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23/10/2024 | FRANCE | N°23PA02020

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 23 octobre 2024, 23PA02020


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016.



Par un jugement n° 2021723/2-3 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requê

te et un mémoire, enregistrés les 10 mai 2023 et 16 février 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Michaud et Me Pogu, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016.

Par un jugement n° 2021723/2-3 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 mai 2023 et 16 février 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Michaud et Me Pogu, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2021723/2-3 du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont 1 000 euros au titre de la première instance et 2 000 euros au titre de l'appel.

Ils soutiennent que :

- les dividendes versés en 2014 et 2015 ont été soumis deux fois aux prélèvements sociaux ;

- le prélèvement à la source de 21 % opéré sur ces dividendes en application de l'article 117 quater du code général des impôts n'a pas été imputé sur leur impôt sur le revenu ;

- M. B... n'a pas perçu une partie des dividendes votés et comptabilisés du fait de la situation financière de la société Ficoz ;

- la somme de 24 000 euros perçue chaque année ne constitue pas un revenu foncier imposable mais correspond à des remboursements de charges et à des indemnités d'occupation ;

- la majoration de 10 % appliquée sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts et les intérêts de retard ne sont pas fondés dès lors que les impositions ne le sont pas.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à ce qu'il soit pris acte du dégrèvement qu'il prononce en cours d'instance, oppose une fin de non-recevoir partielle aux conclusions en décharge formées par M. et Mme B... à concurrence des rehaussements qu'ils ont acceptés dans leur réclamation préalable, et conclut au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- M. et Mme B... ont accepté, dans leur réclamation préalable du 22 juillet 2020, des rehaussements en matière de revenus de capitaux mobiliers et de revenus fonciers au titre des années 2014 et 2015 qui ne pouvaient être contestés devant le tribunal administratif en application de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 18 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segretain,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est le dirigeant de la SAS Financière et commerciale (Ficoz). A la suite de la vérification de comptabilité de cette société, et du contrôle sur pièces de leurs propres déclarations, M. et Mme B... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2014 à 2016. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 9 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions, en droits et pénalités.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 12 septembre 2023, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a prononcé le dégrèvement partiel, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2016, à concurrence de 8 981 euros. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le bien-fondé de l'imposition restant en litige :

En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :

3. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées des articles 12, 13 et 83 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires sont celles qui sont mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement soit par voie d'inscription à un compte courant ou un compte de charges à payer ouvert dans les écritures de la société qui l'emploie, dès lors, dans ces deux derniers cas, que le créancier de la somme est un dirigeant de la société ayant déterminé la décision d'inscrire dans les comptes sociaux la somme qui lui est due et que le retrait effectif de la somme au plus tard le 31 décembre de l'année d'imposition n'est pas rendu impossible, en fait ou en droit, par des circonstances telles que, notamment, la situation de trésorerie de la société, les circonstances matérielles du retrait ou les modalités de détermination du montant exact de la somme susceptible d'être retirée.

4. Si les requérants soutiennent que M. B... n'a perçu que 38 452 euros des dividendes de la société Ficoz crédités sur son compte courant d'associé en 2015, d'un montant de 83 424 euros, en raison de la situation financière de la société, ils n'établissent pas par la production de documents comptables de la société relatifs à l'exercice clos le 31 mars 2016, faisant apparaître une perte d'exploitation et un résultat financier négatif en clôture d'exercice, l'impossibilité, pour M. B..., de retirer les sommes en cause au plus tard le 31 décembre 2015, la circonstance qu'il n'ait pas effectivement prélevé la totalité des dividendes dus sur son compte courant étant sans incidence sur leur caractère imposable. Le moyen, doit, par suite, être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 117 quater du code général des impôts, dans sa version applicable à l'espèce : " I.-1. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui bénéficient de revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis et 120 à 123 bis sont assujetties à un prélèvement au taux de 21 %. Pour le calcul de ce prélèvement, les revenus mentionnés au premier alinéa du présent 1 sont retenus pour leur montant brut. (...) Ce prélèvement s'impute sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année au cours de laquelle il a été opéré. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué. (...) II. - Lorsque la personne qui assure le paiement des revenus pour lesquels le contribuable est soumis au prélèvement prévu au I est établie en France, les revenus sont déclarés et le prélèvement correspondant est opéré et acquitté par ladite personne dans les délais prévus à l'article 1671 C. (...) "

6. Les requérants soutiennent que le prélèvement de 21 % opéré par la société Ficoz sur les dividendes versés à M. B... en 2014 et 2015 n'a pas été imputé sur l'impôt sur le revenu dû par celui-ci au titre de ces deux années. L'administration fait toutefois valoir en défense que les intéressés n'établissent pas le versement de ce prélèvement par la société au titre de ces deux années. Si les requérants versent en réplique, au titre de l'année 2015, le formulaire n° 2561 établi par la société Ficoz, mentionnant, pour M. B..., des revenus distribués d'un montant brut de 83 424 euros et un prélèvement à la source de 17 519 euros, donnant droit à un crédit d'impôt du même montant, ils n'établissent pas, par cette seule production, le versement de ce prélèvement par la société au titre de ces deux années. Le moyen doit, par suite, être écarté.

7. Les requérants soutiennent, enfin, que les dividendes perçus par M. B... de la société Ficoz en 2014 et 2015 ont fait l'objet d'une double imposition aux prélèvements sociaux. D'une part, l'administration oppose, en défense, une fin de non-recevoir partielle tirée de ce que M. et Mme B... ont accepté, dans la réclamation préalable du 22 juillet 2020, à concurrence de, respectivement, 12 931 euros et 7 053 euros, les rehaussements notifiés dans la proposition de rectification du 26 septembre 2017 en matière de dividendes s'élevant à 12 931 euros au titre de 2014 et 44 972 euros au titre de 2015. Les conclusions en décharge des impositions correspondant aux rehaussements acceptés dans la réclamation n'étant pas recevables en application de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, seules demeurent en litige en matière de dividendes les impositions supplémentaires correspondant à un rehaussement de 37 919 euros au titre de l'année 2015. D'autre part, il résulte de l'instruction que la totalité des dividendes en litige ont été soumis aux contributions sociales avant la procédure de rectification, dès lors que les dividendes bruts dus à M. B... en 2015 s'élevaient à 83 424 euros et que son compte courant d'associé n'a été crédité que de la somme de 70 493 euros, nette des 15,5 % de contributions sociales alors applicables, le compte 448600 comptabilisant les cotisations sociales dans les écritures de la société étant crédité d'un montant supérieur au montant correspondant aux cotisations dues par M. B..., ainsi acquitté. Par suite, l'administration ne pouvait soumettre de nouveau les sommes rehaussées aux contributions sociales. Dans ces conditions, la base imposable de M. et Mme B... aux contributions sociales au titre de l'année 2015 doit être réduite à concurrence de la somme de 37 919 euros en litige et les requérants doivent, en conséquence, être déchargés dans cette mesure de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis.

En ce qui concerne les revenus fonciers :

8. Aux termes de l'article 14 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 15, sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : 1° Les revenus des propriétés bâties, telles que maisons et usines (...) ". Et aux termes de l'article 29 du même code : " le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires. Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut. Il n'est pas tenu compte des sommes versées par les locataires au titre des charges leur incombant. "

9. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a imposé dans la catégorie des revenus fonciers au titre des années 2014 et 2015 la somme annuelle de 24 000 euros comptabilisée en charges par la société Ficoz, et la somme de 6 000 euros au titre des mois de janvier à mars 2016, en exécution du bail du 15 décembre 2010, pour le paiement à M. et Mme B... des loyers correspondant à la location, dans leur appartement, d'un bureau de 20 m², qu'elle a réduite d'un montant de charges déductibles admis en proportion de la surface de ce bureau par rapport à celle de l'appartement. D'une part, si les requérants font valoir que la société occupait en réalité 90 % de la surface en contradiction avec les termes du bail, ils ne l'établissent pas. D'autre part, ils font valoir que les sommes présentées comme des loyers correspondent en réalité pour partie à des remboursements de charges et pour partie à une indemnité d'occupation. Il résulte toutefois de l'instruction que les termes du bail du 15 décembre 2010 font référence à un loyer de 2 000 euros et que la somme était mensuellement créditée pendant la période en cause sur le compte courant de M. B... sous la dénomination de " loyer ". Par suite, la circonstance qu'un avenant au bail de décembre 2011 produit postérieurement au contrôle mentionne non plus un loyer mais une indemnité d'occupation et un remboursement de charge est sans incidence sur le caractère imposable des sommes reçues en contrepartie de l'occupation d'une partie de l'appartement de M. et Mme B... dans la catégorie des revenus fonciers. Enfin, si les requérants font valoir que M. B... était dans l'impossibilité de prélever les sommes correspondant aux loyers inscrites sur son compte courant d'associé, ils ne l'établissent pas par les pièces qu'ils produisent.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits mis à la charge du contribuable ou de la créance indue. "

11. Il n'est pas contesté que les déclarations d'impôt sur le revenu de M. et Mme B... au titre des trois années en cause étaient entachées d'inexactitudes qui ont eu pour effet de minorer l'impôt dû. Par suite, le moyen tiré de ce que la majoration de 10 % appliquée sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1758 A du code général des impôts par voie de conséquence de la contestation du bien-fondé de l'imposition ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont seulement fondés à demander la décharge de la cotisation supplémentaire de contributions sociales en litige au titre de l'année 2015 à concurrence d'une réduction de la base imposable de 37 919 euros et, pour le surplus, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions en décharge de la requête à concurrence du dégrèvement partiel prononcé le 12 septembre 2023, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2016.

Article 2 : La base imposable aux contributions sociales de M. et Mme B... au titre de l'année 2015 est réduite d'un montant de 37 919 euros.

Article 3 : M. et Mme B... sont déchargés de la cotisation supplémentaire de contributions sociales au titre de l'année 2015 à concurrence de la réduction de base prononcée à l'article 2.

Article 4 : Le jugement n° 2021723/2-3 du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Paris est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et l'industrie.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- Mme Bories, présidente assesseure,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2024.

Le rapporteur,

A. SEGRETAINLa présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02020 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02020
Date de la décision : 23/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : CABINET LAURANT MICHAUD DUCEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-23;23pa02020 ?
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