Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2207118 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 et 25 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Semak, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer un certificat de résidence mention
" vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de faire procéder à l'effacement du signalement dont elle fait l'objet dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros TTC à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées, du défaut d'examen de sa situation et de la violation des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les articles L. 612-8, L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La procédure a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 16 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 3 juin 2024.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bruston a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 19 mars 1988, a sollicité, le
22 janvier 2021, la délivrance d'un certificat de résidence au titre de l'admission exceptionnelle au séjour en raison de ses attaches familiales. Elle relève appel du jugement du 17 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient Mme A..., les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement, en particulier leurs réponses aux moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté, de ce qu'il n'aurait pas été précédé d'un examen réel et sérieux de la situation de l'intéressée et de ce que l'interdiction de retour méconnaîtrait les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens de légalité externe tirés de de l'insuffisance de sa motivation des décisions attaquées et du défaut d'examen de sa situation personnelle, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 3 de son jugement, qui, ainsi qu'il a été dit au point précédent, n'appellent pas de précisions en appel.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
5. Mme A... reprend en appel ses moyens de première instance tirés, en ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour, de la violation des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Elle ne développe toutefois au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
6. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, seul applicable à la situation de la requérante dès lors que l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée comportait un délai de départ volontaire : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
7. Pour prononcer, à l'encontre de Mme A..., une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans, le préfet de la Seine-Saint-Denis a retenu notamment que le comportement de l'intéressée constitue une menace pour l'ordre public, dès lors que " l'intéressée est connue au fichier du traitement des antécédents judiciaires pour violence sur une personne vulnérable sans incapacité le 2 février 2015 et violence suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité le 9 août 2016 ". Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges ces faits ne suffisent pas, compte tenu de leur ancienneté et alors que Mme A..., a vécu une situation conjugale conflictuelle avant son divorce en février 2018, à démontrer que le comportement de l'intéressée constituerait une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions et compte tenu de la durée de présence en France de l'intéressée qui réside sur le territoire depuis 2013 et dont les enfants sont nés en France, le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait une inexacte application des dispositions précitées en prononçant à son encore une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 14 octobre 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. L'annulation prononcée implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de la
Seine-Saint-Denis de procéder à l'effacement du signalement dont Mme A... fait l'objet dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. Il devra y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais de l'instance :
10. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Semak, conseil de Mme A..., de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2207118 du 17 janvier 2023 du tribunal administratif de Montreuil, en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A... dirigées contre la décision du 14 octobre 2021 portant interdiction de retour sur le territoire français, et cette dernière décision sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de faire procéder à l'effacement du signalement de Mme A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Semak, conseil de Mme A..., une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme A..., au ministre de l'intérieur et à Me Semak.
Copie en sera délivrée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente,
Mme Bruston, présidente assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.
La rapporteure,
S. BRUSTON
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°23PA02214 2