Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le recteur de l'académie de Créteil l'a placée en disponibilité d'office du 12 décembre 2019 au 11 décembre 2020 et d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil de réexaminer sa demande tendant à ce qu'un congé de longue maladie lui soit accordé ou, à défaut, de procéder à son reclassement au sein d'un poste adapté à son état de santé.
Par un jugement n° 2007137 du 30 novembre 2022, le tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté en tant qu'il a placé Mme A... en disponibilité d'office, a enjoint au recteur de l'académie de Créteil de réexaminer la situation de Mme A... et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Maujeul, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun en tant qu'il n'a annulé que partiellement l'arrêté du 30 juin 2020 du recteur de l'académie de Créteil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 du recteur de l'académie de Créteil ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil de réexaminer sa demande tendant à ce qu'un congé de longue maladie lui soit accordé ou, à défaut, de procéder à son reclassement au sein d'un poste adapté à son état de santé, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse à son moyen tiré de l'absence de proposition de reclassement ;
- il n'est pas signé, en méconnaissance des articles R. 741-7 et R. 741-8 du code de justice administrative ;
- la commission administrative paritaire aurait dû être consultée préalablement à sa mise en disponibilité d'office en vertu de l'article 25 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
- sa mise en disponibilité d'office aurait dû être précédée d'une procédure contradictoire en vertu de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision la plaçant en disponibilité d'office est insuffisamment motivée ;
- elle ne pouvait intervenir sans qu'un reclassement lui soit proposé ;
- elle remplissait les conditions pour être placée en congé de longue maladie.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2023, le recteur de l'académie de Créteil conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du défaut d'intérêt à agir de Mme A... contre le jugement attaqué en ce qu'il a fait droit à sa demande d'annulation de la décision du 30 juin 2020.
Par un mémoire, enregistré le 26 juillet 2024, Mme A... a répondu à ce moyen.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., professeure certifiée de lettres modernes affectée depuis le 1er septembre 2017 au lycée de la Mare Carrée de Moissy-Cramayel, en Seine-et-Marne, a été placée en congé de maladie à compter du 12 mars 2018. Elle a sollicité l'octroi d'un congé de longue maladie à compter du 12 novembre 2019. Le comité médical a émis, le 30 avril 2020, un avis défavorable à sa demande et un avis favorable à ce qu'elle soit placée en disponibilité d'office pour la période du 12 décembre 2019 au 11 décembre 2020. Par un arrêté du
30 juin 2020, le recteur de l'académie de Créteil l'a placée en disponibilité d'office du
12 décembre 2019 au 11 décembre 2020. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté en tant seulement qu'il place Mme A... en disponibilité d'office du 12 décembre 2019 au 11 décembre 2020, et a enjoint au recteur de l'académie de Créteil de réexaminer sa situation. La requérante relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé partiellement l'arrêté du 30 juin 2020 et n'a pas enjoint au recteur de l'académie de Créteil de réexaminer sa demande de placement en congé de longue maladie.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée (...) ". Aux termes de l'article 28 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Pour l'application des dispositions de l'article 34 (3°) de la loi du
11 janvier 1984 susvisée, le ministre chargé de la santé détermine par arrêté, après avis du comité médical supérieur, une liste indicative de maladies qui, si elles répondent en outre aux caractères définis à l'article 34 (3°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, peuvent ouvrir droit à congé de longue maladie. Sur cette liste doivent figurer les affections qui peuvent ouvrir droit au congé de longue durée prévu ci-après. / Toutefois, le bénéfice d'un congé de longue maladie demandé pour une affection qui n'est pas inscrite sur la liste prévue à l'alinéa précédent peut être accordé après l'avis du comité médical compétent ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie : " Les affections suivantes peuvent donner droit à un congé de longue maladie dans les conditions prévues aux articles 29 et 30 des décrets susvisés : (...) / - maladies mentales (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... suit un traitement psychiatrique et un traitement médicamenteux en raison d'un état anxio-dépressif chronique, lequel revêt le caractère d'une maladie mentale au sens des dispositions précitées, qui l'a mise dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions à compter de l'année 2018. Elle a d'ailleurs été déclarée définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions le 11 mai 2021. Il ressort des courriers du psychiatre agréé qui l'a examinée les 23 avril 2019 et 12 mars 2020 qu'elle a suivi un traitement psychotrope important qui a par la suite été allégé. Ce psychiatre a préconisé, à l'issue de son premier examen, le placement de l'intéressée en congé de longue maladie pour une durée de neuf mois, puis de six mois à l'issue du second examen. Deux certificats de psychiatres des
15 février 2019 et 7 octobre 2019 produits par la requérante font état du traitement suivi et des symptômes de Mme A... tels l'asthénie ou les troubles cognitifs importants qui gênent la lecture, le second certificat indiquant par ailleurs la nécessité d'une prise en charge au long cours. Enfin, si le comité médical a estimé, par son avis du 30 avril 2020, que l'intéressée ne remplissait pas les critères pour bénéficier d'un congé de longue maladie, il ne mentionne aucun élément de nature à remettre en cause la réalité du traitement et des soins qui lui étaient nécessaires et le caractère invalidant et grave de son état malgré son amélioration en 2019. Dans ces conditions, et au regard des pièces produites pour la première fois en appel, Mme A... est fondée à soutenir que le recteur de l'académie de Créteil a fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant de la placer en congé de longue maladie sur la période allant du 12 décembre 2019 au 11 décembre 2020.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur le refus de la placer en congé de longue maladie.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au recteur de l'académie de Créteil de réexaminer la demande de placement en congé de longue maladie formée par Mme A... au titre de la période allant du 12 décembre 2019 au 11 décembre 2020. Un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt lui est imparti pour y procéder, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.
Sur les frais du litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 30 juin 2020 du recteur de l'académie de Créteil est annulé.
Article 2 : Le jugement n° 2007137 du 30 novembre 2022 du tribunal administratif de Melun est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Créteil de réexaminer la demande de placement en congé de longue maladie de Mme A... au titre de la période allant du 12 décembre 2019 au 11 décembre 2020 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme A... en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la ministre de l'éducation nationale et au recteur de l'académie de Créteil.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Bruston, présidente,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
S. BRUSTON
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00423