Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la délibération n° 04-2022/SC du 15 mars 2022 par laquelle le sénat coutumier a constaté la désignation du chef de la tribu de Néavin, district de Moeno, commune de Ponerihouen.
Par un jugement n° 2200225 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 juillet et 20 octobre 2023,
Mme B..., représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'annuler la délibération n° 04-2022/SC du 15 mars 2022 par laquelle le sénat coutumier a constaté la désignation du chef de la tribu de Néavin, district de Moeno, commune de Ponerihouen ;
3°) d'ordonner la communication de l'acte coutumier n° 9-PC/CHT/GM/14 du
15 octobre 2021 ;
4°) de mettre à la charge du sénat coutumier une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la minute du jugement attaqué n'est pas signée ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'acte coutumier au vu duquel s'est prononcé le sénat coutumier est entaché d'une irrégularité particulièrement grave.
Le sénat coutumier a été mis en cause et n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;
- la loi du pays n° 2006-15 du 15 janvier 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Thiriez, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération n° 04-2022/SC du 15 mars 2022 modifiée le même jour, le sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie a constaté, au vu de l'acte coutumier n° 9-PC/CHT/GM/14 du 15 octobre 2021, la désignation de M. C... B... en qualité de chef de la tribu de Néavin, district de Moeno, commune de Ponerihouen. Mme A... B..., nièce du précédent chef de tribu, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande d'annulation de cette délibération.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué est signée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit être écarté.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le tribunal a suffisamment motivé son jugement en citant les textes applicables et en en déduisant qu'il n'appartenait au sénat coutumier de s'assurer du respect de l'ensemble des règles de procédure et de forme régissant le procès-verbal de palabre, et que les irrégularités invoquées par Mme B..., à les supposer fondées, n'étaient pas d'une gravité suffisante pour regarder le procès-verbal de palabre en litige comme inexistant.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article 141 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " Le sénat coutumier constate la désignation des autorités coutumières et la notifie au président du gouvernement qui en assure la publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie (...) ". Aux termes du II de l'article 150 de la même loi : " En cas de litige sur l'interprétation d'un procès-verbal de palabre coutumier, les parties saisissent le conseil coutumier, qui rend sa décision dans un délai maximum de trois mois ". Aux termes de l'article 21 de la loi du pays du 15 janvier 2007 relative aux actes coutumiers : " En cas de contestation portant sur l'interprétation d'un acte coutumier, le requérant introduit un recours devant le conseil coutumier concerné dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'acte (...) ". Aux termes de l'article 29 de la même loi : " Toute action en justice n'est recevable que si le litige relatif aux actes coutumiers a été porté au préalable auprès du conseil coutumier de l'aire concernée. / Après épuisement de sa compétence par le conseil coutumier, les juridictions de droit commun peuvent être saisies pour connaître des litiges relatifs à l'acte coutumier portant sur le statut civil coutumier ou les terres coutumières ".
5. Il résulte de ces dispositions que le sénat coutumier, saisi d'une demande en ce sens, est tenu de constater la désignation des autorités coutumières dès lors que le procès-verbal de palabre les désignant n'est pas entaché d'une irrégularité d'une gravité telle qu'il devrait être regardé comme inexistant.
6. Si Mme B... soutient que les enfants, neveux et nièces du précédent chef coutumier ne sont pas à l'origine du palabre désignant M. C... B... en qualité de chef de la tribu de Néavin, alors qu'ils étaient les seuls à pouvoir désigner le successeur de M. D... B..., un tel vice, qui relève de l'interprétation de l'acte coutumier en cause, laquelle n'incombe pas au sénat coutumier, n'est pas d'une gravité telle que le procès-verbal de ce palabre doive être regardé comme inexistant. Il en va de même, à le supposer soulevé, du vice tenant à ce que le chef de clan n'aurait pas été compétent pour demander l'établissement de l'acte coutumier.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin, en tout état de cause, d'ordonner la communication de l'acte coutumier concerné, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au sénat coutumier.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Bruston, présidente,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
S. BRUSTON
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA03344