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25/10/2024 | FRANCE | N°23PA01724

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 25 octobre 2024, 23PA01724


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Titan Airways a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions n°21/565 et n°21/567 du 7 décembre 2021 par lesquelles l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) lui a infligé deux amendes administratives d'un montant de 20 000 euros chacune, d'annuler les décisions de publier ces deux amendes sur le site internet de l'autorité et d'ordonner le retrait de la publication de ces deux amendes.



Par un jugeme

nt n° 2202389-2202390 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Titan Airways a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions n°21/565 et n°21/567 du 7 décembre 2021 par lesquelles l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) lui a infligé deux amendes administratives d'un montant de 20 000 euros chacune, d'annuler les décisions de publier ces deux amendes sur le site internet de l'autorité et d'ordonner le retrait de la publication de ces deux amendes.

Par un jugement n° 2202389-2202390 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions de publication des décisions n° 21/565 et n° 21/567 sur le site internet de l'ACNUSA, a enjoint à celle-ci de procéder au retrait de cette publication dans un délai de quinze jours et a rejeté le surplus des demandes de la société Titan Airways.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 avril et 27 novembre 2023,

l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, représentée par la

SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement attaqué ;

2°) de rejeter les conclusions d'appel incident de la société Titan Airways ;

3°) de mettre à la charge de la société Titan Airways une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut de réponse au moyen de défense tiré de ce que les mesures de publication en litige ne faisaient pas grief ;

- les décisions de sanction de la société Titan Airways n'ont pas été publiées, seul un extrait de sa base de données, qu'elle peut rendre publique sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 300-2 et L. 312-1 du code des relations entre le public et l'administration, l'ayant été ;

- cette publication ne fait pas grief ;

- elle est soumise à une obligation d'information du public sur les sanctions infligées en vertu de l'article L. 6361-7 du code des transports et de l'article 18 de son règlement intérieur, qui constituent la base légale de ses décisions de publication, lesquelles ne constituent pas des sanctions ;

- les amendes de 20 000 euros qu'elle a infligées ne sont pas disproportionnées et leur montant tient compte des mesures correctrices mises en place par la société Titan Airways.

Par des mémoires en défense enregistrés les 19 juin et 28 novembre 2023, la société Titan Airways, représentée par Me Le Pen, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de l'ACNUSA ;

2°) de réformer le jugement attaqué en ramenant le montant des deux sanctions qui lui ont été infligées à hauteur de 10 000 euros chacune ;

3°) de mettre à la charge de l'ACNUSA une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la publication des amendes sur le site internet de l'ACNUSA constitue une sanction complémentaire dépourvue de base légale ;

- le montant des amendes est disproportionné.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des transports ;

- l'arrêté du 28 mars 2011 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Toulouse-Blagnac ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sarrazin substituant la SCP Lyon-Caen et Thiriez, représentant l'ACNUSA, et de Me Bou Salman substituant Me Le Pen, représentant la société Titan Airways.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux décisions du 7 décembre 2021, l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) a infligé à la société Titan Airways deux amendes administratives d'un montant de 20 000 euros chacune en raison de la méconnaissance de l'article 1er de l'arrêté du 28 mars 2011 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Toulouse-Blagnac. Ces sanctions ont été publiées sur le site internet de l'autorité. L'ACNUSA relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions de publier ces sanctions sur son site internet et lui a enjoint d'en prononcer le retrait. Par la voie de l'appel incident, la société Titan Airways demande que les deux amendes qui lui ont été infligées soient ramenées à un montant de 10 000 euros chacune.

Sur l'appel principal :

2. Aux termes de l'article L. 6361-7 du code des transports : " Dans le domaine des nuisances sonores, l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires : (...) 2° Etablit un programme de diffusion auprès du public, ou de toute personne qui en fait la demande, des informations sur le bruit résultant du transport aérien et de l'activité aéroportuaire, en particulier (...) des données relatives aux sanctions infligées en vertu des articles L. 6361-9 et

L. 6361-12 à L. 6361-13. Elle veille à la mise en œuvre de ce programme (...) ". En application de l'article L 6361-12 du même code, l'ACNUSA sanctionne l'absence de respect " des mesures prises par l'autorité administrative sur un aérodrome fixant : / a) Des restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types d'aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes, de la classification acoustique, de leur capacité en sièges ou de leur masse maximale certifiée au décollage ; / b) Des restrictions permanentes ou temporaires apportées à l'exercice de certaines activités en raison des nuisances environnementales qu'elles occasionnent ; / c) Des procédures particulières de décollage ou d'atterrissage en vue de limiter les nuisances environnementales engendrées par ces phases de vol ; / d) Des règles relatives aux essais moteurs ; / e) Des valeurs maximales de bruit ou d'émissions atmosphériques polluantes à ne pas dépasser ".

3. Les dispositions de l'article L. 6361-7 du code des transports, qui ont pour objet d'assurer une information complète et effective du public, ne peuvent être regardées comme instaurant un régime de sanction complémentaire, alors même que figure au nombre des données publiées par l'ACNUSA le nom de la société ayant manqué à ses obligations en matière de limitation des nuisances environnementales, prévues à l'article L. 6361-12 du même code.

4. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'ACNUSA a diffusé sur son site internet, conformément à ces dispositions et à son règlement intérieur, un tableau mentionnant pour chacune des deux décisions de sanction prises le 7 décembre 2021 à l'encontre de la société Titan Airways, le nom de cette société, la nature et la date du manquement, les dates de la réunion du collège et de la décision, ainsi que le montant de l'amende prononcée, sans procéder à une publication, intégrale ou même seulement partielle de ces décisions. Cette diffusion destinée, ainsi qu'il a été dit, à l'information du public, ne peut être regardée comme une sanction complémentaire décidée sans base légale.

5. Il résulte de ce qui précède, en l'absence de tout autre moyen soulevé par la société Titan Airways, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre le jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les mesures de publication et de se prononcer sur la recevabilité de la demande de la société Titan Airways, que l'ACNUSA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de publier les sanctions en litige sur son site internet et lui a enjoint de procéder au retrait de leur publication.

Sur l'appel incident :

6. Aux termes de l'article L. 6361-13 code des transports : " Les amendes administratives mentionnées à l'article L. 6361-12 ne peuvent excéder, par manquement constaté, un montant de 1 500 € pour une personne physique et de 20 000 € pour une personne morale. S'agissant des personnes morales, ce montant maximal est porté à 40 000 € lorsque le manquement concerne : / 1° Les restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types d'aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes ou de la classification acoustique ; / 2° Les mesures de restriction des vols de nuit (...) ".

7. Il n'est pas contesté que deux aéronefs affrétés par la société Titan Airways, dont la marge acoustique cumulée est de 12,5 EPNdb, ont atterri le 8 août 2019 à 2h49 et le 9 août 2019 à 2h56 sur l'aérodrome Toulouse-Blagnac, en méconnaissance du IV de l'arrêté du 28 mars 2011 portant restriction d'exploitation de cet aérodrome qui prévoit qu'aucun des aéronefs équipés de turboréacteurs dont la marge acoustique certifiée cumulée est inférieure à 13 EPNdb ne peut atterrir sur la plateforme entre 0 et 6 heures. Si la société Titan Airways fait valoir qu'elle ignorait la réglementation applicable à l'aérodrome de Toulouse-Blagnac, que les nuisances ont été limitées et qu'elle a depuis mis en œuvre des mesures correctrices, le montant de 20 000 euros de chacune des deux amendes qui lui ont été infligées, soit la moitié du montant maximal qui pouvait l'être, n'apparaît pas disproportionné eu égard à la gravité des deux manquements, consistant en un dépassement de l'heure limite d'atterrissage de près de trois heures, et de la gêne occasionnée aux riverains avec un niveau de bruit de 98,6 EPNdb à une heure particulièrement importune.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Titan Airways n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la réduction du montant des deux amendes administratives qui lui ont été infligées.

Sur les frais du litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Titan Airways une somme de 1 500 euros à verser à l'ACNUSA au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ACNUSA, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Titan Airways demande sur ce fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2202389-2202390 du 23 février 2023 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Titan Airways devant le tribunal administratif de Paris, accueillies par les articles 2 et 3 du jugement du 23 février 2023, et ses conclusions présentées devant la Cour, sont rejetées.

Article 3 : La société Titan Airways versera une somme de 1 500 euros à l'ACNUSA en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires et à la société Titan Airways.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bruston, présidente,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2024.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

S. BRUSTON

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA01724


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01724
Date de la décision : 25/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN & THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-25;23pa01724 ?
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