Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2204177 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juillet 2023 et le 1er août 2023, M. B..., représenté par Me Rochiccioli, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation dans le même délai, en lui délivrant dans l'attente un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit des pièces, enregistrées le 11 juin 2024, et présenté des observations, enregistrées le
19 juin 2024, qui ont été communiquées aux parties.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2024, le préfet de la
Seine-Saint-Denis a conclu au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 5 juin 2023.
Par une ordonnance du 22 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- les observations de Me Sainte Fare Garnot, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1980, entré en France le 10 novembre 2016 selon ses déclarations, a fait l'objet d'un arrêté du 10 juillet 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de trois mois. Par un arrêté du
15 avril 2021, pris en exécution de l'injonction précitée, le préfet de la Seine-Saint-Denis a de nouveau rejeté la demande d'admission au séjour de M. B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi.
M. B... relève appel du jugement du 17 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué et désormais codifié à l'article L. 425-9 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Pour refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour pour soins, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est notamment fondé sur l'avis du 3 mars 2021 du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), indiquant que si son état de santé nécessitait une prise en charge, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permettait de voyager sans risques vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que, pour retenir l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité, le collège précité s'est, notamment, fondé sur le dossier médical de l'intéressé, tel que transmis par l'OFII, en réponse à la demande de la Cour, duquel il ressort que, s'agissant de sa pathologie somatique, son état était en voie de " résolution-guérison " et de stabilisation et que, s'agissant de sa pathologie psychiatrique, compte tenu d'un traitement, bien supporté, composé de Risperdone, Effexor et Prazépam et d'un suivi psychiatrique trimestriel, il ne présentait notamment ni hallucination ni ralentissement psycho-moteur. Aux fins de remettre en cause les conclusions de cet avis, M. B... soutient, d'une part, que l'absence de traitement, notamment du Prazépam, en raison de son indisponibilité au Maroc, aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, d'autre part que l'interruption du suivi thérapeutique entamé avec son psychiatre en 2019 aurait également de telles conséquences, un tel suivi étant vecteur de stabilité, de sécurité et de guérison et, enfin, que le système de santé marocain présente de multiples carences, notamment en matière de prise en charge des troubles mentaux et psychiatriques. Il invoque à cet égard, d'une part, le certificat déjà produit en première instance de son psychiatre du 4 mars 2022, mentionnant des troubles psychotiques avec syndrome délirant hallucinatoire récurrent associé à des troubles thymiques à type de dépressions engendrant des idées suicidaires régulières, d'autre part, le mécanisme de décompensation ou de réactivation des symptômes associé à l'arrêt ou la modification de son traitement, tel qu'il est décrit dans les fiches du dictionnaire Vidal et, enfin, se réfère au courriel du laboratoire EG Labo du 14 mars 2022, également produit par lui en première instance, indiquant à son conseil que le Prazépam n'est pas commercialisé au Maroc.
5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment des observations de l'OFII produites dans la présente instance, en réponse à la demande de la Cour, que l'absence de risques de conséquences d'une exceptionnelle gravité retenue par le collège de médecins résulte également, s'agissant de la pathologie psychiatrique de M. B..., outre d'une absence d'élément objectif de gravité dans son anamnèse, de l'absence de tentatives de suicide et de nécessité d'une hospitalisation psychiatrique ainsi que d'une absence de signe de gravité dans son tableau clinique à la date de la décision attaquée. L'OFII relève en effet à cet égard tant l'absence de symptômes psychotiques ou dépressifs marqués dans le rapport de la visite médicale de l'OFII du 29 janvier 2021 que le caractère espacé des consultations psychiatriques trimestrielles réalisées, la posologie faible du traitement antipsychotique, l'absence de suivi psychothérapeutique réel du fait de la barrière linguistique ainsi que l'absence d'évocation du tableau psychiatrique de l'intéressé lors de la première demande faite à l'OFII, alors même qu'il était déjà présent et revêtait un caractère chronique. Il résulte en outre des observations de l'Office que, s'agissant de la pathologie somatique de M. B..., l'absence de risques de conséquences d'une exceptionnelle gravité résulte tant de la faiblesse et en tout état de cause de l'imprévisibilité du risque infectieux évoqué par l'intéressé que de l'absence de prise en charge en cours ou prévue destinée à empêcher la survenance de telles conséquences. L'ensemble de ces éléments d'analyse ne sont pas contestés par le requérant. Par suite, ce dernier n'apporte pas d'éléments suffisants de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de la
Seine-Saint-Denis, qui n'a ainsi pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. M. B... fait valoir qu'il vit en France depuis 2016 et que la gravité de son état de santé nécessite son maintien en France au regard de la nécessité d'un suivi médical régulier et de la disponibilité de son traitement médicamenteux. Toutefois, d'une part et ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5, le requérant ne démontre pas que son état de santé nécessiterait une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. D'autre part, M. B... n'établit aucune insertion particulière en France. Enfin, l'intéressé, célibataire sans charges de famille en France, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment sa mère et sa fratrie et où il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans. Dans ces conditions, M. B..., dont l'entrée en France, à la supposer même établie en 2016, était en tout état de cause relativement récente à la date de l'arrêté attaqué, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, aucun des moyens précités dirigés contre la décision de refus de titre de séjour n'étant fondé, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale du fait de l'illégalité de cette décision.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 5 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur et ultérieurement codifiées au 9° de l'article L. 611-3 du même code, doit être écarté.
10. Enfin, pour les mêmes motifs exposés au point 7, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être également écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis et à l'office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bruston, présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.
Le rapporteur,
P. MANTZ
La présidente,
S. BRUSTON
La greffière,
A. GASPARYANLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02993 2