Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2314426/6-3 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Rosin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023 du préfet de police de Paris ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou à défaut "salarié" dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 250 euros au titre des frais de première instance, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 1 500 euros au titre des frais d'appel, sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi :
- elles sont illégales en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de police de Paris qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 30 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 21 février 1987 et entré en France au mois d'avril 2017 selon ses déclarations, a sollicité le 10 juin 2022 son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 mars 2023, le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement du 5 octobre 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France en avril 2017 selon ses déclarations, et dont la présence habituelle en France est établie à compter du mois de mai 2017, soit depuis cinq ans et dix mois à la date de la décision en litige, est père d'un enfant, B..., né le 8 avril 2021 à Colombes (Hauts-de-Seine) et issu de sa relation avec Mme C... A..., ressortissante ivoirienne, titulaire depuis le 18 janvier 2022 d'un titre de séjour régulièrement renouvelé jusqu'au 23 mars 2024 et mère d'un premier enfant de nationalité française, D..., né le 8 juillet 2018. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier des certificats d'hébergement établis les 17 juin 2022 et 20 février 2023 par la directrice du Pôle d'hébergement et de réservation hôtelière du Samu social de Paris ainsi que des avis de participation aux frais d'hébergement pour les années 2021 à 2023, produits pour la première fois en appel, que le couple, qui indique s'être rencontré en 2020, réside depuis le 11 juin 2021 sous le même toit, en compagnie des deux enfants, sans que la circonstance qu'ils aient déclaré des adresses de domiciliation postale différentes ne soit de nature à remettre en cause la réalité de cette communauté de vie. En outre, il ressort du certificat médical du 8 mars 2022 établi par un médecin généraliste de la Protection Maternelle et Infantile de Paris que le requérant se présente régulièrement en consultation pour le suivi médical et les vaccinations des deux enfants. De même, il ressort de l'attestation établie par Mme A..., dont les mentions sont corroborées par le certificat médical du 22 mai 2023 du pédopsychiatre responsable du centre médico-psychologique périnatalité et petite enfance de la Roquette, postérieur à la décision contestée mais révélant une situation antérieure, que M. A..., qui prend le relai de sa compagne en raison de son implication depuis le mois de septembre 2022 dans une formation en alternance aux fins d'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle " Accompagnant éducatif petite enfance ", accompagne régulièrement le jeune D... lors de ses consultations en psychiatrie, ce dernier souffrant d'un trouble autistique reconnu comme incapacitant à hauteur de 50 à 79 % par une décision du 30 novembre 2022 de la maison départementale pour les personnes handicapées de Paris. De même, il ressort des pièces nouvellement produites en appel, en particulier des bulletins de présence des 19 juillet et 27 septembre 2021, 16 mars et 21 septembre 2022, attestant de la présence de M. A... lors des consultations hospitalières de son fils, ainsi que des certificats médicaux établis les 20 juin 2023 par le pédiatre qui suit le jeune B... à l'hôpital Armand-Trousseau, postérieurs à la décision contestée mais révélant une situation de fait antérieure, que le fils du requérant souffre d'une drépanocytose, pathologie chronique sévère pour laquelle il bénéficie depuis ses premiers mois d'un suivi spécialisé trimestriel en milieu hospitalier associé à un traitement médicamenteux, et son état de santé nécessite la présence de son père à ses côtés. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui produit un contrat à durée indéterminée en qualité de carrossier conclu le 15 mars 2018 avec la société Lys et dont le caractère effectif de l'activité est attesté par les relevés bancaires versés au dossier, justifie en outre avoir occupé un poste identique auprès de la SAS CR2 Auto entre les mois de septembre 2019 et avril 2021 et qu'il a présenté, à l'appui de sa demande de titre de séjour, une promesse d'embauche en date du 14 février 2022 pour un emploi à compter du 1er septembre 2022, en qualité de carrossier peintre, témoignant ainsi de sa volonté d'intégration professionnelle sur le territoire français. Compte tenu du rôle ainsi joué par M. A... dans l'entretien de sa famille et de son implication tant auprès de son fils que de celui de sa concubine, enfants qui sont particulièrement vulnérables compte tenu de leurs pathologies respectives, et de ce que la cellule familiale ne pourrait le cas échéant, à supposer que les traitements et l'accompagnement dont les deux enfants ont besoin soient disponibles en Côte d'Ivoire, se reconstituer dans ce pays sans priver le jeune D... de son père français ou, s'il reste en France, de sa mère, le préfet de police de Paris ne pouvait refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour et lui faire obligation de quitter le territoire français sans méconnaître les dispositions de stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation de la décision attaquée retenu, et alors qu'il résulte de l'instruction que la situation de M. A... n'a pas évolué, en fait ou en droit, le présent arrêt implique nécessairement que l'autorité administrative lui délivre un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de Paris ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rosin, avocat de M. A..., de la somme de 1 200 euros au titre des frais de première instance et de 1 000 euros au titre des frais d'appel, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2314426/6-3 du 5 octobre 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 10 mars 2023 du préfet de police de Paris sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris, ou au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Rosin, avocat de M. A..., la somme de 1 200 euros au titre des frais de première instance et de 1 000 euros au titre des frais d'appel, sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Me Rosin renoncera, s'il recouvre ces sommes, à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de police de Paris et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2024.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24PA00191