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09/10/2024 | FRANCE | N°24PA03033

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 09 octobre 2024, 24PA03033


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le comité social et économique de la société The Conran Shop SAS a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 19 décembre 2023 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi au sein de la société The Conran Shop SAS ainsi que la décision du 4 mars 2024 par laquelle le directeur interdépart

emental et régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-Fran...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité social et économique de la société The Conran Shop SAS a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 19 décembre 2023 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi au sein de la société The Conran Shop SAS ainsi que la décision du 4 mars 2024 par laquelle le directeur interdépartemental et régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a, d'une part, retiré la décision du 19 décembre 2023 et, d'autre part, homologué ce document unilatéral avec effet rétroactif au 19 décembre 2023.

Par un jugement n° 2403837/3-3 du 15 mai 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2024, le comité social et économique de la société The Conran Shop SAS, représenté par Me Ilic, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la motivation de la décision du 6 mars 2024 est insuffisante au regard des prescriptions des articles L. 1233-57-4 du code du travail et L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, faute de préciser les raisons du retrait de la décision du 19 décembre 2023 et du caractère rétroactif de l'homologation qu'elle prononce ;

- la procédure d'information et de consultation n'a pas été régulière dès lors qu'il ne s'est pas vu communiquer une information complète et précise sur la situation économique et financière du groupe, la société ayant tu, jusqu'à la mi-novembre 2023, l'existence d'une autre société appartenant au groupe, nouvellement créée au Koweit, ne mettant pas le CSE à même de connaître le montant des investissements consentis dans cette filiale ;

- la procédure d'information et de consultation n'a pas été régulière en l'absence d'information en temps utile sur les modalités de recherche de solutions de reclassement externe ;

- les mesures d'accompagnement sont insuffisantes dès lors qu'elles ne sont pas proportionnées aux moyens de l'entreprise et du groupe, qu'aucune cellule de reclassement n'a été envisagée, que les budgets de formation sont insuffisants au regard des profils des salariés et en l'absence de tout effort antérieur d'anticipation et que les efforts de reclassement externe ont été tardifs et partiels ;

- ces mesures sont insuffisantes au regard des préconisations de l'administration, qui n'ont pas été suivies.

Par un mémoire, enregistré le 30 juillet 2024, la société The Conran Shop SAS, représentée par Me Finalteri, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge du comité social et économique de la société The Conran Shop SAS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 2 août 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 14 août 2024.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la méconnaissance, par le premier juge saisi simultanément de conclusions tendant à l'annulation d'une décision et à celle de son retrait, de son office.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Menasseyre,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- les observations de Me Triaki pour le Comité social et économique de la société The Conran Shop SAS ;

- et les observations de Me Finalteri pour la société The Conran Shop SAS ;

Considérant ce qui suit :

1. Au mois de septembre 2023, la société The Conran Shop SAS, qui avait pour activité la vente de meubles et éléments de décoration haut de gamme qu'elle commercialisait en boutique située 115-117 rue du Bac à Paris, a décidé de cesser son activité, entraînant sa liquidation amiable et la suppression de l'ensemble des emplois de l'entreprise, soit 53 emplois. Par une décision du 19 décembre 2023, le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société The Conran Shop SAS. Puis, par une décision du 4 mars 2024, le directeur interdépartemental et régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a, d'une part, retiré la décision du 19 décembre 2023, et, d'autre part, homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société The Conran Shop SAS, en donnant à sa décision une portée rétroactive au 19 décembre 2023. Le comité social et économique de la société a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de ces deux décisions. Il relève appel du jugement du 15 mai 2024 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Lorsque le juge est parallèlement saisi de conclusions tendant, d'une part, à l'annulation d'une décision et, d'autre part, à celle de son retrait et qu'il statue par une même décision, il lui appartient de se prononcer sur les conclusions dirigées contre le retrait puis, sauf si, par l'effet de l'annulation qu'il prononce, la décision retirée est rétablie dans l'ordonnancement juridique, de constater qu'il n'y a plus lieu pour lui de statuer sur les conclusions dirigées contre cette dernière.

3. En l'espèce, le tribunal administratif de Paris était parallèlement saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2023, portant homologation du document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société The Conran Shop SAS et de conclusions tendant à l'annulation du retrait de cette décision. Il résulte de ce qui a été exposé au point précédent qu'il lui appartenait de se prononcer, en premier lieu, sur les conclusions dirigées contre la décision du 4 mars 2024 en tant qu'elle retirait la décision du 19 décembre 2023 puis, dès lors qu'il n'annulait pas ce retrait, de constater qu'il n'y avait plus lieu pour lui de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale. En rejetant au fond les conclusions dirigées contre la décision initiale après avoir pourtant jugé que le comité social et économique de la société n'était pas recevable à contester le retrait de la décision du 19 décembre 2023, et que les conclusions dirigées contre ce retrait ne pouvaient qu'être rejetées, au lieu de constater qu'à la date à laquelle il statuait, la décision du 19 décembre 2023 avait disparu de l'ordonnancement juridique, et qu'il n'y avait plus lieu pour lui de statuer sur les conclusions dirigées contre elle, le tribunal ne s'est pas conformé aux prescriptions exposées ci-dessus. Il en résulte, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens des parties, que le jugement doit être annulé en tant qu'il se prononce sur la décision du 19 décembre 2023.

4. Il y a lieu de se prononcer sur les conclusions dirigées contre la décision du 19 décembre 2023 par la voie de l'évocation. Ainsi que l'ont jugé les premiers juges, le comité social et économique de la société ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour contester la décision du 4 mars 2024 en tant qu'elle porte retrait de cette dernière décision, les effets du retrait étant identiques à ceux d'une annulation contentieuse. La décision de retrait du 4 mars 2024 étant, dès lors, elle-même devenue définitive, les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2023 étaient dépourvues d'objet dès l'introduction de la requête d'appel. Il ne saurait, par suite, y être fait droit et les moyens dirigés tant contre la décision du 19 décembre 2023 que contre la décision du 4 mars 2024 en tant qu'elle la retire sont inopérants.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne la motivation de la décision du 4 mars 2024 en tant que sa portée est rétroactive :

5. Ni les dispositions de l'article L. 1233-57-4 du code du travail ni celles des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration n'imposent à l'administration de motiver la date d'entrée en vigueur d'une décision d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi. En toute hypothèse, lorsqu'un acte est rapporté par l'autorité compétente, ce retrait emporte disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte en cause. Il ressort de la lecture de la décision du 4 mars 2024 qu'elle prononce, en son article 1er, le retrait de la décision homologuant le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société The Conran Shop SAS. Dès lors que l'administration indiquait, ce faisant, qu'elle donnait une portée rétroactive à la disparition de la décision d'homologation, elle a, en tout état de cause, indiqué, de façon suffisante, les motifs qui justifiaient qu'une portée rétroactive soit donnée à la décision par laquelle elle réitérait la décision ainsi retirée, à laquelle elle se substituait. Par suite, le CSE de la société The Conran Shop SAS n'est pas fondé à soutenir que la motivation de la décision du 4 mars 2024 serait insuffisante au regard des prescriptions de l'article L. 1233-57-4 du code du travail, faute de préciser les raisons du caractère rétroactif de l'homologation qu'elle prononce.

En ce qui concerne le contrôle de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique de la société The Conran Shop SAS :

S'agissant de l'information relative aux capacités de financement du groupe :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre (...) ". Les articles L. 1233-24-1 et L. 1233-24-4 du même code prévoient que le contenu de ce plan de sauvegarde de l'emploi peut être déterminé par un accord collectif d'entreprise et qu'à défaut d'accord, il est fixé par un document élaboré unilatéralement par l'employeur. Aux termes de l'article L. 1233-57-3 de ce code : " En l'absence d'accord collectif (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique e respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ;/ 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1.(...) ".

7. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 1233-28 du code du travail que l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours doit réunir et consulter le comité social et économique. A ce titre, le I de l'article L. 1233-30 du même code dispose, s'agissant des entreprises ou établissements qui emploient habituellement au moins cinquante salariés, que : " (...) l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-31 du même code : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; / 2° Le nombre de licenciements envisagé ; / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; / 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; / 6° Les mesures de nature économique envisagées ; / 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ".

8. Il résulte des dispositions précitées que, lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité social et économique, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. En outre, lorsque le comité social et économique a décidé de recourir à l'assistance d'un expert en application des dispositions de l'article L. 1233-34 du code du travail, il appartient à l'administration de s'assurer que l'expert a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité social et économique de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses deux avis en toute connaissance de cause.

9. Il ressort des pièces du dossier que les documents d'information relatifs au projet de cessation de l'activité et ses conséquences sur l'emploi ont été remis au CSE lors de la première réunion d'information-consultation, qui s'est tenue le 25 septembre 2023 et au cours de laquelle le CSE a désigné, en vertu de l'article L. 1233-34 du code du travail, le cabinet ECE afin de réaliser une expertise sur les volets économiques et comptables. Des réunions intermédiaires du CSE se sont déroulées les 4 et 13 octobre 2023 ainsi que les 3, 8, 17, réunion au cours de laquelle l'expert a présenté son rapport, et 22 novembre 2023. Les comptes de la holding et de la société mère, arrêtés au 31 mars 2022 ont été portés à la connaissance de CSE ainsi qu'à l'expert désigné par lui. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le CSE a appris, par lui-même, l'existence d'une filiale koweïtienne, avant la réunion d'information et de consultation du 22 novembre 2023. A l'issue de cette réunion, qui s'est tenue deux jours avant que le CSE ne remette son avis, la direction a apporté des éléments de réponse aux questions résultant de la création très récente, intervenue le 16 novembre 2023, d'une société au Koweït, dénommée " The Conran Shop for Wholesale et Retail Trade Co. WLL " dont la société The Conran Shop Limited, société mère de la société The Conran Shop SAS détient 50 % des parts. Elle a précisé, dans un courriel du 22 novembre 2023 adressé aux membres du comité et dans la note d'information complétée mise à leur disposition lors de la réunion du 24 novembre 2024, que la société The Conran Shop Limited n'avait investi aucun montant financier lors de cette création, mais réalisé un apport en industrie, constitué de son savoir-faire et précisé que l'intégration, dans le groupe dont faisait partie la société The Conran Shop SAS, de cette nouvelle société au Koweït maintenait inchangés tant les moyens du groupe que ses résultats consolidés, déficitaires depuis plusieurs années. Alors qu'il ne ressort pas davantage en appel qu'en première instance que la création de cette nouvelle société au Koweït, et son appartenance au même groupe que la société The Conran Shop SAS ait eu un impact sur les résultats consolidés ou les moyens du groupe, le CSE appelant n'est fondé à soutenir ni qu'il n'a pu émettre son avis en toute connaissance de cause en raison d'une insuffisante information sur les capacités de financement du groupe ni que l'appréciation à laquelle s'est livrée l'administration aurait été, sur ce point, erronée.

S'agissant de l'information sur les modalités de recherche de solutions de reclassement externe :

10. Aux termes de l'article L. 1233-30 du code du travail : " I.-Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur (...) / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail (...) ".

11. S'il résulte de ces dispositions que l'employeur est tenu d'informer les représentants du personnel sur les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, une telle obligation ne lui impose pas de faire état des modalités précises des recherches l'ayant conduit à retenir ces mesures. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'employeur a souhaité intégrer dans le cadre du reclassement externe une démarche de recherche de postes de reclassement externe et qu'en raison des réticences du CSE à ce que des tiers soient informés des difficultés rencontrées par la société avant la fin de la consultation sur le projet, l'employeur n'a transmis que le 16 novembre 2023 des courriers en vue de la recherche de postes de reclassement externe, adressés à différentes sociétés extérieures au groupe et relevant du même secteur d'activité, sept sociétés interrogées y ayant donné une suite favorable en proposant des postes vacants dans les établissements situés en région parisienne et une première liste des postes disponibles dans ces sociétés ayant été diffusée le 24 novembre 2023. Dès lors qu'il n'appartenait pas à l'employeur d'informer les représentants du personnel sur les modalités précises de ses recherches, le moyen tiré de ce que l'employeur n'aurait jamais fourni d'informations claires et précises en temps utile au CSE sur l'effectivité et les modalités de la cette recherche de reclassement externe doit être écarté.

En ce qui concerne le contrôle du caractère suffisant des mesures d'accompagnement du plan de sauvegarde :

12. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-62 du même code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; / 1° bis Des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements ; / 2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; / 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; / 6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée ". En vertu de l'article L. 1233-57-3 du même code, l'autorité administrative homologue le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, après avoir notamment vérifié " le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1 ".

13. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code. A ce titre, elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe. A cet égard, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement sur le territoire national dans les autres entreprises du groupe, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d'être proposés pour pourvoir à ces postes. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.

14. Au cas d'espèce, il y a lieu d'écarter la contestation articulée par le comité appelant et portant sur le caractère suffisant des mesures d'accompagnement, tant au regard de leur proportionnalité par rapport aux moyens de l'entreprise et du groupe, de l'absence de cellule de reclassement, du volume des budgets de formation au regard des profils des salariés, des efforts antérieurs d'anticipation et des efforts de reclassement externe, qu'au regard des préconisations de l'administration, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 14 à 18 du jugement.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le comité social et économique de la société The Conran Shop SAS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société The Conran Shop SAS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le comité social et économique de la société The Conran Shop SAS demande au titre des frais de l'instance. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du comité social et économique de la société The Conran Shop SAS le versement de la somme que la société The Conran Shop SAS demande sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 15 mai 2024 est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions de la demande du comité social et économique de la société The Conran Shop SAS dirigées contre la décision d'homologation du 19 décembre 2023.

Article 2 : Le surplus de la requête du comité social et économique de la société The Conran Shop SAS est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société The Conran Shop SAS sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au comité social et économique de la société The Conran shop SAS, à la ministre du travail et de l'emploi et à la société The Conran shop SAS.

Copie en sera adressée au directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 octobre 2024.

L'assesseure la plus ancienne,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente rapporteure,

A. Menasseyre

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA03033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03033
Date de la décision : 09/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SOCIETE BRIHI-KOSKAS & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-09;24pa03033 ?
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