Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.
Par un jugement n° 2201889 du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 janvier 2024 et le 13 août 2024 Mme B..., représentée par Me Lamine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer le titre de séjour sollicité, ou à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur de droit ;
- le préfet ne rapporte aucun élément susceptible de justifier la fraude qu'il invoque ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un détournement de procédure ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 2-2 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une décision du 28 novembre 2023, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lellig a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne née en 1984, a sollicité le 11 février 2019 le renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 9 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme B... relève appel du jugement du 20 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent, notamment des éléments précis concernant la situation personnelle et familiale de Mme B..., est suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est la mère d'un enfant français né le 16 août 2015, reconnu par son père de nationalité française dès sa naissance. Pour justifier que ce dernier contribue effectivement à l'éducation et à l'entretien de l'enfant, Mme B... produit deux tickets de caisse ne précisant pas l'identité de l'acheteur, l'un provenant de l'enseigne Gemo, daté de juillet 2019 pour un montant de 29,99 euros, et l'autre de l'enseigne Décathlon d'un montant de 127 euros, illisible quant à sa date et son détail. Elle produit également une facture d'inscription au judo pour la saison 2020/2021 d'un montant de 110 euros, réglé par le père de l'enfant, mais ne précisant pas le bénéficiaire de cette inscription, ainsi que deux factures d'achat de divers produits dans une enseigne de grande distribution, dont quelques préparations infantiles, pour un montant de 44,86 euros en date du 21 mars 2017 et de 73,53 euros en date du 25 janvier 2017. Enfin, Mme B... verse au dossier une facture au nom du père de l'enfant, d'un montant de 11,99 euros datée du 29 septembre 2018 pour l'achat d'une paire de gants envoyée à son domicile, ainsi qu'une facture Vertbaudet en date du 26 novembre 2018 d'un montant de 62,47 euros et une facture Adidas d'un montant de 90 euros en date du 29 octobre 2018 pour des vêtements et trois paires de chaussures également envoyés à son domicile et réglées par le père de son enfant. L'ensemble de ces pièces, qui ont un caractère parcellaire, attestent tout au plus de quelques achats effectués en de rares occasions par le père de l'enfant. Mme B... ne verse par ailleurs aucune pièce de nature à justifier de ses allégations selon lesquelles le père de l'enfant lui verserait régulièrement de l'argent en espèces. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que Mme B... ne justifiait pas que le père de son enfant français ait contribué effectivement à son entretien et à son éducation.
5. Par ailleurs, il est constant qu'aucune décision de justice n'a été rendue concernant la contribution à l'éducation et à l'entretien de cet enfant dès lors que les dernières pièces produites en appel attestent seulement d'une décision d'octroi de l'aide juridictionnelle en date du 10 juin 2024 pour une procédure de saisine du juge aux affaires familiales. Dans ces conditions, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité litigieuse, le préfet de la Seine-Saint-Denis était fondé à refuser la délivrance d'un titre de séjour à Mme B... au seul motif de l'absence de contribution effective du père à son entretien et à son éducation.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
7. Mme B... fait valoir qu'elle est entrée sur le territoire français en 2012. Elle a bénéficié, en sa qualité de parent d'enfant français, de titres de séjour valables de février 2016 à février 2019 et de récépissés de demande de titre de séjour jusqu'au 9 mars 2021, date de l'arrêté litigieux. Bien que Mme B... justifie d'un emploi et d'un domicile stable, elle ne dispose sur le territoire français d'aucune attache personnelle ou familiale, hormis son fils âgé de cinq ans à la date de l'arrêté contesté, et ne justifie pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans au moins. Dans ces conditions, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, aucune des circonstances évoquées précédemment n'est de nature à faire regarder l'arrêté contesté comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....
9. En cinquième lieu, Mme B... ne justifiant pas d'un droit au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté litigieux.
10. En sixième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " (...) 2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que l'arrêté litigieux ne fait pas obstacle à la reconstitution de la cellule familiale de Mme B... dans son pays d'origine et que le père français de son jeune enfant ne contribue effectivement ni à son éducation, ni à son entretien. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'intérêt supérieur de son enfant n'aurait pas été suffisamment pris en compte par le préfet de la Seine-Saint-Denis, en méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 précitées, ni en tout état de cause de celles du 2 de l'article 2.
12. En septième lieu, aucun détournement de procédure n'est établi par les pièces du dossier.
13. En huitième et dernier lieu, Mme B... ne fait valoir aucun élément ni aucune circonstance susceptible d'établir qu'elle serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour sans son pays d'origine, en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté de sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Delage, président assesseur,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 28 octobre 2024.
La rapporteure,
W. LELLIGLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00130 2