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06/11/2024 | FRANCE | N°22PA03895

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 06 novembre 2024, 22PA03895


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La Polynésie française a saisi le tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant, à titre principal, à la condamnation de la société Electricité de Tahiti (EDT) à inscrire en droit du concédant au bilan de la concession de Tahiti-nord la somme de 1 475 423 632 F CFP correspondant aux reprises des provisions pour renouvellement et des amortissements techniques pour les années 2014 à 2016, à compléter des sommes résultant des éléments comptables s

ollicités pour la période 1999-2016.



Par un jugement n° 2000682 du 24 mai 2022, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Polynésie française a saisi le tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant, à titre principal, à la condamnation de la société Electricité de Tahiti (EDT) à inscrire en droit du concédant au bilan de la concession de Tahiti-nord la somme de 1 475 423 632 F CFP correspondant aux reprises des provisions pour renouvellement et des amortissements techniques pour les années 2014 à 2016, à compléter des sommes résultant des éléments comptables sollicités pour la période 1999-2016.

Par un jugement n° 2000682 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 août 2022, et un mémoire en réplique, enregistré le 19juillet 2023, la Polynésie française, représentée par Me Pachen-Lefevre, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 mai 2022 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'enjoindre à la société EDT de communiquer à la Polynésie française les éléments comptables demandés dans son courrier du 19 février 2020, soit l'ensemble des documents comptables, année par année, sur la période 1999-2016, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à défaut, sous astreinte de 1.000.000 F CFP par jour de retard et par ensemble de document comptable à remettre ;

3°) d'enjoindre à la société EDT d'inscrire en droits du concédant du bilan de la concession de Tahiti-Nord la somme de 1.475 423 632 F CFP correspondant aux reprises des provisions pour renouvellement et des amortissements techniques sur les années 2014 à 2016, somme qui sera à compléter des sommes qui résulteront des éléments comptables sollicités pour la période 1999-2016 ;

4°) d'enjoindre à la société EDT de justifier de ces réinscriptions par la remise de comptes du délégataire corrigés, sous un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ainsi que par la remise de comptes sociaux régularisés, dans un délai d'un an suivant la notification de l'arrêt et, à défaut, sous astreinte de 1.000.000 F CFP par jour de retard et par acte à régulariser ;

5°) de mettre à la charge de la société EDT une somme de 300 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, car le tribunal s'est mépris sur le sens de ses conclusions, d'autre part, pour erreur de droit ;

- le jugement attaqué est mal fondé car c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'en l'état du droit applicable, elle ne pouvait se prévaloir d'un droit à disposer unilatéralement des provisions pour renouvellement avant le terme du contrat de concession en litige.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 février 2023 et 19 janvier 2024, la société Electricité de Tahiti, représentée par Me Brice, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la Polynésie française sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la loi du pays n° 2018-34 du 30 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès ;

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique ;

- les observations de Me Ouzar pour la Polynésie française ;

- et les observations de Me Brice pour la société Electricité de Tahiti.

Considérant ce qui suit :

1. La société électricité de Tahiti (EDT) a en charge la gestion du réseau public de distribution d'électricité sur la partie Nord de l'île de Tahiti dans le cadre du contrat de concession signé le 27 septembre 1960 avec la Polynésie française. Ce contrat a pour objet la production et la distribution publique d'énergie électrique pour tous usages, pour une durée initiale de 40 ans qui a été renouvelée jusqu'en 2030. De nombreux avenants ont été négociés et conclus entre les parties afin d'adapter ce contrat aux évolutions du secteur électrique à Tahiti. Par un courrier du 19 février 2020, la Polynésie française a mis en demeure la société EDT de produire les documents comptables relatifs au traitement des amortissements techniques et provisions pour renouvellement (" charges calculées ") au titre des exercices 2016 et antérieurs, exigeant la communication de documents depuis l'exercice comptable de 1999. Ce courrier faisait état de " pratiques irrégulières " identifiées par la Polynésie française sur les reprises de charges calculées relatives aux amortissements pour dépréciation et de caducité et en ce qui concerne les provisions pour renouvellement des biens nécessaires au fonctionnement du service public. Le 4 juin 2020, la société EDT a indiqué à la Polynésie française qu'elle ne s'opposait pas à la communication des documents demandés sous réserve notamment que la régularité des pratiques qui lui sont reprochées soit au préalable tranchée par un arbitrage contradictoire auprès de la commission de régulation de l'énergie (CRE) ou par la juridiction administrative. Par un courrier du 5 août 2020, la Polynésie française a pris acte du refus de la société EDT de transmettre les documents et données sollicités et a mis en demeure la société concessionnaire de rétablir au compte " droits du concédant " la somme de 1,475 milliard de francs CFP correspondant aux reprises de provisions pour renouvellement et aux reprises des amortissements techniques opérées sur la période 2009 à 2016. Dans ce même courrier, la Polynésie française précise qu'elle entend que les principes dégagés par le Conseil d'Etat dans son arrêt n° 420097 " Société électricité de Tahiti " du 18 octobre 2018, relatifs aux sommes provisionnées par un concessionnaire de service public en vue du renouvellement des biens nécessaires au fonctionnement d'un service public, soient pleinement appliqués. La Polynésie française a alors saisi le tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande qui a été regardée comme tendant à titre principal à la condamnation de la société Electricité de Tahiti (EDT) à lui affecter la somme de 1 475 423 632 F CFP correspondant aux reprises des provisions pour renouvellement et des amortissements techniques pour les années 2014 à 2016, à compléter des sommes résultant des éléments comptables sollicités pour la période 1999-2016 .Par un jugement du 24 mai 2022, dont la Polynésie française relève appel, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la Polynésie française soutient que le jugement attaqué est irrégulier car le tribunal s'est mépris sur le sens de ses conclusions.

3. S'il n'appartient pas au juge administratif d'intervenir dans la gestion du service public en adressant sous menace de sanctions pécuniaires, des injonctions à ceux qui ont contracté avec l'administration, lorsque celle-ci dispose à l'égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l'exécution du marché, il en va autrement quand l'administration ne peut user de moyens de contrainte à l'encontre de son co-contractant qu'en vertu d'une décision juridictionnelle. En pareille hypothèse le juge du contrat est en droit de prononcer, à l'encontre du co-contractant de l'administration, une condamnation sous astreinte à une obligation de faire.

4. Eu égard au principe rappelé au point précédent, c'est à juste titre que les premiers juges ont regardé la demande de la Polynésie française comme tendant à titre principal à la condamnation de la société EDT à lui affecter à son bilan la somme de 1 475 423 632 F CFP correspondant aux reprises des provisions pour renouvellement et des amortissements techniques pour les années 2014 à 2016, à compléter des sommes résultant des éléments comptables sollicités pour la période 1999-2016. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier pour erreur dans le sens des conclusions.

5. En second lieu, si la Polynésie française soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit, ce grief, à le supposer établi, et alors d'ailleurs qu'il relève du contrôle du juge de cassation et non de celui du juge d'appel, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur le cadre juridique :

6. Aux termes de l'article LP 1 de la loi du pays du 30 octobre 2018 relative aux provisions pour renouvellement des immobilisations dans les délégations de service public : " Les provisions pour renouvellement des immobilisations prévues au Plan Comptable Général (PCG) applicable en Polynésie française sont l'une des conséquences au plan comptable et financier de l'obligation de renouvellement des biens nécessaires au service public qui pèse sur les délégataires de service public. / Les provisions pour renouvellement ont pour objet de couvrir le différentiel de coût, s'il est positif, entre le bien qui sera renouvelé et la part du bien initial financée par le délégataire. / Elles couvrent uniquement le différentiel de coût, entre deux périodes, pour des biens identiques. / Les provisions pour renouvellement n'ont pas pour objet de couvrir le coût total du bien à renouveler en valeur de renouvellement. Dans le cas où le renouvellement ne porte pas sur un bien strictement identique, il y a lieu d'apprécier la part d'améliorant. Cette part d'améliorant n'est pas couverte par la provision de renouvellement. / (...). / Les provisions pour renouvellement constituent une dette du délégataire vis-à-vis de l'autorité délégante. / Les provisions pour renouvellement ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de produire un revenu distribuable pour le délégataire de service public. / À l'échéance du contrat de délégation de service public, le solde des provisions pour renouvellement non utilisé est restitué à l'autorité délégante qui en dispose dans l'intérêt des usagers du service public ". Aux termes de l'article LP 2 de cette loi du pays : " Les dotations aux provisions pour renouvellement sont réalisées bien par bien. / L'inscription des dotations aux provisions pour renouvellement n'est envisageable que dans le cadre d'un programme de renouvellement préalablement validé par l'autorité délégante (...) ". Aux termes de l'article LP 3 de la loi précitée : " Les provisions pour renouvellement sont utilisées conformément à leur destination mentionnée à l'article LP 1 et dans le cadre des programmes de renouvellement mentionnés à l'article LP 2. / La provision pour renouvellement utilisée constitue un financement de l'autorité délégante et est maintenue au bilan aux droits du concédant, afin d'éviter un appauvrissement du patrimoine de la délégation ". Aux termes de l'article LP 5 de cette loi : " Lorsqu'une provision pour renouvellement n'a plus d'objet, elle est par défaut conservée au passif du bilan du délégataire aux droits du concédant et elle est reversée en fin de contrat à l'autorité délégante. / Toute provision pour renouvellement ne satisfaisant pas aux conditions mentionnées au premier alinéa de l'article LP 3 est réputée sans objet. Il en va de même des sur-dotations de provisions pour renouvellement. / Les produits nets liés au placement de la trésorerie correspondant à ces provisions sans objet sont intégralement reversés aux droits du concédant. / A tout moment, l'autorité délégante peut renoncer à tout ou partie de sa créance. Dans ce cas l'extinction du passif est possible par une baisse équivalente des produits acquis au délégataire ". Enfin, l'article LP 6 de ladite loi du pays dispose que " (...) Les dispositions de la présente loi du pays s'appliquent aux contrats en cours à compter des exercices comptables clos en 2018. / Lesdits contrats sont mis en conformité avec les dispositions de la présente loi du pays dans un délai maximum de six (6) mois à compter de son entrée en vigueur. A cet effet, les délégataires de service public doivent notamment évaluer les provisions pour renouvellement constituées avant cette entrée en vigueur selon les modalités de la présente loi du pays et justifier de leur bien-fondé à l'aune d'un programme de renouvellement qui doit faire l'objet d'une validation par l'autorité délégante ".

7. Dans le cadre d'une concession de service public mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique. Le contrat peut attribuer au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des ouvrages qui, bien que nécessaires au fonctionnement du service public, ne sont pas établis sur la propriété d'une personne publique, ou des droits réels sur ces biens, sous réserve de comporter les garanties propres à assurer la continuité du service public, notamment la faculté pour la personne publique de s'opposer à la cession, en cours de concession, de ces ouvrages ou des droits détenus par la personne privée.

8. A l'expiration de la convention, les biens qui sont entrés, en application de ces principes, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l'exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu'elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public. Le contrat qui accorde au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des biens nécessaires au service public autres que les ouvrages établis sur la propriété d'une personne publique, ou certains droits réels sur ces biens, ne peut, sous les mêmes réserves, faire obstacle au retour gratuit de ces biens à la personne publique en fin de concession.

9. Les sommes requises pour l'exécution des travaux de renouvellement des biens appartenant à la personne publique nécessaires au fonctionnement du service public qui ont seulement donné lieu à des provisions font, à la date d'expiration du contrat de concession, comme ces biens, retour à la personne publique. Il en va de même des sommes qui auraient fait l'objet de provisions en vue de l'exécution des travaux de renouvellement pour des montants excédant ce que ceux-ci exigeaient, l'équilibre économique du contrat ne justifiant pas leur conservation par le concessionnaire.

10. Le concessionnaire a l'obligation de renouveler chacun des biens nécessaires à la continuité et au fonctionnement du service public, ce qui le contraint d'évaluer précisément le montant des provisions nécessaires pour assurer le renouvellement de chacun des biens concernés.

11. En l'espèce, l'article 7 du cahier des charges, annexé au contrat de concession de distribution publique d'énergie électrique litigieux, stipule que : " Le concessionnaire est tenu d'établir, d'exploiter, d'entretenir et de renouveler à ses frais les ouvrages faisant partie de la concession, de manière qu'ils soient maintenus en bon état de service ". Aux termes de l'article 11.1 de ce cahier des charges : " La rémunération du concessionnaire pour le service public rendu, est conventionnellement encadrée et dénommée " revenu autorisé ". La méthode de calcul du montant annuel de ce " revenu autorisé ", ainsi que la valeur de ses paramètres de départ, ont été définies suite à la mission d'un cabinet d'audit indépendant pour définir une comptabilité analytique : la comptabilité appropriée. Cet examen détaillé des comptes de la concession permet un contrôle, une analyse et une évaluation par métiers et par activités des coûts supportés par le concessionnaire. (...) ". L'article 21 dudit cahier des charges précise que " La durée de la présente concession est prorogée de 10 années. Elle prend fin le 30 septembre 2030. (...) ". Aux termes de l'article 22.1 du cahier des charges, annexé au contrat de concession précité : " A l'expiration de la concession, l'autorité concédante sera subrogée aux droits du concessionnaire et prendra possession de tous ouvrages de production faisant partie intégrante de la concession qui lui seront remis gratuitement. Une indemnité sera versée au concessionnaire pour la valeur non amortie des ouvrages établis par ce dernier pendant les dix dernières années de la concession, pour autant que le concessionnaire ait contribué au financement de ces ouvrages, et dans la proportion de sa participation à leur premier établissement. Il faut entendre par ouvrages établis les biens de premier établissement et la part améliorante le cas échéant des biens de renouvellement. Cette indemnité sera égale au montant des dépenses justifiées par le concessionnaire, sauf déduction pour chaque ouvrage de 1/10ème de cette valeur pour chaque année entière légale écoulée depuis son achèvement. L'amortissement correspondant, dit amortissement de caducité sera, chaque année, égal à 1/N de la valeur des ouvrages, N étant le nombre d'années restant à courir avant la fin de la concession (pour N)10) et égal à 1/10 pour de la valeur des ouvrages pour les dix dernières années de la concession. (...) ". L'article 22.2 du cahier des charges précité stipule que : " A l'expiration de la concession, l'autorité concédante sera subrogée aux droits du concessionnaire et prendra possession de tous ouvrages de distribution faisant partie intégrante de la concession qui lui seront remis en contrepartie du versement d'une indemnité correspondant à la valeur non amortie des ouvrages de distribution pour autant que le concessionnaire ait contribué au financement de ces ouvrages et dans la proportion de sa participation à leur financement. La valeur non amortie des ouvrages justifiant du montant de l'indemnité de fin de concession sera égale au montant des dépenses immobilisées et justifiées par le concessionnaire après déduction d'un amortissement calculé de façon linéaire sur la durée de vie contractuelle du bien auquel il se rapporte (...). Cet " amortissement ", que le concessionnaire sera autorisé à comptabiliser pour constater de la dépréciation économique d'un ouvrage, correspond à la somme des amortissements techniques et/ou provision pour renouvellement et/ou amortissement de caducité, relatifs au bien considéré. Les provisions pour amortissement de caducité relatives au réseau de distribution étaient la conséquence de la remise gratuite de ces biens en fin de concession, la modification du contrat ne remet pas en cause les provisions antérieurement comptabilisées. Afin de permettre une réduction durable des charges calculées de la concession, il est demandé au concessionnaire : - de réaffecter les provisions pour renouvellement utilisées et amortissements de caducité bien par bien. - de déduire la base de calcul de l'amortissement technique de chaque bien, des montants de caducité et de provision pour renouvellement utilisée y affecté. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 24 du même cahier des charges : " En cas de rachat, ou à l'expiration de la concession, le concessionnaire sera tenu de remettre, en bon état d'entretien, et après règlement de l'indemnité due au concessionnaire en application des articles 22 et 23, toutes les installations reprises ou faisant retour au concédant. ".

12. L'article 22. 2 du cahier des charges précité, tel qu'il a été modifié par l'avenant n° 17 du 29 décembre 2015 à la convention de concession de distribution publique d'énergie électrique du 27 septembre 1960, renvoie à une " annexe 5 " qui fixe les " durées de vie contractuelles " s'agissant des " immobilisations distributions " (postes cabine, postes aérien, poste source, organes de coupure réseau aérien, télécommande, réseaux, branchement et comptage). Ainsi que le précise l'article 3 de l'avenant n° 18B du 20 juillet 2020 à ladite convention de concession : " L'avenant 17 au contrat de concession de distribution de Tahiti Nord a entraîné la fin de la remise gratuite des biens au concédant pour les biens de distribution. Les parties conviennent que cette modification a entraîné la fin de l'obligation de doter des provisions pour renouvellement pour ces biens. En conséquence, les provisions pour renouvellement du réseau de distribution de Tahiti Nord existantes dans les comptes à la date du 1er janvier 2017 sont considérées comme sans objet. Elles sont comptabilisées en droit du concédant à compter de cette date pour un montant établi à 4 587 902 058 F CFP (...). Le concessionnaire s'engage à modifier ses comptes délégataires à compter de l'exercice 2017 selon les modalités décrites à l'annexe 2 et à en justifier auprès du concédant au plus tard le 31 octobre 2020. ".

13. L'avenant n° 18 du 11 février 2019 à la convention de concession précitée précise dans ses développements liminaires que " EDT a procédé, dans le cadre des différentes concessions de distribution d'électricité dont il est titulaire, à des opérations comptables de reprises de provisions pour renouvellement aux comptes de résultat 2016 et 2017 selon des modalités que la Polynésie française souhaite examiner plus avant au regard notamment de l'application de la loi de Pays n° 2018-34 du 30 octobre 2018 relative aux provisions pour renouvellement des immobilisations dans les délégations de service public. Les parties se sont donc rapprochées et sont convenues au titre du présent avenant : (...) de fixer le sort des provisions pour renouvellement et reprises de provisions pour renouvellement de la concession dans un avenant ultérieur (...) ". L'article 2.2 de cet avenant stipule que : " En ce qui concerne les provisions pour renouvellement et les provisions pour risques et charges comptabilisées par le concessionnaire dans ses comptes sociaux 2016 et 2017, le concessionnaire s'engage à ne pas les reprendre jusqu'à la conclusion de l'avenant n° 19 (...) ". L'article 3 de l'avenant précité précise que les parties doivent s'accorder sur plusieurs actions en ce qui concerne les investissements à réaliser au titre de la concession, notamment : " (...) mettre à jour le plan de renouvellement des ouvrages de la concession selon les modalités décrites par la loi du Pays 2018-34 du 30 octobre 2018 et décider en conséquence du sort des provisions pour renouvellement et pour risques et charges telles qu'inscrites dans les comptes du concessionnaire ; (...) ".

Sur la reprise en résultat du concessionnaire des dotations aux provisions pour renouvellement et des dotations aux amortissements techniques :

14. Si, comme indiqué au point 1, la décision du conseil d'Etat n° 420097 du 18 octobre 2018, faisant application des principes rappelés aux points 8 et 9, énonce, d'une part, que les biens qui sont entrés dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l'exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement et, d'autre part, que les sommes requises pour l'exécution des travaux de renouvellement des biens appartenant à la personne publique, nécessaires au fonctionnement du service public et qui ont seulement donné lieu à des provisions font, comme ces biens, retour à la personne publique, cet arrêt ne fait application de ces principes qu'à la date d'expiration du contrat de concession, comme l'a relevé le tribunal. Par ailleurs, comme l'a également relevé le tribunal, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune stipulation contractuelle, y compris l'article 22. 2 du cahier des charges, ne permet à l'autorité concédante, la Polynésie française, en l'état du droit applicable, de se prévaloir d'un droit à disposer, fut -ce par une affectation comptable, des provisions pour renouvellement avant le terme du contrat de concession en litige .

15. Il résulte de tout ce qui précède que la Polynésie française, qui n'établit pas les manquements de la société EDT qu'elle allègue tenant à la méconnaissance de ses obligations contractuelles, à l'atteinte portée aux intérêts des usagers du service public de distribution d'électricité de Tahti-Nord ainsi qu'aux intérêts de l'autorité concédante, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société EDT à l'inscription en droits du concédant du bilan de la concession de Tahiti-Nord pour la somme de 1 475 423 632 F CFP correspondant aux reprises des provisions pour renouvellement et des amortissements techniques pour les années 2014 à 2016, à compléter des sommes résultant des éléments comptables sollicités pour la période 1999-2016. Par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction présentées par la Polynésie française doivent également être rejetées.

Sur les frais du litige :

16. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Electricité de Tahiti, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme au titre des frais exposés par la Polynésie française et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Polynésie française est rejetée.

Article 2 : La Polynésie française versera la somme de 1 500 euros à la société Electricité de Tahiti au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Polynésie française et à la société Electricité de Tahiti.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 novembre 2024.

Le rapporteur,

D. PAGES

La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03895


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03895
Date de la décision : 06/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-06;22pa03895 ?
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