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16/10/2024 | FRANCE | N°23PA04355

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 16 octobre 2024, 23PA04355


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de faire droit à se demande de certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.



Par un jugement n° 2304229/1-1 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

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Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2023, Mme C..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de faire droit à se demande de certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 2304229/1-1 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2023, Mme C..., représentée par Me Fazolo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2304229/1-1 du 17 mai 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 décembre 2022 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai, sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et, dans l'attente de ce réexamen, toujours sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6§5 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de délivrance d'un certificat de résidence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle peut bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6§4 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-5 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 4 septembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé à Mme C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne, née le 25 janvier 1991 et entrée en France le 16 janvier 2013 selon ses déclarations, a sollicité le 11 mai 2022, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6§5 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 14 décembre 2022, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement. Par un jugement du 17 mai 2023 dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision la décision portant refus de certificat de résidence :

2. En premier lieu, Mme C... reprend en appel ses moyens de première instance tirés de l'incompétence du signataire de la décision contestée, de son insuffisante motivation et de ce qu'elle n'aurait pas été précédée d'un examen sérieux de sa demande. Toutefois, la requérante ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait complémentaire et pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption de motifs retenus par les premiers juges aux points 2, 3 et 4 de leur jugement.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... résidait en France depuis environ neuf ans à la date de l'arrêté contesté et qu'elle est mère d'une enfant mineure née le 11 août 2016 à Paris, reconnue le 1er octobre 2018 par son père de nationalité française, et scolarisée à la date de la décision attaquée. Cependant, l'intéressée n'établit, ni même n'allègue, l'existence de liens entre sa fille et ce dernier. Elle ne soutient par ailleurs pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. En outre, en dépit de la durée de son séjour en France, elle ne fait état d'aucune insertion professionnelle. Hébergée dans un hôtel à vocation sociale, elle ne dispose enfin pas de son propre logement. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour pris à son encontre porte à son droit au respect d'une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts poursuivis par la mesure. Dès lors, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doivent être écartés.

5. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme C....

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

7. En l'espèce, la décision en litige n'a ni pour objet, ni pour effet, de séparer la requérante de son enfant, quand bien même cette dernière disposerait de la nationalité française, alors qu'il n'est ni justifié ni même allégué que le père de l'enfant contribuerait à son entretien et à son éducation. En outre, si Mme C... fait état de ce que sa fille est scolarisée depuis septembre 2019, elle n'établit, ni même n'allègue que celle-ci, âgée seulement de six ans à la date de la décision attaquée, ne pourrait pas bénéficier d'une scolarité équivalente en Algérie. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination :

8. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi ou un accord international prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.

9. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 :

" (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an (...) ". Aux termes de l'article 372 du code civil : " Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. (...) ". Il résulte de ces stipulations que le respect de la condition qu'elles posent tenant à l'exercice même partiel de l'autorité parentale n'est pas subordonné à la vérification de l'effectivité de l'exercice de cette autorité.

10. Le préfet de police, ainsi qu'il le mentionne dans son mémoire en défense de première instance, a fait part lors de l'instruction de la demande de carte nationale d'identité déposée par Mme C... pour sa fille B..., de ses doutes quant à la réalité du lien de filiation qui unit l'enfant à son père de nationalité française, et a opposé à l'intéressée l'absence de production de pièces justifiant sa contribution à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Pour autant, le seul rejet de la demande de carte d'identité présentée pour l'enfant, B..., pour ce motif ne saurait suffire pour remettre en cause la réalité du lien filial, en conséquence de quoi, l'enfant de la requérante doit être regardée, en l'état du dossier, comme disposant de la nationalité française. Aussi, alors qu'il n'est pas contesté que Mme C... exerce l'autorité parentale à l'égard de sa fille, le préfet de police ne pouvait, sans méconnaître les articles précités, l'obliger à quitter le territoire français sous trente jours. Il s'ensuit que la décision portant obligation de quitter le territoire et, par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination doivent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens, être annulées.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

12. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

13. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour, mais uniquement que le préfet de police procède à un réexamen de la situation de Mme C... et lui délivre dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, durant la période d'instruction de cette situation, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Mme C... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de Mme C..., Me Fazolo, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2304229/1-1 du 17 mai 2023 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation des décisions du préfet de police du 14 décembre 2022 portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Article 2 : Les décisions du préfet de police du 14 décembre 2022 obligeant Mme C... à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de Mme C... dans les conditions fixées au point 13.

Article 4 : L'Etat versera à Me Fazolo une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C..., à Me Fazolo et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 octobre 2024.

La rapporteure,

M-D. JAYER

La présidente,

J. BONIFACJ La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04355


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04355
Date de la décision : 16/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : FAZOLO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-16;23pa04355 ?
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