faisceau d'indices ;

- M. D... A... est ainsi fondé à demander réparation de son préjudice patrimonial à hauteur de 1 620 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 215 778,72 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne substitutive et 35 290 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne spécialisée et 50 000 euros au titre du préjudice scolaire ;

- il est fondé à demander réparation de son préjudice personnel à hauteur de

68 193 euros au titre de son déficit temporaire personnel, 8 000 euros au titre des souffrances endurées, 8 000 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire, 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 50 000 euros au titre de son préjudice d'anxiété ;

- il est fondé à réserver ses autres demandes de réparation en l'absence de consolidation de son état de santé ;

- Mme E... A..., sa mère, est fondée à demander réparation de son préjudice à hauteur de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, à hauteur de 20 000 euros au titre de son préjudice d'affection et à hauteur de 15 000 euros au titre du bouleversement dans ses conditions d'existence ;

- M. F... A..., son père, est fondé à demander réparation de son préjudice à hauteur de 20 000 euros au titre de son préjudice d'affection et à hauteur de 15 000 euros au titre du bouleversement dans ses conditions d'existence ;

- M. B... A..., son frère, est fondé à demander réparation de son préjudice à hauteur de 10 000 euros au titre de son préjudice d'affection et à hauteur de 7 500 euros au titre du bouleversement dans ses conditions d'existence ;

- les consorts A... sont fondés à demander réparation de leur préjudice moral correspondant au rejet de leur demande d'indemnisation dans le cadre amiable.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 21 juin 2024 et le 26 septembre 2024, l'ONIAM, représenté par Me Birot, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- une nouvelle expertise serait dépourvue d'utilité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 4 novembre 2009 de la ministre de la santé et des sports relatif à la campagne de vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1) 2009 ;

- l'arrêté du 13 janvier 2010 relatif à la campagne de vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1) 2010 ;

- le rapport d'expertise des docteurs Treluyer et Gueguen du 4 mars 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- les observations de Me Lafon et Me Joseph-Oudin, représentant les consorts A...,

- et les observations de Me Renard, représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 décembre 2009, l'enfant D... A..., alors âgé de 2 ans et demi, a été vacciné contre la grippe A (H1N1) avec le vaccin Panenza, dans le cadre de la campagne de vaccination contre le virus H1N1 organisée par l'arrêté du 4 novembre 2009 de la ministre de la santé et des sports. En avril 2016, les médecins ont diagnostiqué chez l'enfant une narcolepsie de type 1 avec cataplexie. Le 23 septembre 2019, les parents de D... A..., en leur nom propre et en celui de leurs deux enfants mineurs, D... et B..., ont adressé à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) une demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 3131-1 du code de la santé. Par une décision du 29 avril 2021, l'ONIAM, après la réalisation d'une expertise amiable, a rejeté leur demande au motif de l'absence d'imputabilité certaine ou très vraisemblable de la cataplexie-narcolepsie dont souffrait M. D... A... à sa vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1). Les consorts A... relèvent appel du jugement du 30 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à les indemniser des préjudices subis du fait de la vaccination de M. D... A....

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. D'une part, aux termes de de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique :

" En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population ". Aux termes de l'article L. 3131-3 de ce code : " Nonobstant les dispositions de l'article L. 1142-1, les professionnels de santé ne peuvent être tenus pour responsables des dommages résultant de la prescription ou de l'administration d'un médicament en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d'utilisation prévues par son autorisation de mise sur le marché ou son autorisation temporaire d'utilisation, ou bien d'un médicament ne faisant l'objet d'aucune de ces autorisations, lorsque leur intervention était rendue nécessaire par l'existence d'une menace sanitaire grave et que la prescription ou l'administration du médicament a été recommandée ou exigée par le ministre chargé de la santé en application des dispositions de l'article

L. 3131-1. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 3131-4 du même code : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l'article L. 1142-22. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 13 janvier 2010 susvisé :

" Toute personne vaccinée contre le virus de la grippe A (H1N1) 2009 par un vaccin appartenant aux stocks constitués par l'Etat bénéficie des dispositions de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique. ".

4. Saisi d'un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d'une vaccination présentant un caractère obligatoire ou effectuée dans le cadre de mesures prescrites en cas de menace d'épidémie, il appartient au juge, pour écarter toute responsabilité de la puissance publique, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l'administration du vaccin et les différents symptômes attribués à l'affection dont souffre l'intéressé est ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant lui, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe. Il lui appartient ensuite, soit, s'il en était ressorti en l'état des connaissances scientifiques en débat devant lui qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter la demande indemnitaire, soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations subies par l'intéressé et les symptômes qu'il avait ressentis que si ceux-ci étaient apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou s'étaient aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressortait pas du dossier qu'ils pouvaient être regardés comme résultant d'une autre cause que ces vaccinations.

5. D'une part, il y a lieu, par adoption des motifs retenus au point 5 du jugement attaqué et non sérieusement contestés par l'ONIAM dont la note d'orientation de 2019 cite les personnes vaccinées par Panenza lors de la campagne 2009-2010 victimes de narcolepsie comme susceptibles d'être indemnisées par l'office, de retenir qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, il ne peut être exclu que le vaccin Panenza puisse être à l'origine de cas de narcolepsie chez les personnes vaccinées contre le virus H1N1 dans le cadre de la campagne contre l'épidémie de grippe en 2009 et 2010.

6. D'autre part, si rapport d'expertise diligentée par l'ONIAM retient une date d'apparition des symptômes de narcolepsie chez M. D... A... en octobre 2010, il se fonde sur les seules déclarations de ses parents et un compte-rendu de consultation d'un pédopsychiatre établi en 2013. Il résulte de l'instruction que des épisodes de somnolence diurne ont été constatés chez M. D... A... au cours de l'année 2014, ainsi qu'il résulte du bulletin scolaire du 1er semestre 2014 de CM1 et du compte-rendu de consultation chez un médecin généraliste du 14 novembre 2014 qui relate une asthénie et des endormissements en classe de 11h à 14h. Pour établir l'apparition plus précoce des symptômes de la maladie, les appelants produisent le livret scolaire des classes de maternelle de D... qui se borne à signaler en deuxième année son caractère " impulsif " et " facilement distrait " avec des difficultés de concentration, un certificat du docteur G... du 4 mai 2015 qui évoque des problèmes d'endormissement " depuis un an ", un courrier du 9 décembre 2015 du docteur H... au docteur I... qui évoque une narcolepsie depuis 18 mois, une attestation sommaire du 4 avril 2024 d'un médecin homéopathe le docteur C... aux termes de laquelle " D... A... présentait une asthénie depuis avril 2010 concomitamment avec des épisodes O.R.L.", ainsi qu'une attestation du 5 avril 2024 de l'assistante maternelle de l'enfant selon laquelle au cours de la dernière année de sa présence à son domicile, soit de septembre 2009 à juillet 2010, l'enfant " très actif, voire agité ", faisait " contrairement aux autres enfants de son âge, une sieste le matin vers 10 heures mais également une longue sieste le midi et enfin quasiment tous les jours, une sieste de 20 à 30 minutes avant que ses parents ne viennent le chercher ", enfin, les témoignages établis les 13 mai 2023 et du 11 mai 2024 par deux animateurs du centre de loisirs où l'enfant se rendait durant ses années de maternelle en 2010 à 2012 selon lesquels l'enfant d'une énergie débordante, pouvait lors des pauses méridiennes, s'endormir durant les repas au centre aéré et que pendant le temps scolaire, alors que les autres enfants de la dernière année de maternelle ne faisaient plus la sieste, il avait été décidé en concertation avec ses parents que D... continuerait à bénéficier d'un temps de repos en milieu de journée. Toutefois, outre que les témoignages produits entre 13 et 14 ans après les faits sont d'une faible valeur probante, ils ne sont corroborés par aucune autre pièce du dossier permettant d'établir un état de fatigue anormal ou des endormissements pouvant alerter sur la santé de l'enfant au cours des années 2010-2011, le traitement homéopathique prescrit en mai 2010 et octobre 2011 invoqué par les appelants ayant été prescrit pour soigner un syndrome grippal et une rectorragie. Par suite, l'apparition des symptômes de la narcolepsie avec cataplexie chez le jeune D... ne peut être regardée comme établie avant l'année 2014.

7. Dans ces conditions, eu égard au délai d'apparition des symptômes de la maladie, admis par la littérature médicale en l'état actuel des connaissances et compris entre 1 et 24 mois après la vaccination, la narcolepsie avec cataplexie dont est atteint M. D... A... ne peut être regardée comme imputable à sa vaccination contre la grippe A (H1N1) par Panenza le 15 décembre 2009.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que les consorts A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demandent les consorts A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête des consorts A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., premier dénommé, et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience publique du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Julliard, présidente,

Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.

La présidente-rapporteure,

M. JULLIARD,

L'assesseure la plus ancienne,

M-I LABETOULLE La présidente-rapporteure,

M. JULLIARD,

L'assesseure la plus ancienne,

M-I LABETOULLE

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA01517 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01517
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : SELARL BIROT - RAVAUT & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;24pa01517 ?
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