Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1912941/1-3 du 4 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mars 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Poisson, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1912941/1-3 du 4 janvier 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration a méconnu les dispositions des articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales en obtenant des informations de manière informelle auprès de l'autorité judiciaire ;
- l'absence de production de ces documents caractérise une méconnaissance du contradictoire devant le tribunal ainsi qu'une méconnaissance de l'office du juge ;
- la procédure de taxation d'office est viciée dès lors que la demande d'éclaircissements faisait référence à des pièces qui n'étaient pas jointes ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée car elle ne précise pas en quoi la réponse à la mise en demeure du 27 septembre 2017 était insuffisante ;
- c'est à tort que l'administration a considéré que la réponse apportée à la demande d'éclaircissements et de justifications pour 2014 était insuffisante ;
- la procédure est irrégulière car l'administration n'a pas répondu aux critiques portant sur la méthode utilisée pour établir la balance des espèces formulées à l'occasion de la réponse à la demande d'éclaircissements ;
- c'est à tort que l'administration a considéré que M. A... avait bénéficié de revenus distribués ;
- le virement regardé par l'administration comme étant d'origine indéterminée n'était pas imposable dès lors que l'administration ne l'a pas démontré ;
- la balance des espèces réalisée par l'administration n'est pas suffisamment exhaustive pour justifier du rehaussement ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées dès lors qu'un tel manquement n'est pas établi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 7 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Segretain,
- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle à la suite duquel ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2014 et 2015. Par un jugement du 4 janvier 2023, dont M. et Mme A... relèvent appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions en droits et pénalités.
Sur la régularité du jugement :
2. Si M. et Mme A... soutiennent que le principe du contradictoire devant le tribunal aurait été méconnu, dès lors que certaines pièces auxquelles les demandes d'éclaircissements et les propositions de rectification se référaient n'ont pas été produites en cours d'instance, il ressort du jugement attaqué qu'il n'est pas fondé sur ces documents. Le tribunal n'était, par ailleurs, pas tenu de solliciter leur communication dans le cadre de ses pouvoirs d'instruction. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du principe du contradictoire et de l'office du juge doivent être écartés.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, aux termes, d'une part, de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées (...) ". Aux termes de l'article L. 82 C de ce livre : " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances " et l'article L. 101 du même livre dispose que : " L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu ".
4. Il résulte de l'instruction que le tribunal de grande instance de Bordeaux a, en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, informé l'administration fiscale, par un courrier du 23 novembre 2016, de ce que la procédure d'instruction en cours contre M. A... faisait apparaître des manœuvres tendant à éluder l'impôt. Il est constant que l'administration a, ensuite, par un courrier du 20 juin 2017 sollicité de l'autorité judiciaire l'accès aux pièces du dossier en application des dispositions des articles L. 81 et L. 82 C, autorisation qui lui a été délivrée les 22 et 25 juin 2017. Contrairement à ce qui est soutenu, aucun élément du dossier ne laisse présumer que l'administration aurait été mise en possession d'éléments du dossier judiciaire avant l'autorisation donnée par l'autorité judiciaire. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions des articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales auraient été méconnues.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
6. Les requérants ne soutiennent ni ne démontrent avoir sollicité la communication de ces documents avant la mise en recouvrement des impositions en litige en application des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure à défaut de transmission de ces documents doit donc être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications (...) ". Aux termes de l'article L. 69 de ce même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".
8. D'une part, si M. et Mme A... soutiennent qu'ils n'étaient pas en mesure d'apporter les éclaircissements et justifications demandés par le courrier du 21 juillet 2017 dès lors qu'il y était fait état d'une balance des espèces calculée à l'aide d'un relevé et de pièces d'origine judiciaire, qui n'étaient pas joints, il ressort toutefois de la lettre du 21 juillet 2017 que les sommes sur lesquelles portait la demande étaient détaillées et explicitées à l'annexe III de ce document. Dès lors, la procédure de taxation d'office n'est pas entachée d'irrégularité à raison d'un fait imputable à l'administration.
9. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la mise en demeure de produire des éclaircissements et des justifications sur des crédits bancaires, M. et Mme A... ont adressé à l'administration, par une lettre du 27 octobre 2017, des justificatifs de crédits résultant de dépôts de chèques et de virements. L'administration a accepté ces justifications et il résulte de la proposition de rectification que pour 2014, elle n'a imposé comme revenus d'origine indéterminée qu'un virement de 20 000 euros du 8 janvier 2014 non justifié par les pièces produites ainsi qu'un montant de 1 500 euros crédité le 14 février 2014 pour lequel aucune pièce justificative n'avait été produite. Il est par ailleurs constant que les requérants n'ont apporté aucun éclaircissement sur l'origine des fonds en espèces que M. A... a joués au casino, ni justifié du montant joué. Par suite, c'est sans erreur de droit ou de fait que l'administration a regardé ces revenus comme étant taxables d'office en raison de l'insuffisance des réponses apportées par les requérants à la demande d'éclaircissements et de justifications.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) ".
11. Si les requérants soutiennent que la proposition de rectification du 27 novembre 2017 était insuffisamment motivée dès lors que les raisons pour lesquelles leurs réponses à la demande d'éclaircissements et de justifications ont été jugées insuffisantes par l'administration, il résulte de l'instruction que dès lors qu'ils étaient imposés d'office, l'administration n'était tenue, en application des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, que de leur faire connaître les bases et éléments servant au calcul des impositions en question et leurs modalités de détermination. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification sur les raisons pour lesquelles la réponse à la demande d'éclaircissements et de justifications a été jugée insuffisante par l'administration doit ainsi être écarté.
12. Enfin, d'une part, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'administration de répondre aux critiques émises par des contribuables dans une réponse à une demande d'éclaircissements ou de justifications. D'autre part, si par les observations qu'ils ont présentées par lettre du 26 janvier 2018 à la suite de la notification de la proposition de rectification du 27 novembre 2017 portant sur l'année 2014, M. et Mme A... ont entendu reprendre les critiques de la méthode de détermination de la " balance des espèces " résultant d'une activité de jeu dans un casino, qui a été taxée comme des revenus d'origine indéterminée, l'administration a, par une lettre du 8 février 2018, précisément exposé la manière dont elle a établi la " balance des espèces ". Elle y a également indiqué que, d'une part, pour les sommes inférieures à 2 000 euros, il appartenait à M. A... de justifier de ces gains pour que ces derniers soient pris en compte dans la balance et, d'autre part, que les 59 000 euros de chèques annulés dont la contrepartie était, selon l'intéressé, la remise de jetons, n'ont pas été pris en compte dans l'établissement de cette balance. M. et Mme A... ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que l'administration n'aurait pas répondu à leurs observations.
Sur le bien-fondé des impositions :
13. En premier lieu, les requérants contestent l'imposition au titre des revenus d'origine indéterminée d'un virement crédité sur leur compte bancaire et du solde de la balance des espèces que M. A... a jouées au casino. Toutefois, les requérants ne justifient d'aucun élément précis et étayé pour établir que ces impositions ont à tort été mises à leur charge alors que la charge de la preuve leur incombe en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.
14. En second lieu, s'ils soutiennent ne pas avoir été bénéficiaires de revenus distribués en faisant valoir que les charges en litige étaient déductibles de l'assiette de l'impôt de la société distributrice, ce moyen est dépourvu de précision permettant à la Cour d'apprécier la portée et le bien-fondé.
Sur les pénalités :
15. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
16. Il résulte de l'instruction que l'administration a établi le caractère délibéré du manquement en relevant la minoration très importante de leurs revenus au regard de ce qu'ils ont déclarés en 2014 et 2015 et de la nature des revenus d'origine indéterminée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1729 du code général des impôts doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Leurs conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2024.
Le rapporteur,
A. SEGRETAINLa présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00923 2