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17/10/2024 | FRANCE | N°24PA01537

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 17 octobre 2024, 24PA01537


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.



Par un jugement n° 2314078 du 29 février 2024, le magistrat désigné par la présidente du T...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2314078 du 29 février 2024, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil, après avoir admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2024, M. A..., représenté par Me Ould-Hocine, demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 29 février 2024 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 novembre 2023 ;

4°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 novembre 2023 jusqu'à l'intervention de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur sa demande de réexamen de sa demande d'asile ;

5°) en tout état de cause, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination ;

- elle est, par voie d'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois :

- elle est, par voie d'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entaché d'une erreur d'appréciation de sa situation ;

S'agissant de la demande de suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français :

- les éléments qu'il produit dans la présente instance justifient qu'il soit sursis à l'exécution de la mesure d'éloignement le temps que la Cour nationale du droit d'asile se prononce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris du 18 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les observations de Me Ould-Hocine, avocate de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 novembre 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. A..., ressortissant turc né le 20 août 1992, à quitter le territoire français, en application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. M. A... fait appel du jugement du 29 février 2024 en tant que le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de la requête, le bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris a statué sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle de M. A.... Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 de ce code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée / (...) ".

4. La décision attaquée, qui vise les dispositions précitées du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que la demande d'asile de M. A... a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 août 2022, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 30 août 2023. Ainsi, cette décision comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par ailleurs, l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser tous les éléments de la situation d'un ressortissant étranger en l'absence d'obligation en ce sens, et la motivation de la décision attaquée s'apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour / (...) ".

6. Il résulte de ce qui est jugé sur sa motivation, comme des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché la décision attaquée d'un défaut d'examen de la situation de M. A.... En particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait informé le préfet que des membres de sa famille séjourneraient régulièrement en France, notamment en qualité de réfugiés, ni que d'autres membres de sa famille restés en Turquie y seraient victimes de persécutions, alors pourtant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet avait invité l'intéressé, en application des dispositions précitées de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à déposer une demande d'admission au séjour à un autre titre que l'asile, ce qu'il n'a pas fait dans le délai qui lui était imparti ni, en tout état de cause, avant l'intervention de la mesure d'éloignement contestée. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation de M. A... doit être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a déclaré être arrivé sur le territoire français en mai 2022, y est présent depuis seulement un an et demi à la date de l'arrêté attaqué. La circonstance que des membres de sa famille résident régulièrement en France en qualité de réfugiés et que l'un de ses oncles est de nationalité française n'est pas suffisante pour lui conférer un droit au séjour en France, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment son épouse ainsi que leurs deux enfants et où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. A... à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation de M. A... doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui est jugé aux points 3 à 8 que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

10. En deuxième lieu, la décision attaquée par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis fixe le pays de destination énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde dès lors qu'elle vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle a pris en considération la nationalité turque de M. A... en se référant aux décisions du directeur général de l'OFPRA du 31 août 2022 et de la CNDA du 30 août 2023 qui en font état. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

11. En troisième lieu, il résulte de ce qui est jugé sur sa motivation, comme des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché la décision attaquée d'un défaut d'examen de la situation de M. A... en relevant que celui-ci " n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ". En particulier, si le requérant fait valoir que, postérieurement à la décision de la CNDA du 30 août 2023, les autorités turques auraient perquisitionné le 5 octobre 2023 son domicile afin de l'appréhender, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'il aurait porté cette information à la connaissance du préfet avant l'intervention de l'arrêté attaqué, étant relevé que, par une décision du 15 décembre 2023, le directeur général de l'OFPRA a rejeté comme irrecevable sa demande de réexamen. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation de M. A... doit être écarté.

12. En quatrième lieu, la circonstance que des membres de la famille de M. A... restés en Turquie y seraient victimes de persécutions n'est pas de nature à établir que le préfet aurait entaché la décision attaquée d'une erreur de fait dès lors qu'il n'a pas fondé sa décision sur la circonstance que ces personnes ne feraient pas l'objet des persécutions ainsi allégués. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de fait doit être écarté.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. M. A... soutient qu'il encourt des risques de persécutions en cas de retour dans son pays d'origine en raison de ses origines kurdes, de son soutien au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), des sévices que sa famille restée en Turquie a subis et de la circonstance que plusieurs membres de sa famille ont obtenu la protection internationale en France. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les faits dont l'intéressé se prévaut sont différents de ceux qu'il a déjà exposés devant l'OFPRA et la CNDA, ces instances ayant, au demeurant, rejeté sa demande d'asile respectivement les 31 août 2022 et 30 août 2023. Par ailleurs, si les documents produits et présentés comme un procès-verbal de perquisition dressé le 5 octobre 2023 et un courrier du 9 octobre 2023 émanant d'un avocat en Turquie, constituent des éléments nouveaux, ils s'inscrivent toutefois dans la continuité des persécutions qui n'ont pas été précédemment tenues pour établies par le directeur général de l'OFPRA et la CNDA, et ne sont assortis, dans la présente instance, d'aucun développement suffisamment circonstancié permettant d'établir le caractère réel et actuel des risques auxquels M. A... serait personnellement et effectivement exposé en cas de retour en Turquie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois :

15. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger] (...), l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

16. Il ressort des termes mêmes des dispositions citées au point précédent que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

17. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

18. En premier lieu, il résulte de ce qui est jugé aux points 3 à 8 que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

19. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois au motif que l'intéressé ne justifie pas, en France, d'une situation personnelle et familiale à laquelle cette mesure d'interdiction porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui a ainsi rappelé les dispositions applicables à la situation de M. A... et exposé les circonstances de fait qu'il a retenues pour prononcer sa décision d'interdiction de retour, a suffisamment motivé cette décision au regard des exigences posées par les dispositions citées au point 15. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.

20. En troisième lieu, il résulte de ce qui est jugé sur sa motivation, comme des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché la décision attaquée d'un défaut d'examen de la situation de M. A....

21. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une erreur d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 novembre 2023.

Sur la demande de suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français :

23. Aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ".

24. A supposer même que la CNDA, saisie le 12 mars 2024, n'ait pas encore statué sur la demande de réexamen de la demande d'asile de M. A... à la date du présent arrêt, les éléments nouveaux dont l'intéressé se prévaut en appel, comme d'ailleurs en première instance, consistant en des documents produits et présentés comme un procès-verbal de perquisition dressé le 5 octobre 2023 et un courrier du 9 octobre 2023 émanant d'un avocat en Turquie, ne constituent pas, ainsi qu'il a été dit au point 14, des éléments suffisamment sérieux de nature à justifier son maintien sur le territoire français jusqu'à l'examen de son recours par la CNDA. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 13 novembre 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de M. A....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

B. AUVRAY

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA01537


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01537
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : OULD-HOCINE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;24pa01537 ?
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