Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 8 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivre un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2309847 du 9 janvier 2024, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 février 2024 et 26 février 2024, M. A..., représenté par Me Hagège et Me Aït Mouhoub, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 janvier 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 8 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la décision de refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, la commission du titre de séjour n'ayant pas été saisie préalablement de son cas sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et professionnelle ;
- elle est entachée d'erreurs de fait ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et professionnelle ;
- elle est entachée d'erreurs de fait ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 21 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 juin 2024 à 12 heures.
Un mémoire présenté par le préfet de la Seine-Saint-Denis a été enregistré le 21 juin 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, signé à Rabat le 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 1er juin 1980, a sollicité le 6 janvier 2022 son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 8 juin 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. A... fait appel du jugement du 9 janvier 2024 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, M. A... ne fait valoir aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges sur le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision attaquée. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, il résulte de ce qui est jugé sur sa motivation, comme des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché la décision attaquée d'un défaut d'examen de la situation personnelle et professionnelle de M. A.... En particulier, si le requérant indique qu'il a fourni au préfet divers éléments attestant de sa présence sur le sol national notamment au titre des années 2012 à 2014, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ces éléments produits en appel comme en première instance auraient été effectivement présentés à l'appui de la demande de titre de séjour de M. A.... Par ailleurs, si l'intéressé fait valoir que, contrairement aux mentions de l'arrêté attaqué, ses deux sœurs ne résident pas au Maroc, il résulte cependant de ses propres allégations qu'elles ne demeurent pas en France, l'une vivant en Italie, l'autre en Suisse, ce qui n'est pas au demeurant établi par les pièces versées au dossier. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation de M. A... doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord / (...) ". Aux termes de l'article 3 de cet accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 / (...) ".
5. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
6. Il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Saint-Denis a examiné la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A..., d'une part, en se fondant sur les dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'agissant de l'examen de sa vie privée et familiale et, d'autre part, au titre de son pouvoir de régularisation s'agissant de l'examen de son activité salariée.
7. D'une part, si M. A..., qui indique être entré en France pour la dernière fois le 20 octobre 2012, soutient qu'il y réside habituellement depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, les éléments produits par l'intéressé en appel comme en première instance sont insuffisants pour en justifier au titre de la période courant d'octobre 2012 à décembre 2013, alors que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le requérant était titulaire d'un visa de court séjour à entrées multiples l'autorisant à entrer et à séjourner seulement en Italie entre le 15 mars 2012 et le 14 mars 2013. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché d'un vice de procédure la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour faute d'avoir préalablement saisi la commission du titre de séjour de son cas en raison d'une présence de plus de dix ans en France. En outre, M. A... ne peut utilement se prévaloir, en tant que ressortissant marocain, des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour soutenir qu'en raison de sa présence supposée de plus de dix ans, le préfet aurait dû le convoquer devant la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande tendant à l'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail.
8. D'autre part, si M. A... justifie d'une activité salariée de presque cinq années au sein de diverses sociétés entre l'année 2016 et l'intervention de l'arrêté attaqué, cette circonstance ne saurait toutefois faire regarder le préfet de la Seine-Saint-Denis comme ayant commis dans l'exercice de son pouvoir de régularisation une erreur manifeste d'appréciation en refusant l'admission exceptionnelle au séjour du requérant au titre du travail. Par suite, ce moyen doit être écarté.
9. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire et sans charge de famille en France et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside notamment sa mère et où il a vécu jusqu'à l'âge d'au moins 32 ans. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait tissé des liens amicaux ou affectifs forts depuis son arrivée sur le territoire français. Ainsi, ces circonstances, de même que l'exercice par l'intéressé d'une activité salariée de presque cinq années à la date de l'arrêté attaqué, ne sauraient constituer à elles seules, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une considération humanitaire ou un motif exceptionnel de nature à permettre la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée sur ce point d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9.
12. En cinquième lieu, si M. A... soutient que, contrairement aux mentions de l'arrêté attaqué, ses deux sœurs ne résident pas au Maroc, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que, selon ses propres affirmations, l'une vivrait en Italie et l'autre en Suisse. Par ailleurs, si le requérant justifie d'une activité salariée de presque cinq années à la date de l'arrêté attaqué et fait valoir qu'il résiderait habituellement en France depuis plus de onze ans, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne peut être regardé comme ayant commis une erreur de fait en considérant que M. A... " n'apporte pas d'éléments suffisamment probants propres à justifier de sa présence réelle et continue sur le territoire français depuis son arrivée " et que l'expérience professionnelle dont il se prévaut " ne saurait suffire à justifier d'une insertion professionnelle d'une intensité et d'une qualité telles qu'il puisse prétendre à une admission exceptionnelle au séjour au titre du travail ", dès lors que ces éléments traduisent seulement l'exercice par le préfet de son pouvoir d'appréciation de la situation du requérant. Par suite, le moyen tiré d'erreurs de fait doit être écarté.
13. En dernier lieu, le moyen tiré d'une erreur de droit n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, M. A... ne fait valoir aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges sur le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision attaquée. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
15. En second lieu, les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 à 11.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
B. AUVRAY
La greffière,
L. CHANA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00618