Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite à l'issue de ce délai et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2312835 du 19 décembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 28 septembre 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé l'interdiction de retour sur le territoire français de Mme A... pour une durée de deux ans, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de prendre sans délai toute mesure propre à mettre fin au signalement de cette-dernière dans le système d'information Schengen et a rejeté le surplus des demandes de la requérante.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2024, Mme A..., représentée par Me Goyon, demande à la Cour :
1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil, en tant qu'il rejette ses demandes dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement contenues dans l'arrêté du 23 septembre 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'annuler ces décisions ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle par le préfet ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle par le préfet ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 août 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante sri-lankaise née le 12 juillet 1990, est entrée en France le 19 décembre 2018 selon ses déclarations. Elle a déposé une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), rejetée le 21 juin 2021. Par une décision du 11 mai 2023, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé cette décision. Le 28 juin 2023, l'OFPRA a rejeté sa demande de réexamen comme irrecevable. Par une ordonnance du 29 septembre 2023, la CNDA a également confirmé cette décision. Par un arrêté du 28 septembre 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé Mme A... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite à l'issue de ce délai et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans. Mme A... relève appel du jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil en tant que ce jugement a rejeté ses demandes d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement contenues dans l'arrêté du 23 septembre 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Mme A..., déjà représentée par un avocat, ne justifie pas du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle et n'a pas joint à sa requête une telle demande. Aucune urgence ne justifie, par ailleurs, que soit prononcée, en application des dispositions précitées, son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fonde, est, par suite, suffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, il ne ressort ni de cette motivation, ni d'aucune autre pièce du dossier qu'avant d'obliger Mme A... à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles le préfet ne s'est pas fondé pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant.
7. En quatrième lieu, aux termes aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Si, Mme A... expose être entrée en France en 2018 et y résider depuis lors de manière continue avec son époux et ses trois enfants nés en 2017, 2021 et 2023, dont l'aîné est scolarisé, rien ne fait obstacle à la reconstitution de la cellule familiale dans son pays d'origine avec son conjoint de même nationalité, également en situation irrégulière en France, et ses enfants en bas âge. Par ailleurs, l'intéressée, qui n'apporte au demeurant aucun élément précis sur les autres liens de toute nature, notamment d'ordre amical, qu'elle aurait noués en France, ne justifie d'aucune insertion professionnelle. Enfin, Mme A... ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'elle poursuive normalement, avec son époux et ses enfants, sa vie privée et familiale dans son pays d'origine, ni n'établit qu'elle serait dans l'incapacité de s'y réinsérer. Par suite, la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise, ni méconnu l'intérêt de ses enfants mineurs. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de la requérante doit être également écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
9. En premier lieu, la décision attaquée vise, notamment, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et mentionne que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de cette décision et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle doivent être écartés.
10. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Cet article 3 stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
11. Mme A... expose, à l'appui de sa requête, qu'elle court des risques pour sa personne eu égard aux menaces dont elle pourrait faire l'objet dans son pays d'origine. Elle ne produit toutefois en appel aucun élément de nature à circonstancier ses craintes. Ainsi, elle ne démontre, pas plus en appel qu'en première instance en versant aux débats des pièces nouvelles, notamment postérieures aux décisions de l'OFPRA et de la CNDA, qu'elle serait personnellement et actuellement exposée à des risques réels et sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique en cas de retour dans son pays d'origine, alors au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée pour ces mêmes motifs. Par suite, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée doit être également écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu d'admettre Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme. Jayer, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 octobre 2024.
La rapporteure,
M-D. JAYERLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00319