Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une demande, enregistrée sous le n° 1909024, M. B... H... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), en sa qualité d'assureur du grand hôpital de l'Est francilien, à lui verser la somme totale de 199 398,71 euros en réparation des préjudices résultant des conditions dans lesquelles il a été pris en charge aux mois de janvier 2013 et avril 2017 par le centre hospitalier de Coulommiers.
Par une demande, enregistrée sous le n° 2102060, Mme D... G... épouse H..., M. A... H..., M. B... H... agissant en qualité de représentant légal de son fils C..., et Mme E... F... veuve H..., ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la SHAM, en sa qualité d'assureur du grand hôpital de l'Est francilien, à verser les sommes de 18 000 euros à Mme D... G... épouse H..., 15 000 euros à M. A... H..., 15 000 euros à M. C... H... et 10 000 euros à Mme E... F... veuve H..., en réparation des conséquences dommageables ayant résulté pour eux de la prise en charge de M. B... H... par le centre hospitalier de Coulommiers en janvier 2013 et avril 2017.
Par un jugement nos 1909024 et 2102060 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Melun a condamné, d'une part, la société Relyens Mutual Insurance, venant aux droits de la SHAM, à payer à M. B... H... la somme de 127 105,85 euros, à Mme G... épouse H... la somme de 7 000 euros, à M. B... H..., en sa qualité de représentant légal de son fils mineur C..., la somme de 3 000 euros, à M. A... H... la somme de 3 000 euros et à Mme E... F... veuve H... la somme de 1 000 euros et, d'autre part, le grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits du centre hospitalier de Coulommiers, et la société Relyens Mutual Insurance à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne la somme de 21 492,89 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 2 janvier 2020 et la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et, enfin, a mis à la charge de la société Relyens Mutual Insurance la somme globale de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 juillet 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, représentée par Me Archambault, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a limité à la somme de 21 492,89 euros le montant de l'indemnisation accordée au titre des prestations servies à M. B... H... ;
2°) de condamner le grand hôpital de l'Est francilien et la société Relyens Mutual Insurance à lui verser la somme de 63 187,69 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2020 ;
3°) de mettre à la charge du grand hôpital de l'Est francilien et de la société Relyens Mutual Insurance la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- eu égard au taux de perte de chance pour M. B... H... d'éviter les dommages survenus à la suite de sa prise en charge par le centre hospitalier de Coulommiers le 27 janvier 2013 et le 3 avril 2017, évalué respectivement à 15 % et à 35 %, les dépenses de santé actuelles s'élèvent à 18 473,69 euros au titre de la prise en charge du 27 janvier 2013 et à 6 290,96 euros au titre de la prise en charge du 3 avril 2017, la période de quatre mois d'hospitalisation au titre du premier accident, et les frais d'hospitalisation au titre du second devant donner lieu à indemnisation ;
- les dépenses de santé futures étant imputables au seul dommage causé par la faute médicale commise le 3 avril 2017, le taux de perte de chance applicable à l'ensemble de ces dépenses est ainsi de 35 %, soit une créance de 19 986,38 euros ;
- eu égard, d'une part, au taux de perte de chance applicable de 35 %, et, d'autre part, à l'assiette des préjudices d'incidence professionnelle et de déficit fonctionnel permanent que la rente d'invalidité versée à M. H... a vocation à réparer, sa créance au titre de cette pension d'invalidité s'élève à 23 333 euros.
Par un mémoire, enregistré le 17 mai 2024, M. B... H..., représenté par Me Thierry-Leuffroy, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Melun en tant que la somme de 127 105, 85 euros mise à la charge de la société Relyens Mutual Insurance n'est pas assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 août 2019, date de la dernière proposition financière amiable de la SHAM ;
2°) d'assortir la somme de 127 105,85 euros, mise à la charge de la société Relyens Mutual Insurance, des intérêts au taux légal à compter du 26 août 2019, date de la dernière proposition financière amiable de la SHAM ;
3°) de mettre à la charge du grand hôpital de l'Est francilien et de la société Relyens Mutual Insurance la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la somme de 127 105,85 euros mise à la charge de la société Relyens Mutual Insurance doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 août 2019, date de la dernière proposition financière amiable de la SHAM.
Par un mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 21 mai 2024, le grand hôpital de l'Est francilien et la société Relyens Mutual Insurance, représentés par le cabinet Le Prado et Gilbert, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne ;
et, par la voie de l'appel incident,
2°) de réformer le jugement du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il les condamne à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne la somme de 21 492,89 euros ;
3°) de ramener la somme de 21 492,89 euros mise à leur charge à la somme de 20 833,69 euros ;
4°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- en l'absence de toute complication médicale, M. H... serait resté atteint d'un déficit fonctionnel temporaire total pendant la période comprise entre le 3 et le 12 avril 2017, de sorte que les frais d'hospitalisation du patient pendant cette période, s'élevant à 17 974,17 euros ne sauraient être mis à leur charge ;
- pour le même motif que celui exposé précédemment, les frais médicaux exposés à compter du 27 janvier 2013 d'un montant de 4 394,71 euros ne sauraient être mis à leur charge ;
- les dépenses de santé futures étant en lien avec la prise en charge médicale du 27 janvier 2013, le taux de perte de chance applicable est de 15 % ;
- la pension d'invalidité ayant pour objet exclusif de réparer la perte de gains professionnels et l'incidence professionnelle, la caisse n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait également vocation à réparer le déficit fonctionnel permanent de la victime, dont l'évaluation n'entre pas dans l'évaluation de ce chef de préjudice ;
- la victime n'ayant subi aucune perte de revenus et une incidence professionnelle ayant été évaluée à la somme non contestée de 20 000 euros, seule cette dernière somme constitue l'assiette de la réparation du chef de préjudice tenant au versement d'une rente d'invalidité ;
- cette rente, qui a été versée à compter du 1er janvier 2015, n'a été allouée qu'au titre des conséquences dommageables de la prise en charge par le centre hospitalier de Coulommiers en janvier 2013, de sorte que le taux de perte de chance applicable est de 15 %.
Par un mémoire, enregistré le 30 mai 2024, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Welsch, demande à être mis hors de cause.
Il soutient que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.
Par ordonnance du 30 mai 2024, la clôture de l'instruction a été reportée au 4 juillet 2024.
Un mémoire a été présenté, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, le 27 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 27 janvier 2013, M. B... H..., qui présentait une sciatalgie récurrente gauche, a été victime d'une lombosciatique bilatérale avec faiblesse des membres inférieurs et a été pris en charge par le service des urgences du centre hospitalier de Coulommiers. Il sera à nouveau pris en charge par ce même établissement hospitalier, le 2 puis le 3 avril 2017, en raison d'une lombosciatique droite hyperalgique. Estimant que le syndrome génito-sphinctérien complet d'une part, et l'absence de récupération complète du membre inférieur droit et les douleurs neuropathiques d'autre part, dont il demeure atteint résultent de fautes médicales commises respectivement le 27 janvier 2013 et le 3 avril 2017 par les praticiens du centre hospitalier de Coulommiers, M. H... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) d'Ile-de-France qui a diligenté deux expertises. Par des avis du 13 janvier 2015 et du 21 juin 2018, la commission a estimé que la réparation des préjudices subis par M. H... incombait au centre hospitalier de Coulommiers à hauteur de 15 % et de 35 % à raison des fautes commises lors de sa prise en charge respectivement le 27 janvier 2013 et le 3 avril 2017. Par un jugement du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Melun a condamné, d'une part, la société Relyens Mutual Insurance, venant aux droits de la SHAM, à payer à M. B... H... la somme de 127 105,85 euros ainsi qu'à son épouse, ses enfants et sa mère la somme totale de 14 000 euros en réparation de leurs préjudices et, d'autre part, le grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits du centre hospitalier de Coulommiers, et la société Relyens Mutual Insurance à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne la somme de 21 492,89 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2020 et la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité à la somme de 21 492,89 euros le montant de l'indemnisation accordée au titre des prestations servies à M. B... H.... Le grand hôpital de l'Est francilien et la société Relyens Mutual Insurance demandent à la cour, par la voie de l'appel incident, de ramener la somme de 21 492,89 euros mise à leur charge par le tribunal à la somme de 20 833,69 euros. M. H... demande à la cour d'assortir la somme de 127 105,85 euros allouée par le tribunal au titre de ses préjudices des intérêts au taux légal à compter du 26 août 2019.
2. Il ressort de la lecture du jugement du 30 mai 2023 que le tribunal a jugé que, du fait des retards de diagnostic commis par les équipes médicales de l'hôpital de Coulommiers lors de la prise en charge de M. H... le 27 janvier 2013 et le 3 avril 2017, la responsabilité du grand hôpital de l'Est francilien était engagée à l'égard des consorts H... et que ces deux manquements avaient entraîné pour M. H... une perte de chance d'éviter les dommages qui ont en résulté qui devait être fixée respectivement à 15 % s'agissant de la prise en charge effectuée en 2013 et 35 % s'agissant de la prise en charge effectuée en 2017, ce que les parties ne contestent pas en appel.
Sur les débours de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne :
3. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ou du livre Ier. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre et le livre Ier, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. / Conformément à l'article 1346-3 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. / Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice. (...) ".
4. Dans le cas où la réparation, fondée sur un pourcentage représentatif d'une perte de chance, est partielle, la somme que doit réparer le tiers responsable au titre d'un poste de préjudice doit être attribuée par préférence à la victime, le solde étant, le cas échéant, attribué aux tiers subrogés.
En ce qui concerne les frais d'hospitalisation :
5. En premier lieu, en se bornant à soutenir que les frais d'hospitalisation portant sur la période comprise entre le 27 janvier et le 28 mai 2013 sont imputables à la faute commise le 27 janvier 2013 par le service des urgences du centre hospitalier de Coulommiers, alors qu'il ressort du rapport d'expertise du 30 septembre 2014 qu'en l'absence du retard diagnostique fautif des praticiens de cet établissement hospitalier, l'état de santé de M. H..., qui présentait une hernie discale L4-L5 intracanalaire responsable d'un syndrome de la queue de cheval, justifiait une lourde intervention chirurgicale et une hospitalisation dans un service de médecine physique et réadaptation d'au moins quatre mois, c'est-à-dire du 27 janvier au 28 mai 2013, la CPAM de Seine-et-Marne n'établit pas que les frais d'hospitalisation concernant cette période seraient en lien avec la faute commise et devraient être mis à la charge du grand hôpital de l'Est francilien et de la société Relyens Mutual Insurance.
6. En second lieu, il résulte de l'instruction que la caisse a demandé au tribunal le remboursement des frais d'hospitalisation engagés pour le compte de son assuré jusqu'au 3 juillet 2017, comprenant ainsi les frais d'hospitalisation liés à la lombosciatique droite hyperalgique présenté par M. H... le 2 avril 2017. Il ressort du rapport d'expertise du 30 janvier 2018 que sans le retard de diagnostic du 3 avril 2017, M. H... aurait présenté un déficit fonctionnel temporaire total du 3 au 12 avril 2017 et que cette période correspond à une période d'hospitalisation du patient dont les frais ne sauraient être mis à la charge du grand hôpital de l'Est francilien et de la société Relyens Mutual Insurance. Il s'ensuit que seuls doivent être pris en compte les frais d'hospitalisation engagés pendant la période comprise entre le 15 mai 2017 et le 3 juillet 2017 pour un montant qui s'élève, selon le décompte des débours versé au dossier, à 4 754,22 euros. Par suite, compte tenu du taux de perte de chance retenu de 35 %, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne est fondée à demander le remboursement d'une somme de 1 664 euros au titre de ces frais d'hospitalisation.
En ce qui concerne les frais médicaux :
7. Il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. H... le 27 janvier 2013, ainsi qu'il a été dit au point 5, aurait nécessité, même en l'absence de toute faute médicale, une lourde intervention chirurgicale et une hospitalisation dans un service de médecine physique et réadaptation d'au moins quatre mois, entre le 27 janvier et le 28 mai 2013. Le grand hôpital de l'Est francilien et la société Relyens Mutual Insurance doivent être regardés comme soutenant que, dans ces conditions, les frais médicaux engagés par la caisse exposés pendant cette période, et non comme mentionné à la suite d'une erreur de plume pendant la période comprise entre le 27 janvier 2013 et le 8 janvier 2013, ne sauraient être imputables au retard de diagnostic du personnel soignant du centre hospitalier de Coulommiers. Toutefois, il résulte des rapports d'expertise que dans les suites de l'intervention chirurgicale du 28 janvier 2013, M. H... a notamment présenté un syndrome génito-sphinctérien complet qui a nécessairement induit des frais médicaux en lien avec ce syndrome, notamment des consultations spécialisées, notamment en urologie, et que le retard de diagnostic du personnel soignant du centre hospitalier de Coulommiers a fait perdre au patient une chance de l'ordre de 15 % d'éviter ce dommage. Il ressort de l'attestation d'imputabilité du médecin-conseil de la caisse du 19 décembre 2018 que les frais médicaux engagés entre le 27 janvier 2013 et le 28 mars 2018 consistent en des " consultations, imagerie médicale, biologie, actes CCAM " pour un montant total, selon le relevé des débours, de 4 394,71 euros. Au vu de ces éléments, il n'y a pas lieu de déduire des débours de la caisse les frais médicaux engagés entre le 27 janvier et le 28 mai 2013. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juge ont retenu l'intégralité des frais médicaux d'un montant total de 4 394,71 euros engagés entre le 27 janvier 2013 et le 28 mars 2018 et mis à la charge du grand hôpital de l'Est francilien et de la société Relyens Mutual Insurance, après application du taux de perte de chance de 15 %, la somme de 659,20 euros.
En ce qui concerne la rente d'invalidité :
8. Aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable en l'espèce : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme ". Eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice.
9. Il résulte du point précédent que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne n'est pas fondée à soutenir que sa créance au titre de la rente d'invalidité versée à M. H... aurait dû s'imputer en partie sur le poste du déficit fonctionnel permanent de la victime. Par suite, alors que M. H... n'a pas subi, après la consolidation de son état de santé, de pertes de gains professionnels en lien avec la faute commise, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la pension d'invalidité versée par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne pour le compte de son assuré devait être regardée en l'espèce comme réparant la seule incidence professionnelle du dommage résultant des séquelles dont il reste atteint et auxquelles la faute commise par le personnel soignant du centre hospitalier de Coulommiers lui a fait perdre une chance d'échapper.
10. Il ressort des mentions de la liste récapitulative des débours de la caisse en date du 30 décembre 2019 que les arrérages échus de la pension d'invalidité versés à M. H... ont couru à compter du 1er janvier 2015. La pension d'invalidité ayant été versée dès 2015, c'est-à-dire avant la seconde faute commise par le personnel soignant du centre hospitalier de Coulommiers le 3 avril 2017, elle a nécessairement été attribuée au vu des séquelles dont reste atteint M. H... à la suite du retard de diagnostic commis le 27 janvier 2013 par le personnel soignant du centre hospitalier de Coulommiers et qui impliquent, après la consolidation de son état de santé, une pénibilité du travail à temps plein non sédentaire en raison de l'anesthésie en selle résultant du syndrome de la queue de cheval dont il souffre. Dans ces conditions, et alors que l'évaluation retenue par les premiers juges du préjudice de M. H... résultant de l'incidence professionnelle, arrêtée à la somme de 20 000 euros, n'est pas contestée par les parties, c'est à juste titre qu'ils ont appliqué un taux de perte de chance de 15 % et non, comme le soutient la caisse, le taux de perte de chance de 35 %. Il s'ensuit que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne n'est pas fondée à soutenir que le remboursement de la pension d'invalidité auquel elle a droit s'élève à une somme supérieure à 3 000 euros.
En ce qui concerne les dépenses de santé futures :
11. Il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. H... est consolidé depuis le 28 mars 2018. La caisse soutient que le taux de perte de chance pour M. H... d'éviter le dommage qui est survenu, applicable aux dépenses de santé futures est de 35 % et non de 15 % comme retenu par le tribunal. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. H..., consolidé depuis le 28 mars 2018, nécessite au titre des frais médicaux, quatre consultations de médecine générale par an, une consultation annuelle en urologie et un examen cytobactériologique des urines, au titre des frais pharmaceutiques douze flacons de biseptine par an et vingt-quatre boîtes de Doliprane par an, au titre des frais d'appareillage, une attelle releveur de pied et le matériel pour réaliser des autosondages et des hétérosondages. Ces dépenses sont exclusivement imputables au syndrome génito-sphinctérien complet et à la faiblesse des membres inférieurs dont souffre M. H... du fait notamment du retard de diagnostic lors de sa prise en charge le 27 janvier 2013 pour une lombosciatique bilatérale. Il s'ensuit que c'est à juste titre que les premiers juges ont appliqué le taux de perte de chance de 15 %.
12. Il résulte des points 5 à 11 que la somme de 21 492,89 euros mise à la charge du grand hôpital de l'Est francilien et de la société Relyens Mutual Insurance au titre des débours de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne doit être portée à 23 156,89 euros.
Sur les conclusions présentées par M. H... :
13. Eu égard au lien qu'établissent les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale entre la détermination des droits de la victime d'un accident et celle des droits de la caisse de sécurité sociale à laquelle elle est affiliée, quand un jugement ayant statué sur des conclusions indemnitaires de la victime et de la caisse dirigées contre l'auteur de l'accident a fait l'objet d'un appel régulièrement exercé par la caisse, celui-ci ouvre à la victime la possibilité de former appel sans condition de délai en reprenant sa demande de première instance, augmentée le cas échéant pour tenir compte d'aggravations des préjudices postérieures au jugement, ce qui au demeurant n'est pas contesté par les parties.
14. M. H..., qui est recevable à présenter pour la première fois en cause d'appel une demande en ce sens, a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 127 105,85 euros mise à la charge de la société Relyens Mutual Insurance par le jugement attaqué, à compter, selon sa demande, du 26 août 2019, date de la dernière proposition indemnitaire que la SHAM lui a adressée.
Sur les frais d'instance :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent le grand hôpital de l'Est francilien et la société Relyens Mutual Insurance au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du grand hôpital de l'Est francilien et de la société Relyens Mutual Insurance la somme de 2 000 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne au titre de ses frais liés à l'instance sur le fondement des mêmes dispositions.
16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du grand hôpital de l'Est francilien et de la société Relyens Mutual Insurance la somme sollicitée par M. H... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 21 492,89 euros mise à la charge du grand hôpital de l'Est francilien et de la société Relyens Mutual Insurance au titre des débours de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne par le jugement nos 1909024 et 2102060 du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Melun est portée à 23 156,89 euros.
Article 2 : La somme de 127 105,85 euros mise à la charge de la société Relyens Mutual Insurance en réparation des préjudices de M. B... H... par le jugement nos 1909024 et 2102060 du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Melun est assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 août 2019.
Article 3 : Le jugement nos 1909024 et 2102060 du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le grand hôpital de l'Est francilien et la société Relyens Mutual Insurance société hospitalière d'assurances mutuelles verseront la somme de 2 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, au grand hôpital de l'Est francilien, à la société Relyens Mutual Insurance et à M. H....
Copie en sera adressée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2024.
La rapporteure,
V. Larsonnier La présidente,
A. Menasseyre
Le greffier
P. Tisserand
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA03429 2