Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et l'a interdit de retour pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2301100 du 21 juin 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2023, M. B... C..., représenté par Me Cote Zerbib, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 juin 2023 ;
2°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à Me Cote Zerbib en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire et l'interdiction de retour ne sont pas motivés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2024, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu la décision du 23 octobre 2023 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 17 mars 1999 à Kinshasa, a été interpellé le 30 janvier 2023 et placé le jour même en garde à vue pour des faits d'offre et cession de produits stupéfiants. Par arrêté du 1er février 2023, le préfet de Seine-et-Marne a obligé l'intéressé à quitter le territoire français sans délai en application des 1° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé une interdiction de retour pour une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement du 21 juin 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. C... fait valoir qu'il est entré en France en 2014 et qu'il y réside de manière habituelle depuis. Il produit notamment des certificats de scolarité pour les années 2014-2015 et 2015-2016 et justifie qu'il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile à sa majorité et que cette demande a été rejetée. Il ressort en outre des pièces du dossier que sa sœur, née à Kinshasa en 2002, est titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle et que ses frères nés en France en 2008 sont de nationalité française. Il ressort toutefois du jugement correctionnel du tribunal judiciaire de Fontainebleau du 2 février 2023 que M. C... a été reconnu coupable des faits d'offre et cession de produits stupéfiants commis le 20 octobre 2022 et a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement. Il en ressort également que ces faits ont été commis en état de récidive, qu'il avait déjà été condamné à trois reprises dont deux fois pour des faits similaires, entrainant la révocation, à hauteur de trois mois d'un sursis précédemment prononcé. Par ailleurs, si le requérant fait valoir qu'il est dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, son père étant décédé en 2005 et sa grand-mère étant entrée en France avec lui en 2014, il ne l'établit pas en se bornant à produire l'acte de décès de son père. Enfin, M. C... ne justifie, à la date de la décision en litige, d'aucune insertion sociale ou professionnelle en France. Dans ces conditions, compte tenu de l'existence d'une menace pour l'ordre public caractérisée par le caractère récent et répétitif des faits ayant conduit à sa condamnation, la décision contestée ne porte pas au droit du requérant de mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée par rapport au but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :
4. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...). ". L'article L. 612-2 de ce code dispose que " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Selon l'article L. 612-3 du même code " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ". Enfin, l'article L. 613-2 du même code dispose " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".
5. En premier lieu, il ressort de l'arrêté du 1er février 2023 en litige qu'il vise notamment l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relève qu'un délai de départ volontaire peut être refusé lorsque le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public et mentionne que M. C... a été interpellé pour des faits d'offre et de cession de stupéfiants, ces faits étant constitutifs d'un comportement représentant une telle menace. Cet arrêté relève en outre que l'intéressé s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement le 14 octobre 2021 et qu'il ne l'a pas exécuté. Dans ces conditions, la décision refusant à M. C... un délai de départ volontaire est suffisamment motivée.
6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 14 octobre 2021 et n'a pas déféré à cette mesure et qu'il représente, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 4, une menace pour l'ordre public. Par suite, le préfet de Seine-et-Marne a pu légalement lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ". Enfin, selon l'article L. 613-2 de ce même code : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".
8. Il résulte des dispositions précitées que l'autorité compétente doit, en cas de refus de délai de départ volontaire, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf circonstances humanitaires. La motivation de la durée de l'interdiction doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi. Il incombe ainsi à l'autorité compétente de faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe, la durée de sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
9. Il ressort de l'arrêté contesté que le préfet de Seine-et-Marne a visé les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a relevé que M. C... ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire et mentionne avoir pris en compte les quatre critères énoncés à l'article L. 612-10 précité, étant rappelé qu'il a, précédemment, exposé la durée et les conditions de séjour en France du requérant, sa situation familiale et l'interpellation dont il avait fait l'objet. Par suite, la décision interdisant à M. C... de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans est suffisamment motivée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées par son avocat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.
Le président-rapporteur,
I. A...L'assesseur le plus ancien,
S. DIÉMERT
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03171