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03/10/2024 | FRANCE | N°24PA02046

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 03 octobre 2024, 24PA02046


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 février 2024 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités italiennes.



Par un jugement n° 2405395 du 10 avril 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 21 février 2024 et a enjoint au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de délivrer à M. G... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans

le délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement.



Procédure devant la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 février 2024 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2405395 du 10 avril 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 21 février 2024 et a enjoint au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de délivrer à M. G... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mai 2024 et 9 juillet 2024, le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2405395 du 10 avril 2024 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit au moyen tiré d'une méconnaissance des articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés ;

- il y a toujours lieu de statuer, l'exécution du jugement contesté ne faisant pas perdre son objet à la présente requête.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2024 M. G..., représenté par Me Pafundi, demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) à titre principal, de prononcer un non-lieu à statuer ;

3°) à titre subsidiaire de rejeter la requête du préfet de police ;

4°) de mettre le versement d'une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat, au profit de Me Pafundi en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'y a plus lieu de statuer dans la mesure où il s'est vu délivrer une attestation de demande d'asile et que sa demande a été enregistrée par l'OFPRA ;

- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

Par une décision du 28 juin 2024, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a admis M. G... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés,

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003,

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme F... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... G..., ressortissant camerounais né le 20 mai 1999, est entré irrégulièrement en France et y a sollicité, le 2 octobre 2023, son admission au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 21 février 2024, le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités italiennes. Par un jugement du 10 avril 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. G... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de notification de ce jugement. Le préfet de police relève appel de ce jugement.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense :

2. Si M. G... soutient que le préfet de police lui a délivré une attestation de demande d'asile en procédure normale et que sa demande d'asile a été ultérieurement enregistrée auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ces mesures sont intervenues en exécution du jugement attaqué du 10 avril 2024 ayant annulé l'arrêté de transfert du 21 février 2024 et n'excèdent pas, dans ces circonstances, ce qui était nécessaire à l'exécution de ce jugement. Dans ces conditions, l'exception de non-lieu à statuer soulevée par M. G... doit être écartée.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

3. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 de ce règlement : " (...) chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ".

4. Pour annuler la décision attaquée au motif que le préfet de police avait méconnu les articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire qu'ils prévoient, le tribunal a estimé qu'il existait un risque sérieux que la demande d'asile de M. G... ne soit pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions permettant le respect de l'ensemble des garanties prévues par le droit d'asile, compte tenu de la lettre circulaire du 5 décembre 2022, adressée à l'ensemble des services des autres États chargés de l'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, par laquelle le ministre de l'intérieur italien a indiqué à ces États qu'ils étaient priés de suspendre temporairement les transferts vers l'Italie, à l'exception de ceux liés à la réunification familiale des mineurs non accompagnés, à compter du 6 décembre 2022, pour des raisons liées à l'indisponibilité des installations d'accueil.

5. Toutefois, en l'absence au dossier d'autres éléments précis et actualisés sur la situation des demandeurs d'asile en Italie, la lettre circulaire précitée, qui se borne à demander aux autorités des autres États membres une " suspension temporaire " des transferts de demandeurs d'asile pour des motifs purement techniques liés à la saturation des centres d'accueil, sans d'ailleurs que soit abordée la question de l'accès aux soins des demandeurs d'asile, ne saurait, à elle seule, suffire à caractériser qu'il existait toujours, à la date de l'arrêté litigieux, une indisponibilité des installations d'accueil et plus largement une défaillance systémique des autorités italiennes dans la procédure d'asile. En outre, les autorités italiennes ont accepté implicitement, le 18 janvier 2024, la demande de prise en charge que lui ont adressée les autorités françaises dans la présente espèce. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 février 2024 et lui a enjoint de délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G... en première instance.

Sur les autres moyens soulevés par M. G... :

7. En premier lieu, par un arrêté n° 2024-00198 du 16 février 2024, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de police du même jour, le préfet de police a donné délégation à Mme C... B..., attachée d'administration de l'État, directement placée sous l'autorité de Mme E... D..., attachée principale, adjointe au chef du bureau de l'accueil de la demande d'asile, à effet de signer tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions au nombre desquelles figure la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

9. L'arrêté litigieux, après avoir visé le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, mentionne les éléments de fait relatifs à la situation de M. G..., en rappelant notamment que le relevé de ses empreintes a révélé qu'il avait irrégulièrement franchi les frontières italiennes le 26 août 2023, et que les autorités italiennes, saisies le 17 novembre 2023 d'une demande de prise en charge sur le fondement de l'article 13-1 de ce règlement, ont implicitement accepté leur responsabilité le 18 janvier 2024. L'arrêté indique en outre que l'intéressé ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et enfin qu'il n'établit pas l'existence d'un risque personnel qui conduirait à ce que soit portée une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes. Ainsi, cet arrêté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont de nature à permettre à l'intéressé de comprendre le critère retenu pour la détermination de l'État responsable de sa demande d'asile.

10. En troisième lieu, l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride dispose que : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par le paragraphe 2 de l'article 4 du règlement constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

12. Il ressort des pièces du dossier que M. G... s'est vu remettre, contre signature, la brochure dite " A " (" J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ") et la brochure dite " B " (" Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' "). Il n'est pas établi que ces documents, rédigés en langue française, et remis à l'intéressé dès l'introduction de sa demande, ne comportaient pas l'ensemble des éléments d'information énumérés par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, alors qu'il est indiqué, au-dessus de la signature apposée par le requérant sur chacun des documents, le nombre de pages qu'ils comportaient. Si M. G... fait valoir que les brochures devaient être remises dans une langue qu'il comprend, l'intéressé a signé le résumé de l'entretien individuel, réalisé en langue française, et a déclaré " avoir compris l'ensemble des termes de cet entretien ". Par ailleurs, M. G... ne saurait utilement se plaindre de ce que la notice d'information destinée aux seules personnes dont l'examen de la demande d'asile relève de la compétence de la France et portant sur le choix de la langue dans laquelle ils souhaitent être entendus, ne lui aurait pas été remise, la communication de cette notice n'étant pas rendue obligatoire dans le cas d'une décision de transfert vers un autre État responsable de l'examen de la demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / [...] 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national [...] ".

14. Il résulte de ces dispositions que les autorités de l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable doivent, afin d'en faciliter la détermination et de vérifier que le demandeur d'asile a bien reçu et compris les informations prévues par l'article 4 du même règlement, mener un entretien individuel avec le demandeur. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu de cet entretien versé au dossier par le préfet de police, que M. G... a bénéficié d'un entretien individuel le 2 octobre 2023 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en français, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, et qu'il a ainsi eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'État responsable de sa demande d'asile. L'intéressé ne fait état devant la cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Si le résumé de l'entretien individuel, dont l'intéressé a eu connaissance comme en atteste l'apposition de sa signature, ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que M. G... a été reçu par un agent du bureau de l'accueil de la demande d'asile de la délégation à l'immigration de la préfecture de police. Dès lors que cet entretien a été mené par une personne qualifiée au sens des dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent l'ayant conduit est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Par ailleurs, il ne résulte ni des dispositions du règlement du 26 juin 2013, ni d'aucune autre disposition législative ou règlementaire que l'agent chargé de mener l'entretien individuel en vue de déterminer l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile, devrait bénéficier d'une délégation de signature du préfet de police. Enfin, les dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'imposent pas qu'une relecture du résumé de l'entretien individuel soit réalisée avant sa signature, ni qu'une copie de ce résumé soit remise d'office à l'intéressé, ni que le résumé mentionne la possibilité pour son conseil d'en solliciter la communication, ni encore que la durée de l'entretien soit mentionnée dans ce résumé. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 121-1, et non L. 211-5 comme invoqué, du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Il ressort des termes de ces dispositions que la procédure contradictoire préalable qu'elles prévoient n'est pas applicable aux décisions statuant sur une demande, ce qui est le cas en l'espèce. M. G..., qui a d'ailleurs bénéficié de l'entretien mentionné ci-dessus, ne saurait donc utilement soutenir que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance du principe du contradictoire.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement n° 604/2013 : " 1. L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") " Eurodac " avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. / (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 (...) équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée (...) ". Par ailleurs, il résulte des dispositions des articles 15, 18 et 19 du règlement (CE) de la Commission du 2 septembre 2003 susvisé que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

17. Contrairement à ce que soutient M. G..., la preuve de la demande de prise en charge adressée par la préfecture de police aux autorités italiennes, ainsi que celle de la réponse de ces autorités, sont rapportées par le préfet de police, qui a produit en première instance la requête aux fins de prise en charge adressée le 17 novembre 2023 aux autorités italiennes dont elles ont accusé réception le jour même dans le cadre du réseau " DubliNet " par le point d'accès national italien, cette transmission étant intervenue conformément à l'article 21 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, en application de l'article 22 précité du même règlement, les autorités italiennes sont réputées avoir accepté implicitement cette prise en charge, ce dont elles ont été informées par le " constat d'un accord implicite et confirmation de reconnaissance de la responsabilité " qui leur a été adressé le 21 février 2024, ainsi qu'en justifie le préfet de police par la production du formulaire dont il a été accusé réception également le jour même. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police n'apporte pas la preuve de la saisine des autorités italiennes et de leur accord pour le transfert.

18. En septième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable ".

19. Si M. G... soutient qu'il n'a pas été informé de ce qu'il pouvait se rendre en Italie par ses propres moyens, les dispositions précitées de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'imposaient pas au préfet de préciser à l'intéressé l'ensemble des modalités de transfert, notamment la possibilité d'un transfert volontaire. Dès lors, un tel moyen, qui concerne les conditions d'exécution de la mesure de transfert, est inopérant et doit, par suite, être écarté.

20. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Par ailleurs, l'article 17 du règlement n° 604/2013 du

26 juin 2013 prévoit que : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

21. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les États membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un État autre que la France, que cet État a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraîneraient un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet État membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet État membre, l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, ne saurait caractériser la méconnaissance par cet État de ses obligations.

22. M. G... invoque le durcissement de la politique migratoire italienne et le fait que les expulsions vers le Cameroun constituent une pratique courante des autorités italiennes. Toutefois, comme il a été dit précédemment, la lettre circulaire du 5 décembre 2022 qu'il invoque, par laquelle le ministère italien de l'intérieur demande une " suspension temporaire " de la plupart des transferts à destination de l'Italie, pour des motifs techniques apparus soudainement et liés à l'indisponibilité des centres d'accueil dans ce pays, ne saurait, par elle-même, établir l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il y aurait, plusieurs mois après cette lettre circulaire, de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Italie de telles défaillances. En outre, aucune pièce du dossier n'établit une pratique d'expulsion courante des ressortissants camerounais vers leur pays d'origine de la part des autorités italiennes. M. G... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du

21 février 2024, lui a enjoint de délivrer à M. G... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours et a mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros à Me Pafundi, avocat de M. G..., sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il est dès lors fondé à demander l'annulation des articles

2 à 4 de ce jugement et le rejet des conclusions de la demande de M. G... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme au titre des frais exposés par

M. G... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2405395/8 du 10 avril 2024 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de police, à M. A... G... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement,

Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.

La rapporteure,

Mélanie F...

La présidente,

Marianne JULLIARD

La greffière,

Nassima DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 24PA02046


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02046
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : ANGLADE & PAFUNDI A.A.R.P.I

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;24pa02046 ?
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