Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions des 8 septembre 2021 et 19 janvier 2022 par lesquelles le recteur de l'académie de Créteil a affecté sa fille en classe de seconde au lycée Condorcet à Montreuil puis au lycée Charles de Gaulle à Rosny-sous-Bois et les décisions par lesquelles le recteur de l'académie de Créteil a implicitement rejeté sa demande de délivrance d'une attestation de l'affectation de sa fille au lycée Hector Berlioz de Vincennes.
Par un jugement n° 2111869-2112149 du 23 juin 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 juillet et 19 octobre 2023,
Mme D..., représentée par Me Harchoux, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler les décisions du recteur de l'académie de Créteil des 8 septembre 2021 et 19 janvier 2022 ainsi que sa décision par laquelle il a implicitement rejeté sa demande de délivrance d'une attestation de l'affectation de sa fille au lycée Hector Berlioz de Vincennes, formée le 20 octobre 2021.
Elle soutient que :
- sa demande du 20 octobre 2021 n'était pas un recours gracieux, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal ;
- la décision du 8 septembre 2021 méconnaît l'article D. 211-11 du code de l'éducation ;
- elle méconnaît l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle méconnaît les articles L. 1331-22 et L. 1331-24 du code de la santé publique ;
- elle méconnaît l'article 13 du Préambule de la Constitution, l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 3, 19, 27, 28 et 29 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- une mesure d'instruction doit être ordonnée pour connaître le nombre d'élèves effectivement affectés au lycée Hector Berlioz à la date du 8 septembre 2021, sans qu'y fasse obstacle le caractère personnel de certaines données, qui peuvent être occultées en vertu de l'article L. 311-7 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision de refus de lui délivrer une attestation de l'affectation de sa fille au lycée Hector Berlioz de Vincennes méconnaît l'article L. 232-3 du code des relations entre le public et l'administration.
Par un mémoire enregistré le 22 janvier 2024, le recteur de l'académie de Créteil conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2014-1275 du 23 octobre 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a sollicité, le 11 mai 2021, une dérogation à la carte scolaire afin que sa fille puisse être affectée en classe de seconde au sein du lycée Hector Berlioz, situé à Vincennes, en raison de la proximité de ce lycée avec son logement, situé à Montreuil. Le 17 août 2021, elle a demandé la notification de l'affectation de sa fille au lycée Hector Berlioz de Vincennes. Elle a réitéré sa demande le 20 octobre 2021. Ces demandes ont été implicitement rejetées. Par une décision du 8 septembre 2021, le recteur de l'académie de Créteil a affecté la fille de Mme A... C... au lycée Condorcet de Montreuil puis, par une décision du
19 janvier 2022, il l'a affectée au lycée Charles de Gaulle de Rosny-sous-Bois.
Mme D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes d'annulation des décisions des 8 septembre 2021 et 19 janvier 2022 et de la décision implicite de refus de lui délivrer l'attestation sollicitée.
Sur la régularité du jugement :
2. Si Mme D... soutient que le tribunal a regardé à tort sa demande du 20 octobre 2021 comme un recours gracieux, elle ne précise pas en quoi cette erreur, à la supposer avérée, aurait une incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision du 8 septembre 2021 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article D. 211-11 du code de l'éducation : " Les collèges et les lycées accueillent les élèves résidant dans leur zone de desserte. / Le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, détermine pour chaque rentrée scolaire l'effectif maximum d'élèves pouvant être accueillis dans chaque établissement en fonction des installations et des moyens dont il dispose. / Dans la limite des places restant disponibles après l'inscription des élèves résidant dans la zone normale de desserte d'un établissement, des élèves ne résidant pas dans cette zone peuvent y être inscrits sur l'autorisation du directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, dont relève cet établissement. / Lorsque les demandes de dérogation excèdent les possibilités d'accueil, l'ordre de priorité de celles-ci est arrêté par le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, conformément aux procédures d'affectation en vigueur. / Toute dérogation concernant un élève résidant dans un département autre que celui où se trouve l'établissement sollicité ne peut être accordée qu'après avis favorable du directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie du département de résidence. / La demande de dérogation est réputée acceptée si aucune réponse n'a été donnée à l'intéressé à l'expiration du délai de trois mois mentionné en annexe du décret n° 2014-1275 du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l'application du délai de deux mois de naissance des décisions implicites d'acceptation prévu aux articles L. 231-5 et L. 231-6 du code des relations entre le public et l'administration. Le délai court à compter de la date de dépôt de la demande dans le respect d'un calendrier fixé par le recteur d'académie ou le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie ".
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a formé, le
11 mai 2021, une demande de dérogation afin que sa fille soit inscrite en classe de seconde au lycée Hector Berlioz de Vincennes. Dès lors qu'elle conteste avoir été destinataire d'une réponse à cette demande avant l'expiration du délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article D. 211-11 du code de l'éducation, et que la preuve contraire n'est pas rapportée, sa demande, réceptionnée au plus tard le 14 mai 2021, est réputée avoir été acceptée le
14 août 2021. La décision du 8 septembre 2021 du recteur de l'académie de Créteil d'affecter sa fille au lycée Condorcet de Montreuil a toutefois eu pour effet de retirer l'acceptation implicite de sa demande de dérogation.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du
21 décembre 2021, le recteur de l'académie de Créteil a indiqué à Mme D... que 765 demandes d'affectation au lycée Hector Berlioz de Vincennes avaient été enregistrées au titre de l'année 2021-2022 alors que la capacité du lycée, hors classes réservées aux sportifs de haut niveau, était de 385 places, que les 385 élèves affectés résidaient dans l'une des deux communes du secteur de l'établissement et qu'aucune des quatorze demandes de dérogation reçues n'avait pu être satisfaite. Il ressort, en outre, de la fiche d'affectation de la fille de Mme D... du 7 septembre 2021 que le barème du dernier élève affecté était, à cette date, de 8 414,425 alors que le barème de l'intéressée était de 1 497,518 seulement. Ces éléments suffisent à justifier qu'à la date de la décision du 8 septembre 2021, la demande de dérogation formée par
Mme D... ne pouvait être satisfaite. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article D. 211-11 du code de l'éducation doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le lycée Hector Berlioz de Vincennes n'ayant pas la capacité de satisfaire des demandes de dérogation, l'acceptation implicite de la demande de dérogation de Mme D... était illégale. L'administration avait, par ailleurs, jusqu'au 14 décembre 2021 pour retirer cette décision, ce qu'elle a fait le 8 septembre 2021. Dans ces conditions, elle n'a pas méconnu les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration.
8. En troisième lieu, la méconnaissance des articles L. 1331-22 et L. 1331-24 du code de la santé publique ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions contestées.
9. En dernier lieu, la décision contestée n'a ni pour objet, ni pour effet de porter atteinte au droit de la fille de Mme D... à l'instruction ou à son intérêt supérieur, dès lors qu'elle procède à son affectation dans un établissement scolaire dans lequel il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait impossible de suivre des études. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 13 du Préambule de la Constitution, de l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3, 19, 27, 28 et 29 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent en tout état de cause être écartés.
En ce qui concerne la décision du 19 janvier 2022 :
10. En l'absence de tout moyen propre à cette décision, les conclusions de Mme D... tendant à son annulation doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions dirigées contre la décision du 8 septembre 2021, en tant qu'elle a retiré l'acceptation implicite de sa demande de dérogation.
En ce qui concerne le refus de délivrance d'une attestation :
11. Aux termes de l'article L. 232-3 du code des relations entre le public et l'administration : " La décision implicite d'acceptation fait l'objet, à la demande de l'intéressé, d'une attestation délivrée par l'administration ".
12. Si Mme D... a demandé, le 20 octobre 2021, la délivrance d'une attestation de l'affectation de sa fille au lycée Hector Berlioz de Vincennes, il résulte de ce qui a été dit précédemment que sa demande de dérogation avait, à cette date, été rejetée. Dès lors, la délivrance de l'attestation sollicitée ne pouvait que lui être refusée. Par suite, elle n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et à la ministre de l'éducation nationale.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Créteil.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Bruston, présidente,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
S. BRUSTON
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03115