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21/10/2024 | FRANCE | N°24PA00650

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 21 octobre 2024, 24PA00650


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :





M. A... E... A... F... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 20 décembre 2023 par lesquels le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de son éloignement et, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.



Par un jugement n° 2329253/8 du 4 janvier 2024, la magistr

ate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ces arrêtés et a rejeté le surplus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... A... F... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 20 décembre 2023 par lesquels le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de son éloignement et, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2329253/8 du 4 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ces arrêtés et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2024, le préfet de police de Paris demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 4 janvier 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- M. B... doit être regardé comme ayant pénétré sur le territoire français du fait de son placement en garde à vue qui, justifié par des faits commis pendant le temps où il était maintenu en zone d'attente, a eu pour effet de mettre fin à son maintien dans cette zone et qui, en outre, a eu lieu dans les locaux de la police judiciaire situés hors de la zone d'attente de l'aéroport Paris - Charles de Gaulle ; dans ces conditions, il pouvait légalement faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- l'intéressé, qui a déclaré être à Paris pour se rendre en Italie, n'a pas justifié de la régularité de son entrée sur le territoire européen ; dans ces conditions, il pouvait faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur les autres moyens soulevés devant le tribunal :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige :

- les décisions litigieuses sont suffisamment motivées ;

- elles ont été prises à l'issue d'un examen individuel et approfondi de sa situation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige ne méconnaît pas les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas fondés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée contre la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire n'est pas fondée ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas fondés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée contre la décision fixant le pays de destination n'est pas fondée ;

En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois :

- les moyens dirigés contre la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire n'étant pas fondés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée contre la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois n'est pas fondée ;

- la décision contestée ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant égyptien, né le 1er janvier 1999, est arrivé à l'aéroport Paris-Charles de Gaulle par un vol en provenance de Madagascar le 11 décembre 2023 et, étant démuni de document de voyage, a fait l'objet, le même jour, d'un refus d'entrée sur le territoire français et d'une décision de maintien en zone d'attente. Les 13 et 17 décembre 2023, il a refusé d'embarquer sur un vol à destination de l'Egypte. Réitérant son refus d'embarquer à destination du Caire le 19 décembre 2023, il a été placé en garde à vue pour soustraction à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France. Par des décisions du 20 décembre 2023, le préfet de police de Paris lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. Par un jugement du 4 janvier 2024, dont le préfet de police de Paris relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions.

Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article 14 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) : " 1. L'entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l'ensemble des conditions d'entrée énoncées à l'article 6, paragraphe 1, et qui n'appartient pas à l'une des catégories de personnes visées à l'article 6, paragraphe 5 ". Aux termes de l'article 6 de ce règlement : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, ce qui implique d'examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : / a) être en possession d'un document de voyage en cours de validité (...) ". Selon l'article L. 333-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable en vertu de l'article L. 332-3 de ce code à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et à qui l'entrée sur le territoire a été refusée en application des dispositions du règlement précité : " La décision de refus d'entrée sur le territoire français dont l'étranger fait l'objet peut être exécutée d'office par l'autorité administrative ". Aux termes des dispositions de l'article L. 341-1 du même code : " L'étranger (...) qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être maintenu dans une zone d'attente (...) pendant le temps strictement nécessaire à son départ. (...) ". En vertu de l'article L. 341-6 du même code : " La zone d'attente s'étend des points d'embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes. / Elle est délimitée par l'autorité administrative compétente. Elle peut inclure, sur l'emprise, ou à proximité, de la gare, du port ou de l'aéroport ou à proximité du lieu de débarquement, un ou plusieurs lieux d'hébergement assurant aux étrangers concernés des prestations de type hôtelier. (...) ". Aux termes de l'article L. 341-7 du même code : " La zone d'attente s'étend, sans qu'il soit besoin de prendre une décision particulière, aux lieux dans lesquels l'étranger doit se rendre soit dans le cadre de la procédure en cours, soit en cas de nécessité médicale ". Il résulte en outre des dispositions des articles L. 341-2, L. 342-1 et L. 342-4 de ce code que le maintien en zone d'attente ne peut excéder quatre jours mais peut être prolongé au-delà de cette durée par le juge des libertés et de la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours et, à titre exceptionnel ou en cas de volonté délibérée de l'étranger de faire échec à son départ, pour une durée supplémentaire de huit jours maximum. Enfin, aux termes de l'article L. 342-19 du même code : " Si le maintien en zone d'attente n'est pas prolongé au terme du délai fixé par la dernière décision de maintien, l'étranger est autorisé à entrer en France sous couvert d'un visa de régularisation de huit jours. Il devra avoir quitté le territoire français à l'expiration de ce délai, sauf s'il obtient une autorisation provisoire de séjour, un document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou une attestation de demande d'asile ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1o L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 612-1 du même code : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3o de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1o L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ". Il résulte des dispositions des articles L. 611-2 et L. 612-4 de ce code que les 1° et 2° de l'article L. 611-1 d'une part, et de l'article L. 612-3 d'autre part, sont applicables à " l'étranger en provenance directe du territoire d'un des États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 (...) lorsqu'il ne peut justifier être entré ou s'être maintenu sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20 et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21 de cette même convention ".

4. Il résulte de ces dispositions que la situation d'un étranger qui n'est pas entré sur le territoire français est régie par les dispositions citées ci-dessus du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à l'entrée en France, et en particulier s'agissant des personnes qui se présentent à la frontière, par celles contenues au chapitre II du titre III de ce livre relatif au refus d'entrée. Les mesures d'éloignement du territoire national prévues au livre VI de ce code, notamment l'obligation de quitter le territoire français, ne lui sont pas applicables. Par conséquent, dès lors qu'un étranger qui n'est pas ressortissant d'un pays membre de l'Union européenne se trouve en zone aéroportuaire, en transit ou en zone d'attente, il peut faire l'objet d'un refus d'entrée, lequel pourra être exécuté d'office en application des dispositions précitées de ce code, mais non d'une obligation de quitter le territoire français, ne pouvant être regardé comme entré sur le territoire français. Il n'y a pas lieu de distinguer, à cet égard, entre une situation où cet étranger exprime le désir d'entrer sur le territoire français et une situation où il ne formule pas ce souhait.

5. En outre, le ressortissant étranger qui a fait l'objet d'une décision de refus d'entrée et de placement en zone d'attente et qui a refusé d'obtempérer à un réacheminement pris pour l'application de cette décision ne peut être regardé comme entré en France de ce seul fait. Tel est le cas, toutefois, s'il a été placé en garde à vue à la suite de ce refus, à moins que les locaux de la garde à vue soient situés dans la zone d'attente. Doit également être regardé comme entré sur le territoire français l'étranger ayant fait l'objet d'une décision de refus d'entrée, et pénétrant sur le territoire en application des dispositions précitées de l'article L. 342-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'issue de la dernière prolongation par le juge des libertés et de la détention de son maintien en zone d'attente.

6. Pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée, le premier juge a estimé que M. B... avait été placé en garde à vue le 19 décembre 2023 dans la zone d'attente de l'aéroport Paris - Charles de Gaulle, que, dans ces conditions, il ne pouvait être regardé comme entré sur le territoire français à la date de la décision contestée et que, par suite, il ne pouvait légalement faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. Pour contester ce motif d'annulation, le préfet de police de Paris, qui n'a présenté aucune observation en première instance, soutient que les locaux de la police judiciaire dans lesquels M. B... a été placé en garde à vue sont situés hors de la zone d'attente de l'aéroport Paris - Charles de Gaulle. Il ressort des mentions du procès-verbal du 19 décembre 2023 par lequel les services de la police aux frontières ont notifié à M. B... le début de sa garde à vue que celle-ci s'est déroulée dans des locaux situés 6 rue des Bruyères à Roissy-en-France. Il ressort de l'arrêté n° 2023-01363 du 8 novembre 2023 portant création des zones d'attente des aéroports de Paris-Charles de Gaulle et du Bourget, produit pour la première fois en appel, que ces locaux ne sont pas situés dans la zone d'attente de l'aéroport Paris - Charles de Gaulle. Dans ces conditions, du fait de son placement en garde à vue dans des locaux situés en dehors de la zone d'attente de l'aéroport Paris-Charles de Gaulle, M. B... doit être regardé comme étant entré sur le territoire français à la date à laquelle le préfet de police de Paris a édicté le 20 décembre 2023 la décision portant obligation de quitter le territoire français, notifié le même jour. Par suite, le préfet de police de Paris est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a, au motif qu'il ne pouvait légalement prendre une décision obligeant M. B... à quitter le territoire français, annulé ses décisions du 20 décembre 2023 portant obligation pour l'intéressé de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal :

En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions contestées :

8. En premier lieu, si M. B... entend soulever le moyen tiré de l'incompétence du signataire à l'encontre de l'ensemble des décisions contestées, par un arrêté n° 2023-01464 du 29 novembre 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 75-2023-675 de la préfecture de Paris du même jour, le préfet de police de Paris a donné à M. C... D..., adjoint au chef de la division des reconduites à la frontière, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève l'édiction des mesures d'éloignement des étrangers et toutes décisions prises pour leur exécution, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées doit être écarté comme manquant en fait.

9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police de Paris a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. B... avant d'édicter les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il se serait abstenu de se livrer à un tel examen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

11. La décision contestée vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8, le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), notamment son article 6, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le 1° de l'article L. 611-1 et l'article L. 611-2. Elle précise l'identité, la date et le lieu de naissance de M. B... ainsi que sa nationalité. Elle mentionne que l'intéressé est dépourvu de document de voyage et ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français. Elle indique également que l'intéressé a déclaré être célibataire et sans enfant à charge sur le territoire français et porte l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet n'est pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments personnels de la situation de M. B.... Ainsi, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger en provenance directe du territoire d'un des États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut se voir appliquer les 1° et 2° de l'article L. 611-1 lorsqu'il ne peut justifier être entré ou s'être maintenu sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20 et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21 de cette même convention ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet, le 11 décembre 2023, d'un refus d'entrée sur le territoire français et a été placé en zone d'attente, avant d'entrer sur le territoire français sous escorte policière, ainsi qu'il a déjà été dit, pour y être placé en garde à vue pour défaut de document de voyage et soustraction à une mesure de réacheminement. Il ressort des points 2 à 6 du présent arrêt que même s'il est entré de manière contrainte sur le territoire français, l'intéressé entrait dans le champ d'application du 1° de l'article L. 611-1 et de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet de police de Paris pouvait, en application de ces dispositions, prendre à l'encontre de l'intéressé une décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, les moyens tirés du défaut de base légale de la décision contestée et de l'erreur de droit doivent être écartés.

14. En troisième lieu, M. B... n'assortit pas le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier son bien-fondé.

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

15. Il ressort des dispositions de l'article L. 612-1 et du 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 3 que si l'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision, par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire notamment s'il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".

16. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. B... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

18. La décision contestée vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 612-2 et L. 612-3. Elle mentionne que M. B... ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne peut pas présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Enfin, elle porte l'appréciation qu'aucune circonstance particulière n'est de nature à remettre en cause la réalité du risque de fuite de l'intéressé. Ainsi, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

19. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays d'éloignement est illégale par voie de conséquence.

20. En second lieu, la décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 3, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment ses articles L. 721-3 et L. 721-4. Elle mentionne que M. B..., de nationalité égyptienne, n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, ou dans son pays de résidence habituelle où il est effectivement admissible. Dans ces conditions, et alors que le préfet de police de Paris n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. B..., la décision fixant le pays de destination comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois :

21. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ayant été écartés, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois est illégale par voie de conséquence.

22. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte des dispositions de l'article L. 613-2 du même code citées au point 17 que la décision d'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-6 du code doit être motivée.

23. Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

24. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

25. La décision prononçant à l'encontre de M. B... l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 612-6. Elle mentionne que l'intéressé a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 20 décembre 2023 sans délai de départ volontaire. Il ressort également des termes de cette décision que le préfet de police de Paris a, pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, relevé que l'intéressé allègue être entré sur le territoire français le 11 décembre 2023, qu'il ne peut se prévaloir de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France, l'intéressé se déclarant célibataire et sans enfant à charge et a porté l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi qu'il a été dit au point 24, le préfet n'est pas tenu de mentionner la circonstance que l'étranger n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, circonstance qu'il a au demeurant prise en compte, comme cela ressort des pièces du dossier, pour fixer le principe et la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français. Enfin, le préfet n'ayant pas retenu la circonstance que la présence de l'intéressé sur le territoire français constituerait une menace pour l'ordre public, il n'était pas tenu de le préciser expressément. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté.

26. En troisième lieu, il ressort des points 16 à 18, ainsi qu'il a déjà été dit, que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. B... n'est pas entachée d'illégalité. Il s'ensuit qu'en application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet devait assortir sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été dit, que M. B... est arrivé à l'aéroport Paris-Charles de Gaulle le 11 décembre 2023 et a déclaré être célibataire et sans charge de famille en France. Dans ces conditions, l'intéressé doit être regardé comme ne justifiant d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle à ce qu'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français ne soit prise à son encontre. En outre, eu égard à l'ensemble de ces éléments, et même si l'intéressé n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que sa présence sur le territoire français ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet de police de Paris, qui a pris en considération l'ensemble des critères fixés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas entaché sa décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois d'erreur d'appréciation de la situation de M. B....

30. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police de Paris est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a annulé ses arrêtés du 20 décembre 2023.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2329253/8 du 4 janvier 2024 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 20 décembre 2023 du préfet de police présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... A... F... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2024.

La rapporteure,

V. Larsonnier La présidente,

A. Menasseyre

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA00650 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00650
Date de la décision : 21/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-21;24pa00650 ?
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