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07/11/2024 | FRANCE | N°24PA01070

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 07 novembre 2024, 24PA01070


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société AGB a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2022 par lequel le maire de la commune du Raincy a constaté que cette société avait implanté une zone de livraison et de stockage de matériaux pour les travaux d'un chantier situé 66, avenue Gambetta, sans autorisation de la ville, et a prononcé à son encontre une pénalité de trois fois le tarif journalier des droits de voirie ainsi que la décision de rejet de son recours gra

cieux. La société AGB a également demandé au tribunal d'annuler l'avis de sommes à payer d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AGB a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2022 par lequel le maire de la commune du Raincy a constaté que cette société avait implanté une zone de livraison et de stockage de matériaux pour les travaux d'un chantier situé 66, avenue Gambetta, sans autorisation de la ville, et a prononcé à son encontre une pénalité de trois fois le tarif journalier des droits de voirie ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux. La société AGB a également demandé au tribunal d'annuler l'avis de sommes à payer du 7 décembre 2022, d'un montant de 31 550,40 euros et de la décharger du paiement de cette somme.

Par des jugements n° 2305575 et n° 2301887 du 8 janvier 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les requêtes présentées par la société AGB.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mars et 3 mai 2024, sous le n° 24PA01070, la société AGB, représentée par Me Debray, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 2305575 du 8 janvier 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire du Raincy n° 22.T230 du 3 octobre 2022 ainsi que la décision par laquelle le maire de cette commune a rejeté son recours gracieux et de juger que cet arrêté n'a pas de caractère exécutoire ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Raincy le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le signataire de l'arrêté litigieux ne justifie pas de sa compétence ;

- cet arrêté n'a pas été transmis au représentant de l'Etat dans le département ;

- les droits de voirie n'ont pas été déterminés, en l'absence de grille tarifaire annexée à la délibération du conseil municipal du 13 mai 2019 ;

- les faits qui fondent les droits de voirie et la pénalité en cause ne sont pas établis.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2024, la commune du Raincy, représentée par Me Savignat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

II- Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mars et 3 mai 2024, sous le n° 24PA01071, la société AGB, représentée par Me Debray, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de déclarer recevable sa requête d'appel ;

2°) d'annuler le jugement n° 2301887 du 8 janvier 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;

3°) d'annuler l'avis des sommes à payer émis par le maire du Raincy le 7 décembre 2022 et de la décharger du paiement de la somme de 31 550,40 euros ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Raincy le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le titre exécutoire attaqué n'est pas signé, en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- ce titre est insuffisamment motivé, en méconnaissance de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- ce titre est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté du 3 octobre 2022 qui en constitue le fondement ;

- l'arrêté du 3 octobre 2022 est dépourvu de caractère exécutoire ;

- la créance n'est pas certaine, liquide et exigible.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2024, la commune du Raincy, représentée par Me Savignat, conclut au rejet de la requête, à titre principal, en raison de son irrecevabilité et, à titre subsidiaire, en raison de son caractère mal fondé et, en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est irrecevable car elle se borne à reprendre à l'identique la requête de première instance et qu'en outre, les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public,

- les observations de Me Pelardis substituant Me Debray, pour la société AGB,

- et les observations de Me Savignat, pour la commune du Raincy.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire du Raincy a, par arrêté n° 22.T104 du 13 mai 2022, accordé à la société AGB, entreprise générale de bâtiment, une autorisation d'occupation du domaine public, du 6 mai au 31 août 2022, pour l'installation d'une palissade de chantier, d'une zone de stockage, de chargement et déchargement de matériel au 66, allée Gambetta, dans le cadre de travaux de réhabilitation d'un ensemble immobilier. A la suite du constat, par un agent de police municipal, le 28 septembre 2022, de l'implantation, par la société AGB, d'une zone de livraison et de stockage de matériaux au 66, allée Gambetta sans autorisation, le maire du Raincy, par un arrêté n° 22.T230 du 3 octobre 2022, prononcé à son encontre une pénalité de trois fois le tarif journalier des droits de voirie et a émis un titre de recettes, en date du 7 décembre 2022, d'un montant de 31 550,40 euros. Le recours gracieux tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2022, présenté par la société AGB le 27 janvier 2023, ayant été implicitement rejeté, la société requérante a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, l'annulation de cet arrêté et de la décision de rejet de son recours gracieux ainsi que, d'autre part, l'annulation du titre de recettes et la décharge de la somme de 31 550,40 euros. La société AGB relève appel des jugements n° 2305575 et n° 2301887 du 8 janvier 2024 par lesquels le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses requêtes.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n°s 24PA01070 et 24PA01071, présentées par la société AGB, sont dirigées contre deux jugements du 8 janvier 2024 par lesquels le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les requêtes de cette société tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du maire du Raincy n° 22.T230 du 3 octobre 2022 ainsi que la décision par laquelle le maire de cette commune a rejeté son recours gracieux et, d'autre part, à l'annulation de l'avis des sommes à payer émis par le maire du Raincy le 7 décembre 2022 et à ce que soit prononcée la décharge du paiement de la somme de 31 550,40 euros. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2022 et de la décision de rejet du recours gracieux née le 30 mars 2023 :

En ce qui concerne la compétence du signataire de l'arrêté du 3 octobre 2022 :

3. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 2° De fixer, dans les limites déterminées par le conseil municipal, les tarifs des droits de voirie, de stationnement, de dépôt temporaire sur les voies et autres lieux publics et, d'une manière générale, des droits prévus au profit de la commune qui n'ont pas un caractère fiscal, ces droits et tarifs pouvant, le cas échéant, faire l'objet de modulations résultant de l'utilisation de procédures dématérialisées ; (...) ".

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le signataire de l'arrêté litigieux est le maire du Raincy, M. B... A..., qui a reçu délégation du conseil municipal, par délibération n° 2020-07-014 du 15 juillet 2020, notamment pour " fixer, dans les limites déterminées par le Conseil Municipal, les tarifs des droits de voirie, de stationnement, de dépôt temporaire sur les voies et autres lieux publics et, d'une manière générale, des droits prévus au profit de la commune qui n'ont pas un caractère fiscal ". La circonstance que cette délibération n'est pas visée par l'arrêté en litige est sans influence sur la compétence du maire pour prendre cet arrêté.

5. D'autre part, si la société requérante soutient que la délibération n° 2019-05-039 du 13 mai 2019 du conseil municipal fixant les droits de voirie ne comporte pas en annexe le tableau mentionnant les tarifs, qui est non signé, non cacheté et ne se réfère pas à cette délibération, il ressort des pièces du dossier que cette délibération mentionne que le conseil municipal " décide de procéder à la revalorisation des tarifs de certaines prestations communales, telles que présentées dans les tableaux annexes ". En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le tableau des tarifs des droits de voirie applicables au 1er septembre 2019 n'aurait pas été annexé à cette délibération.

6. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux sera écarté.

En ce qui concerne la transmission à l'autorité préfectorale de l'arrêté litigieux :

7. La société AGB reprend en appel le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait dépourvu de force exécutoire dès lors qu'il n'a pas été transmis au représentant de l'Etat dans le département. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 4 de leur jugement n° 2305575.

En ce qui concerne la détermination des droits de voirie :

8. Si la société AGB fait valoir que les droits de voirie ne sont pas déterminés, en l'absence de preuve que le tableau fixant les tarifs de ces droits est bien annexé à la délibération du 13 mai 2019, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la matérialité des faits :

9. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il est fondé sur le rapport d'un agent assermenté constatant l'implantation d'une zone de livraison et de stockage au 66, allée Gambetta le 28 septembre 2022. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le rapport de constatation ne comporte que deux photographies sur lesquelles ne figure pas le nom de la société AGB et ne rapporte qu'une conversation avec le chef de chantier de cette société indiquant que ce dernier va " faire le nécessaire " pour " se mettre en conformité ". D'autre part, il ressort du constat d'huissier établi à la demande de la société requérante le 29 septembre 2022 et des échanges de courriels entre cette société et la mairie du Raincy qu'une autre société, la société Artelia, intervenait également sur ce chantier, concomitamment à la société AGB. Enfin, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que la pénalité en cause est prononcée pour la période du 1er au 28 septembre 2022 alors que l'occupation litigieuse n'a été constatée que le 28 septembre 2022. En conséquence, compte tenu de l'imprécision du rapport du 28 septembre 2022, de la circonstance qu'une autre entreprise intervenait sur le même chantier et de l'application de la pénalité pour la période du 1er au 28 septembre 2022 alors que l'occupation n'a été constatée que le 28 septembre 2022, la société AGB est fondée à soutenir que l'arrêté en litige a été pris sur la base de faits matériellement inexacts et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions à fins d'annulation de cet arrêté et de la décision de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions à fins d'annulation du titre de recettes du 7 décembre 2022 :

En ce qui concerne la recevabilité de la requête :

10. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

11. La requête d'appel présentée par la société AGB ne constitue pas la seule reproduction intégrale et littérale de son mémoire de première instance et énonce de manière précise les moyens justifiant l'annulation de la décision attaquée et la décharge de la somme réclamée. Une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de la justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la commune du Raincy doit être écartée.

En ce qui concerne la régularité du titre exécutoire :

12. La société AGB reprend en appel les moyens tirés de ce que l'avis des sommes à payer attaqué ne préciserait pas les nom, prénom et qualité de son auteur et de ce que cet avis ne mentionnerait pas les bases de liquidation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 14 et 15 de leur jugement n° 2301887.

En ce qui concerne le caractère exécutoire de l'arrêté du 3 octobre 2022 :

13. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 3 octobre 2022 n'a pas été transmis au représentant de l'Etat dans le département. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que l'avis des sommes à payer contesté est entaché d'illégalité, dès lors que cet arrêté qui en constitue le fondement est dépourvu de caractère exécutoire.

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté du 3 octobre 2022 et sur le caractère certain, liquide et exigible de la créance :

14. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 du présent arrêt que les moyens tirés de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 3 octobre 2022 et de l'absence de caractère certain, liquide et exigible de la créance doivent être accueillis.

15. Par suite, la société AGB est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions à fins d'annulation du titre de recettes du 7 décembre 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction de décharge de la somme réclamée :

16. L'exécution du présent arrêt implique, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, que la société AGB soit déchargée de l'obligation de payer la somme de 31 550,40 euros, réclamée par la commune du Raincy par le titre de recettes émis le 7 décembre 2022.

Sur les frais de l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société AGB, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune du Raincy à ce titre.

18. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Raincy le versement à la société AGB de la somme totale de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Montreuil n° 2305575 et n° 2301887 du 8 janvier 2024 sont annulés.

Article 2 : L'arrêté n° 22.T230 du 3 octobre 2022 et le titre exécutoire du 7 décembre 2022 sont annulés.

Article 3 : La société AGB est déchargée de l'obligation de payer la somme de 31 550,40 euros.

Article 4 : La commune du Raincy versera à la société AGB une somme totale de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions à fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la commune du Raincy sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société AGB et à la commune du Raincy.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.

La rapporteure, Le président,

I. C... I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de Seine-Saint-Denis, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 24PA01070, 24PA01071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01070
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : SCP GABORIT-RUCKER-SAVIGNAT-VALENT & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;24pa01070 ?
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