Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés du 16 octobre 2023 par lesquels le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de destination, et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2310947 du 30 octobre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2023, Mme C..., représentée par
Me Garcia, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de prendre toute mesure propre à mettre fin à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'ensemble des décisions :
- elle a été privée du droit d'être entendu, garanti par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle a été privée du droit d'être assistée par un avocat préalablement à l'édiction des décisions en litige ;
- le préfet a mis en œuvre de manière déloyale son droit à être entendue.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet ne pouvait fonder sa décision sur les dispositions de l'article L. 611-1-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet ne pouvait prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans tenir compte de son souhait de former une demander l'asile et aurait dû l'orienter vers l'autorité compétente aux fins d'enregistrement de cette demande ;
- la décision est insuffisamment motivée quant aux risques en cas de retour en Tunisie ;
- la décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la décision porte atteinte à son droit de voir sa demande d'asile examinée en procédure normale et au principe d'effectivité du recours devant la cour nationale du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision de refus d'un délai de départ volontaire :
- le préfet n'établit aucun risque de fuite et la décision méconnaît ainsi l'article 7 de la
directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés le 7 février 2024 et
le 3 septembre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 23 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au
30 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme Gaftaoui, ressortissante tunisienne née le 10 septembre 1992, arrivée en France par voie aérienne, le 2 octobre 2023, en provenance de Tunis, a fait l'objet d'un refus d'entrée pour défaut de passeport ainsi que d'un placement en zone d'attente. Elle a été placée en garde à vue, le 16 octobre 2023, au motif de sa soustraction à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée, ayant à quatre reprises, les 4, 9, 11 et 16 octobre 2023, refusé son embarquement à destination de Tunis. Elle a ensuite fait l'objet, outre d'un arrêté de placement en rétention administrative, de deux arrêtés du préfet de police du 16 octobre 2023 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Mme C... relève appel du jugement du
30 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux derniers arrêtés.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". L'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article
L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ".
3. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé, les auteurs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., lors de son audition par les services de police le 16 octobre 2023, a été interrogée sur les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire et a été invitée à formuler des observations sur sa situation personnelle et familiale ainsi que sur la perspective d'une mesure d'éloignement. A cette occasion, elle a été mise à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur sa situation irrégulière et les motifs susceptibles de justifier que l'autorité administrative s'abstienne de prendre à son égard une mesure d'éloignement. A cet égard, elle n'apporte pas d'éléments suffisamment probants permettant de considérer que le préfet aurait mis en œuvre de manière déloyale son droit à être entendue. Enfin, elle n'indique pas en quoi elle aurait disposé d'autres informations pertinentes que celles qu'elle a délivrées aux services de police lors de son audition et qui, si elles avaient été communiquées, aurait été de nature à faire obstacle aux décisions l'obligeant de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Par suite, les moyens tirés de ce que les décisions contestées auraient été prises en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu, du principe du contradictoire ainsi que du respect des droits de la défense, et seraient entachées de déloyauté, ne peuvent qu'être écartés.
5. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier, que Mme C..., qui a déclaré lors de l'audition précitée " je consens à être entendue sans la présence d'un avocat ", aurait été privée de la possibilité de bénéficier de l'assistance d'un avocat. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la directive 2008/115 doit donc, en tout état de cause, être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Il ressort de l'examen de la décision qu'elle comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Si Mme C... soutient que la motivation de cette décision ne comporte notamment aucun élément relatif aux craintes exprimées par elle en cas de retour dans son pays d'origine, il n'incombait pas au préfet de police de motiver l'obligation de quitter le territoire français, qui ne fixe par elle-même aucun pays de destination, au regard de ces craintes. Par suite le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
7. En second lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas pris en compte la situation personnelle de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation doit être écarté.
8. En troisième lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article 14 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) : " 1. L'entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l'ensemble des conditions d'entrée énoncées à l'article 6, paragraphe 1, et qui n'appartient pas à l'une des catégories de personnes visées à l'article 6, paragraphe 5 ". Selon l'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable en vertu de l'article L. 213-3 de ce code à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et à qui l'entrée sur le territoire a été refusée en application des dispositions du règlement précité : " (...) La décision prononçant le refus d'entrée peut être exécutée d'office par l'administration. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 221-1 du même code : " L'étranger (...) qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être maintenu dans une zone d'attente (...) pendant le temps strictement nécessaire à son départ. (...) ". En vertu de l'article L. 221-2 du même code : " La zone d'attente est délimitée par l'autorité administrative compétente. Elle s'étend des points d'embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes. Elle peut inclure, sur l'emprise, ou à proximité, (...) un ou plusieurs lieux d'hébergement assurant aux étrangers concernés des prestations de type hôtelier. (...) La zone d'attente s'étend, sans qu'il soit besoin de prendre une décision particulière, aux lieux dans lesquels l'étranger doit se rendre soit dans le cadre de la procédure en cours, soit en cas de nécessité médicale. ". Il résulte en outre des dispositions des articles L. 221-3, L. 222-1 et L. 222-2 de ce code que le maintien en zone d'attente ne peut excéder quatre jours mais peut être prolongé au-delà de cette durée par le juge des libertés et de la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours et, à titre exceptionnel ou en cas de volonté délibérée de l'étranger de faire échec à son départ, pour une durée supplémentaire de huit jours maximum. Enfin, aux termes de l'article L. 224-1 du même code : " Si le maintien de l'étranger en zone d'attente n'est pas prolongé au terme du délai fixé par la dernière décision de maintien, l'étranger est autorisé à entrer en France sous couvert d'un visa de régularisation de huit jours.
Il devra avoir quitté le territoire à l'expiration de ce délai, sauf s'il obtient une autorisation provisoire de séjour, ou un récépissé de demande de carte de séjour ou une attestation de demande d'asile lui permettant d'introduire sa demande d'asile. ".
9. D'autre part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 611-2 du même code : " L'étranger en provenance directe du territoire d'un des États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut se voir appliquer les 1° et 2° de l'article L. 611-1 lorsqu'il ne peut justifier être entré ou s'être maintenu sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20 et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21 de cette même convention ". Aux termes de l'article L. 612-1 de ce code : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision ". Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ". Aux termes de l'article L. 612-4 de ce code : " L'étranger en provenance directe du territoire d'un des États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut se voir appliquer les 1° et 2° de l'article L. 612-3 lorsqu'il ne peut justifier être entré ou s'être maintenu sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20 et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21 de cette même convention ".
10. Il résulte des dispositions des articles L. 611-2 et L. 612-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les 1° et 2° de l'article L. 611-1 d'une part, et de l'article L. 612-3 d'autre part, sont applicables à " l'étranger en provenance directe du territoire d'un des États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 (...) lorsqu'il ne peut justifier être entré ou s'être maintenu sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20 et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21 de cette même convention ".
11. En outre, la situation d'un étranger qui n'est pas entré sur le territoire français est régie par les dispositions citées au point 8 du livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à l'entrée en France, et en particulier s'agissant des personnes qui se présentent à la frontière, par celles contenues au chapitre III du titre 1er de ce livre relatif au refus d'entrée. Les mesures d'éloignement du territoire national prévues au livre V de ce code, notamment l'obligation de quitter le territoire français, ne lui sont pas applicables. Par conséquent, dès lors qu'un étranger qui n'est pas ressortissant d'un pays membre de l'Union européenne se trouve en zone aéroportuaire, en transit ou en zone d'attente, il peut faire l'objet d'un refus d'entrée, lequel pourra être exécuté d'office en application des dispositions précitées des articles L. 213-2 et L. 213-3 de ce code, mais non d'une obligation de quitter le territoire français, ne pouvant être regardé comme entré sur le territoire français. Il n'y a pas lieu de distinguer, à cet égard, entre une situation où cet étranger exprime le désir d'entrer sur le
territoire français et une situation où il ne formule pas ce souhait. Par ailleurs, le ressortissant étranger qui a fait l'objet d'une décision de refus d'entrée et de placement en zone d'attente et qui a refusé d'obtempérer à un réacheminement pris pour l'application de cette décision ne peut être regardé comme entré en France de ce seul fait. Tel est le cas, toutefois, s'il a été placé en garde à vue à la suite de ce refus, à moins que les locaux de la garde à vue soient situés dans la zone d'attente.
12. Enfin, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, en transit sans avoir exprimé le souhait d'entrer sur le territoire, qui a été placé en garde à vue en raison de son refus d'être rapatrié et dont l'entrée sur le territoire national ne résulte que de ce placement en garde à vue, hors de la zone d'attente, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français fondée sur les seules dispositions du 1° du I de l'article L. 611-1 du
code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En revanche, il peut, le cas échéant, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, fondée sur l'irrégularité de son entrée sur le territoire européen, en application de l'article L. 611-2 du même code, appréciée au regard des seuls documents exigés par le code frontières Schengen ainsi que le prévoient ces dispositions.
13. En l'espèce, Mme C... soutient qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que, d'une part, son entrée en France ne résulte que de son placement en garde à vue, qui lui a été imposé par les autorités françaises et que, d'autre part, elle ne provient pas directement du territoire d'un des États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et ne pouvait dès lors faire l'objet d'une telle mesure sur le fondement de l'article L. 611-2 du même code. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition de l'intéressée par les services de la police aux frontières du 16 octobre 2023 qu'elle a déclaré, d'une part, avoir pris, le 2 octobre 2023, un vol pour Zanzibar avec une escale à Paris et avoir déchiré son passeport dans l'avion et, d'autre part, vouloir aller rejoindre sa tante en Italie. Il résulte de ces déclarations, prises dans leur ensemble, que Mme C..., qui ne pouvait ignorer qu'en détruisant son passeport, elle ne pourrait très vraisemblablement pas poursuivre son voyage et devrait demeurer, au moins pour une certaine période, en France, ce qui lui permettrait, si l'occasion s'en présentait, de gagner l'Italie, ne peut être regardée comme " étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, en transit sans avoir exprimé le souhait d'entrer sur le territoire ", catégorie mentionnée au point 12. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale doit être écarté.
14. En quatrième lieu, Mme C... soutient que, en ayant déclaré lors de l'audition précitée du 16 octobre 2023 avoir quitté la Tunisie " pour fuir (son) père " qui, selon elle, voulait la marier de force et la faire arrêter ses études, elle doit être regardée comme ayant sollicité l'asile. Elle fait en outre valoir à cet égard qu'en vertu des dispositions des articles L. 521-1, L. 541-1 et R. 521-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les services de police auraient dû l'orienter vers l'autorité préfectorale compétente qui aurait été dès lors tenue, sous réserve de certaines situations dont elle ne relève pas, d'enregistrer sa demande et de lui délivrer une attestation de demande d'asile. Toutefois, par de telles déclarations, qui révèlent uniquement de la part de l'intéressée une motivation d'ordre familial pour quitter son pays, ne relevant pas de la convention de Genève, Mme C... ne saurait être regardée comme ayant manifesté l'intention de demander l'asile, alors au demeurant qu'il ressort des pièces du dossier qu'ayant été maintenue en zone d'attente entre le 2 octobre 2023, date de son débarquement, et le 16 octobre 2023, soit pendant 14 jours, elle n'a formé à cette occasion aucune demande d'asile. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit, de l'atteinte au droit de voir sa situation examinée en procédure normale et de la méconnaissance du principe de l'effectivité du recours garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
15. Enfin, Mme C... ne peut utilement soulever le moyen tiré de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, qui ne fixe par elle-même aucun pays de destination. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être également écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :
16. Mme C... reprend en appel le moyen de première instance tiré de ce que la décision contestée méconnaît la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 en l'absence de caractérisation objective du risque de fuite. Elle ne développe toutefois au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse retenue par le tribunal. Par suite, ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 16 à 18 de son jugement.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
17. En premier lieu, en visant les dispositions applicables et en énonçant que Mme C..., dont la nationalité est rappelée, " n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine (ou dans son pays de résidence habituelle où il est effectivement réadmissible) ", la décision attaquée, qui mentionne les considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée.
18. En second lieu, Mme C... invoque la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles, " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle serait exposée à des risques de la nature de ceux prévus par lesdites stipulations. D'ailleurs et ainsi qu'il a été dit au point 15, elle n'a formé aucune demande d'asile depuis son entrée en France. Par suite, ce moyen doit être écarté ainsi que celui, pour les mêmes motifs, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
19. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
20. En premier lieu, les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme C... à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français ne peut qu'être écartée.
21. En second lieu, pour prendre à l'encontre de Mme C... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois, le préfet, qui a visé les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 612-6 et suivants, et qui n'était pas tenu de préciser expressément que la présence de l'intéressée ne représentait pas une menace pour l'ordre public et qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, s'est fondé, d'une part, sur l'allégation de présence de l'intéressée depuis le 2 octobre 2023 et, d'autre part, sur le fait qu'elle ne justifie pas de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France, " étant constaté que l'intéressée se déclare célibataire et sans enfant à charge ". Il a également précisé que " compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale ". Ainsi, la décision contestée, qui comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.
22. En troisième lieu, Mme C... ne démontre ni même n'allègue aucune circonstance humanitaire de nature à faire obstacle au prononcé d'une interdiction de retour qui doit assortir en principe, en application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation faite à un ressortissant étranger de quitter le territoire français sans délai. En outre, l'intéressée, qui est célibataire sans charges de famille et dont l'entrée en France était extrêmement récente à la date de la décision attaquée, ne fait état d'aucune vie familiale en France. Par suite, et alors même qu'elle n'a fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement, le préfet de police a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation ni méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prononcer à son encontre une interdiction de retour pour une durée de douze mois.
23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bruston, présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Lu en audience publique le 4 octobre 2024.
Le rapporteur,
P. MANTZ
La présidente,
S. BRUSTON
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA04795