Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 6 juillet 2023 par laquelle le préfet de police a classé sans suite sa demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 2318569/6-1 du 16 février 2024, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision attaquée, d'autre part, enjoint au préfet de police, ou au préfet territorialement compétent, de procéder à l'examen de sa demande de titre de séjour dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 avril 2024, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2318569/6-1 du 16 février 2024 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- la demande de M. A... était irrecevable, dès lors qu'un refus d'enregistrer une demande de titre de séjour incomplète ne constitue pas une décision faisant grief et que la demande de M. A... ne comportait pas la demande d'autorisation de travail requise par le point 66 de l'annexe 10 au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- une décision de classement sans suite n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées par application de l'article L. 211-2-1° du code des relations entre le public et l'administration ;
- les autres moyens soulevés par M. A... devant ne Tribunal ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2024 M. A..., représenté par Me Garavel, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de police ;
2°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né en 1991, a déposé le 13 mai 2023 une demande de titre de séjour que le préfet de police a classée sans suite par une décision du 6 juillet 2023, au motif que le dossier de cette demande était incomplet faute de comporter le formulaire de demande d'autorisation de travail renseigné par son employeur. Le préfet de police fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris, saisi par M. A..., a annulé cette décision de classement sans suite et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. A... en lui délivrant, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Le refus d'enregistrer une demande de titre de séjour motif pris du caractère incomplet du dossier ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque le dossier est effectivement incomplet, en l'absence de l'un des documents mentionnés à l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou lorsque l'absence d'une pièce mentionnée à l'annexe 10 à ce code, auquel renvoie l'article R. 431-11 du même code, rend impossible l'instruction de la demande.
3. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil / 2° Les documents justifiants de sa nationalité / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents / (...) ".
4. Si le paragraphe 2.2 de la ligne 66 de l'annexe 10 au même code, auquel renvoie l'article R. 431-11, dispose que doit être produit, à l'appui d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, le " dossier de demande d'autorisation de travail soumis par l'employeur (formulaire CERFA n° 15186*03, de demande d'autorisation de travail pour un salarié étranger avec les pièces justificatives précisées en annexe du formulaire correspondant à la situation du salarié) ", il ne ressort pas des pièces du dossier, ni n'est invoqué par le préfet de police, que la production d'une telle pièce, qui n'est pas requise par les dispositions précitées de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait été indispensable à l'instruction de la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A..., fût-ce en qualité de salarié. Par suite, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a écarté la fin de non-recevoir soulevée à l'encontre de la demande de M. A....
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal :
5. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
6. Ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, la décision attaquée du 6 juillet 2023, qui refuse d'enregistrer la demande de titre de séjour de M. A..., n'énonce aucune considération de droit qui en constituerait le fondement.
7. Il résulte dès lors de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision attaquée du 6 juillet 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette la requête du préfet de police, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de M. A... aux fins d'injonction, assortie d'une astreinte, doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre des frais de justice :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A... et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
B. AUVRAY
La greffière,
L. CHANALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24PA01773