Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.
Par un jugement n° 2323515 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 février 2024, Mme A..., représentée par Me Collas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer, dans un délai de sept jours, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle souffre d'une pathologie grave ne pouvant faire l'objet d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard aux conséquences d'une gravité exceptionnelle sur sa situation personnelle et familiale ;
- les décisions litigieuses méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'un retour dans son pays d'origine l'expose à des traitements inhumains et dégradants ;
- elles méconnaissent également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par une décision du 26 mars 2024, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig, rapporteure ;
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Collas, pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née en 1983, fait appel du jugement du tribunal administratif de Paris du 9 janvier 2024 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ".
3. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
4. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour sollicité, le préfet de police s'est fondé sur l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lequel relève que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
5. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment d'un compte rendu de consultation du 29 novembre 2023 relatant une situation antérieure à la décision litigieuse, que Mme A... est atteinte d'une infection chronique due au virus de l'immunodéficience humaine et bénéficie à ce titre d'un traitement antirétroviral associant trois molécules différentes, à savoir le tenofovir, l'emtricitabine et le bictegravir, cette dernière molécule n'étant pas disponible en Côte d'Ivoire. Le praticien hospitalier, infectiologue, chargé du suivi de Mme A... depuis l'année 2017, indique que cette molécule " ne peut en aucun cas être substitué par du dolutegravir, de l'elvitegravir ou du raltegravir ". Alors même que les motifs médicaux pour lesquels une telle substitution ne serait pas envisageable ne sont pas explicités par le médecin, le préfet de police ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause la véracité de cette information, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur lequel il fonde exclusivement sa décision étant au demeurant dépourvu de toute motivation. En tout état de cause, les autres inhibiteurs d'intégrase, susceptibles de substituer le bictegravir, ne figurent pas non plus sur la liste des médicaments disponibles en Côte d'Ivoire produite par le préfet de police. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à soutenir que le préfet de police, qui ne conteste pas que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ne pouvait lui refuser la délivrance d'un titre séjour sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police délivre à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Collas, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Collas de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2323515 du 9 janvier 2024 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 6 juillet 2023 refusant à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Collas une somme de 1500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Collas renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au préfet de police de Paris et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Delage, président assesseur,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 28 octobre 2024.
La rapporteure,
W. LELLIGLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00544 2