Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... F... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2211912 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 26 janvier et 6 février 2024, M. B... F..., représenté par Me Goralczyk, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2022 de la préfète du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :
- il n'est pas établi que le fonctionnaire ayant consulté le fichier Visabio y était habilité ;
- les décisions contestées sont entachées d'une erreur de droit dès lors qu'elles se fondent sur des données Visabio qui auraient dû être effacées ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- l'arrêté du 26 septembre 2017 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif aux étrangers sollicitant la délivrance d'un visa, dénommé France-Visas ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba ;
- et les observations de Me Goralczyk, avocat de M. B... F....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... F..., se présentant comme un ressortissant de nationalité congolaise né le 28 août 1999 à D... (République démocratique du Congo) est entré en France en mai 2014 et a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Loire à partir de cette date. Par un arrêté du 30 juin 2017, le préfet de la Loire a rejeté la demande présentée par M. B... F... le 22 mars 2017, tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions alors codifiées au 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 30 juin 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. B... F... tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 12 février 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par l'intéressé contre ce jugement. Le 3 mai 2018, M. E... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-10, au 7° de l'article L. 313-11 et à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Loire a de nouveau rejeté sa demande par un arrêté du 25 septembre 2020, dont la demande d'annulation a été rejetée par un jugement du 25 février 2021 du tribunal administratif de Lyon, contesté en vain devant la cour administrative d'appel de Lyon qui s'est prononcée le 23 juin 2022. Le 7 juillet 2021, M. B... F... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour auprès des services de la préfecture du Val-de-Marne. Par un arrêté du 5 décembre 2022, la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 21 décembre 2023, dont M. B... F... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". L'article R. 431-10 du même code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
5. Enfin, aux termes des dispositions de l'article R. 611-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables lors de la consultation effectuée le 15 juin 2017 par les services de la préfecture de la Loire du fichier VISABIO : " Est autorisée la création, sur le fondement de l'article L. 611-6, d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé VISABIO, relevant du ministère des affaires étrangères et du ministère chargé de l'immigration. (...) ". Aux termes de l'article R. 611-12 du même code : " I.- Les destinataires des données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé prévu à l'article R. 611-8 sont : / (...) 2° Les agents des préfectures et ceux chargés de l'application de la réglementation relative à la délivrance des titres de séjour, au traitement des demandes d'asile et à la préparation et à la mise en œuvre des mesures d'éloignement individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet ; (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 142-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux données enregistrées dans le fichier VISABIO, dans leur rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé mentionné à l'article R. 142-1 sont : / 1° Les images numérisées de la photographie et des empreintes digitales des dix doigts des demandeurs de visas, collectées par les chancelleries consulaires et les consulats français équipés du dispositif requis ; (...) / ; 2° Les données énumérées à l'annexe 2 communiquées automatiquement par le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Réseau mondial visas, dans les conditions prévues par l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2001 modifié portant création d'un traitement automatisé d'informations nominatives relatif à la délivrance des visas dans les postes consulaires, lors de la demande et de la délivrance d'un visa ; / 3° Des données recueillies ultérieurement lors des entrées et sorties du détenteur de visa : date de première entrée, date de dernière entrée et date de sortie (...) ". Et aux termes de l'article R. 142-7 du même code : " Les données à caractère personnel mentionnées à l'article R. 142-2 sont conservées pendant une durée de cinq ans à compter de leur enregistrement. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions, précisées par l'article 1er de l'arrêté du 26 septembre 2017 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif aux étrangers sollicitant la délivrance d'un visa, dénommé France-Visas, que la durée de conservation des données à caractère personnel figurant dans VISABIO, au nombre desquelles figurent les informations relatives à l'état civil du demandeur de visa, est de cinq ans à compter de la date d'expiration du visa en cas de délivrance d'un visa.
6. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à M. B... F... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Val-de-Marne, comme le préfet de la Loire avant elle, a retenu que le requérant n'avait pas apporté d'indications suffisamment probantes de son identité et de son état civil, après avoir relevé que la consultation du fichier VISABIO avait permis de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales, que l'intéressé avait sollicité et obtenu des autorités consulaires françaises au Sénégal un visa de court séjour, délivré le 19 juillet 2012 et valable du 23 juillet au 15 août 2012 sous une identité différente, comportant un autre nom et un autre prénom, une autre nationalité (Sénégal) et une date de naissance au 16 septembre 1980 à Dakar (Sénégal), au vu d'un passeport délivré par les autorités sénégalaises. Elle a par ailleurs indiqué que les éléments dont M. B... F... se prévalait à l'appui de sa demande, appréciés notamment au regard de la durée de sa résidence habituelle sur le territoire, ne pouvaient être regardés comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour, dès lors qu'il n'établissait pas disposer de ressources financières personnelles et pérennes pour subvenir à ses propres besoins et qu'il n'apportait pas de preuve de son insertion professionnelle.
7. En premier lieu, il ressort des termes des décisions en litige que la préfète du Val-de-Marne s'est seulement approprié les résultats de la consultation effectuée le 15 juin 2017 par les services de la préfecture de la Loire, dans le cadre de l'instruction de la première demande de titre de séjour présentée par M. E... le 22 mars 2017, qui a été rejetée par un arrêté du 30 juin 2017 devenu définitif. Dans ces conditions, M. B... F... ne peut utilement se prévaloir de ce que les informations relatives à son état civil auraient été conservées dans VISABIO au-delà de la durée maximale prévue à l'article R. 142-7 du code. Il ne peut pas davantage, en tout état de cause, se prévaloir d'un vice propre à cet arrêté du 30 juin 2017, tiré de ce que la personne qui a consulté VISABIO n'aurait pas été habilité pour ce faire. Au demeurant, alors qu'il résulte des dispositions citées au point 5 de l'article R. 611-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les agents des préfectures chargés de l'instruction des demandes de titre de séjour sont autorisés, dans l'exercice de leurs fonctions, à accéder aux données contenues dans le fichier VISABIO, M. B... F... ne fait état d'aucun élément sérieux permettant de considérer qu'en l'espèce, la consultation de cette base dans le cadre de l'instruction de sa première demande de titre de séjour aurait été effectuée en violation des conditions précitées. Par suite, le moyen tiré du défaut d'habilitation de l'agent ayant procédé à la consultation du fichier VISABIO doit être écarté.
8. En second lieu, d'une part, pour justifier de son état civil, M. E... produit la copie intégrale d'un acte de naissance établi le 28 août 2017 à Ndjili (République démocratique du Congo) qui aurait été établi après présentation par le déclarant, M. C... G... B..., d'un jugement supplétif d'acte de naissance du tribunal pour enfants de D... du 25 janvier 2017, qui n'a pas été produit au dossier de l'instance, mais dont la cour administrative d'appel de Lyon a relevé, dans son arrêt du 12 février 2019, qu'il indique que " le requérant déclare que depuis que cet enfant est né, il n'a pas été enregistré à l'état civil par ignorance de la loi et qu'il échet d'y suppléer par un jugement ", alors que M. B... tadi avait également produit devant elle un acte de naissance du 22 novembre 2010 indiquant pour sa part, de façon contradictoire avec le précédent document, que " le déclarant nous a présenté son ancien extrait d'acte de naissance ". M. B... F... produit également un passeport délivré le 31 mars 2018 par la République démocratique du Congo, document de voyage qui ne saurait être assimilé à un acte d'état civil et qui, élaboré à partir des documents précités, ne saurait rétrospectivement leur conférer la valeur probante accordée par l'article 47 du code civil aux actes de l'état civil faits en pays étranger. Dans ces conditions, les circonstances invoquées par le requérant, tenant à son apparence physique et au fait qu'en mai 2014, il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance, ne suffisent pas pour établir la réalité de l'identité dont il se prévaut.
9. D'autre part et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. B... F... réside en France depuis mai 2014, date à laquelle il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance, et qu'il a eu une scolarité méritante, obtenant en 2015 son brevet des collèges, en 2017 et 2018 son brevet d'études professionnelles et son baccalauréat professionnel " réalisation de produits imprimés et plurimédia option à productions graphiques ", en 2020 son brevet de technicien supérieur " études de réalisation d'un projet de communication option B : étude de réalisation de produits imprimés " à l'école supérieure Estienne des Arts et Industries, et en étant lauréat de la bourse Heidelberg. Toutefois, l'intéressé, qui est célibataire et sans charge de famille, n'établit pas ni même n'allègue qu'il serait démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident, selon les mentions non contestées des décisions en litige, sa mère, sa tante et son oncle maternel. En outre, il ressort des certificats de scolarité produits au dossier de l'instance qu'il s'est successivement inscrit pour les années 2020 à 2022 dans trois formations diplômantes différentes, en dernier lieu dans la filière " Digital Media Lab " à l'école de communication visuelle de la ville de Paris. L'intéressé n'établit pas ni même n'allègue qu'il justifierait d'un projet personnel et professionnel particulier. Dans ces conditions, la préfète du Val-de-Marne pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser à M. B... F... la délivrance d'un titre de séjour au motif qu'il ne pouvait être regardé comme justifiant d'une circonstance humanitaire ou d'un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
10. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".
11. Il ressort des mentions non contestées de la décision en litige que M. B... F... s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement prononcées le 30 juin 2017 et le 25 septembre 2020 et dont il a contesté en vain la légalité. Il entrait donc dans le champ d'application des dispositions du 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, alors même que son comportement ne serait pas constitutif d'une menace à l'ordre public, ainsi qu'il le soutient, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
12. D'une part, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
13. D'autre part, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les (...) décisions d'interdiction de retour (...) prévues aux articles L. 612-6 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".
14. Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
15. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
16. En premier lieu, la décision prononçant à l'encontre de M. B... F... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 612-6. Il ressort également des termes de cette décision que la préfète du Val-de-Marne a, pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, considéré que, eu égard aux circonstances qu'il est entré et s'est maintenu sur le territoire français sous une identité qu'il n'a pas justifiée en produisant l'original de son acte de naissance ou une copie légalisée par les autorités consulaires françaises, qu'il a déjà fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français, confirmées par le juge administratif et à l'exécution desquelles il s'est soustrait, et qu'il ne possède aucune attache familiale sur le territoire français, la durée de l'interdiction de retour d'une durée de deux ans ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, et alors que la préfète n'était pas tenue de se prononcer expressément sur les quatre critères prévus à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais seulement sur ceux qu'elle entendait opposer à l'intéressé, la décision comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement. Par suite le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
17. En deuxième lieu, et ainsi qu'il a déjà été dit, il ressort des pièces du dossier que si M. B... F... réside habituellement sur le territoire français depuis mai 2014, il ne justifie pas d'attaches familiales en France et s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement. Dans ces conditions, en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, la préfète du Val-de-Marne n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
18. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
19. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, la préfète du Val-de-Marne, en prononçant à l'encontre de M. B... F... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans n'a pas porté, eu égard aux objectifs poursuivis par cette mesure, une atteinte disproportionnée au droit de M. B... F... au respect de sa vie privée et familiale. En outre, si l'intéressé soutient qu'il est finaliste du concours national des Jeux Olympiques de 2024, toutefois cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors qu'elle est postérieure à son édiction. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
20. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de ce que la préfète du Val-de-Marne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. B... F... doit être écarté.
21. Il résulte de ce qui précède que M. B... F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2024.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24PA00401